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Ophéa promet plus de proximité et de transparence à ses locataires

Deux familles en attente de relogement confrontées à des habitats insalubres avaient alerté Rue89 Strasbourg. Suite à la publication de l’article, Ophéa reconnaît des erreurs dans ces cas précis. Salah Koussa, le président du premier bailleur social de l’Eurométropole promet plus de proximité et de transparence à ses locataires.

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Ophéa promet plus de proximité et de transparence à ses locataires

Le 25 novembre, Rue89 Strasbourg faisait état de la situation impossible de deux familles du Neuhof. En attente de relogement par leur bailleur social Ophéa, elle se retrouvaient forcées de vivre ou d’emmenager dans des appartements insalubres. Suite à la publication de cet article, Salah Koussa, le président du premier bailleur social de l’Eurométropole, également conseiller municipal délégué et eurométropolitain, a souhaité réagir et apporter des réponses. Salah Koussa est élu référent du quartier Hautepierre, membre de la majorité, il vient de quitter le groupe d’élus socialistes.

Rue89 Strasbourg : Comment expliquez vous ces situations dont Rue89 Strasbourg s’est fait l’écho et qui paraissent extrêmement choquantes ? 

Salah Koussa : Concernant la famille rue de Clairvivre (dégâts des eaux et chauffage coupé NDLR), c’est une situation qui n’est pas acceptable. Nous nous sommes rendus sur place avec Lucette Tisserand, conseillère municipale du Neuhof, après la publication de l’article. Nous avons immédiatement enclenché les procédures d’urgence, la famille a été logée à l’hôtel et puis jusqu’à ce que son nouvel appartement soit prêt, elle est dans un logement provisoire.

Ce n’est pas la première fois que l’on se déplace sur le terrain, je fais beaucoup de visites surprises, je prends régulièrement des nouvelles de nos locataires, quand je ne viens pas à eux, ils savent qu’ils peuvent venir me voir lors de mes permanences, je suis accessible.

« J’aurais réagi de la même manière »

Qu’en est il de l’appartement qui avait été proposé pour un relogement avec remise des clés mais qui était encore en chantier ? 

Les clés ont été remises comme si la famille pouvait s’installer… J’aurais réagi de la même manière. Quand on vous donne les clés, c’est que c’est fini, pas pour trouver des étais dans l’appartement. C’était une faute de notre part due à un manque de communication, je pense. Le maximum est fait pour terminer les travaux, au plus vite.

Ces locataires alertaient depuis un moment par des canaux qui existent bien mais elles n’avaient aucune réponse satisfaisante, pourquoi ? 

Il y a clairement eu un problème de communication entre services. Je ne vais pas chercher qui a fait quoi mais il y a eu une erreur d’ordre organisationnelle qui a fait qu’on en arrive là. En tout cas personnellement, je ne trouve pas ces situations admissibles.

294 logements à démolir à Hautepierre, 306 à Hautepierre

Existe-t-il selon vous problème systémique dans la façon dont le relogement fonctionne ? 

Non, ce n’est pas un problème systémique, ce sont des cas qui ne sont pas fréquents et heureusement d’ailleurs. L’une des locataires avait refusé des logements, 3 ou 4, je crois. Des logements il ne s’en libère pas des masses, notre parc est quasi complet, notamment les 3-4 pièces. L’idée c’est de faire aussi en fonction des desiderata de nos locataires, nous on propose, ils ont le choix ou pas d’accepter. Et il existe des secteurs très tendus : Neudorf, Esplanade…

Mais cette famille voulait rester au Neuhof…

Cela n’a pas pu se faire, parce que c’est plein.

Est-ce que c’est aussi la façon dont ces démolitions ou rénovations ont été pensées et décidées, elles sont plus importantes dans certains quartiers, le Neuhof par exemple est très concerné. Est ce que ça a été décidé trop vite ? Beaucoup de familles sont à reloger.

En tout, il y a 294 logements en démolition, seulement pour le Neuhof. C’est 21% du parc sur ce quartier. Même si ce n’est pas le quartier qui va subir la plus grosse transformation : c’est Hautepierre avec 306 logements. 

Concernant les problèmes qu’il y a eu avec ces deux cas, j’ai réfléchi à un nouvelle organisation.

« Début 2022 nous aurons un pôle proximité »

Depuis quand ?

J’y réfléchis depuis le début de mon mandat que j’ai axé sur la confiance (Salah Koussa est à la tête du conseil d’administration depuis octobre 2020 ndlr). La confiance avec nos locataires. Pour cela je devais mettre en place une organisation telle qu’on puisse avoir plus de proximité avec eux. Début 2022 nous aurons un nouveau pôle, baptisé « pôle proximité » qui sera une entité à part entière, et non plus sous le pôle direction qui intégrait la gestion locative et la proximité. C’est tellement important que ce pôle sera géré par un responsable à part qui coiffera l’ensemble des agences.

Cela faciltera le contact direct avec les locataires ?

Oui et cela donnera les moyens aux agences d’agir plus vite et de donner des réponses plus rapidement aux locataires. Ce qui m’est remonté : quand une personne de l’agence n’a pas de réponse tout de suite par rapport à une intervention, c’est un problème. Ce pôle permettra une meilleure réactivité, un meilleur contact, et c’est vraiment ce que je veux : améliorer les relations avec les locataires d’où ce mot de confiance. J’ai vécu dans les HLM, chez Ophéa, donc je connais bien l’outil de l’intérieur.

Combien de personnes dans ce pôle proximité? 

Un directeur chapeautera toutes les agences, qui sont au nombre de 6. Et j’y intégrerai une partie du pôle technique, pour accueillir les personnes et donner une date d’intervention, il faut que l’agent d’accueil et le directeur d’agence aient le planning des opérations des techniciens sous les yeux. Les responsables techniques seront intégrés à ce pôle également.

Selon des informations qui nous avait été communiquées, c’est une équipe de 4 personnes qui s’occupe des relogements cela paraît peu.

Il y a aussi les équipes du terrain, ils sont 5 à 6 par agence. Pour accentuer encore cette proximité, on a embauché 6 gardiens en plus.

Ils ont pour tâches ?

La proximité avec les locataires et aussi un job de contrôle, le lien avec les régies de quartier, intervenir dans les logements aussi. J’estime que le métier de gardien est très important, ils sont 4 à 5 par quartier, donc ils seront un gardien en plus par zone. 

Mais est ce que ces postes là auraient pu servir à quelque chose dans les cas dont on a parlé ? 

Directement non, mais dans le cadre du pôle proximité à venir, très certainement. 

Dans le cas d’une des familles qui nous ont alerté, un autre aspect choquant était que le chauffage avait été coupé dans l’immeuble… 

Les immeubles sont voués à la démolition, donc le chauffage a été coupé dans le secteur, c’est le cas des bâtiment vides

Mais il n’était pas vide… 

On aurait dû, c’est vrai, être plus attentif et plus réactif à cette situation. 

Nous avons un parc de plus de 20 000 logements. Il faut entretenir ce parc là et mettre des moyens humains, il n’y a que l’humain qui peut régler les problèmes tels qu’on les voit aujourd’hui. Par de la médiation, des contacts avec les locataires, ça permettra de faire remonter les informations plus rapidement, par exemple de lutter contre les rats. Dire aux gens qu’ils ne faut pas jeter les déchets par la fenêtre, éviter de mettre les sacs poubelles à l’extérieur des containers… même si quand ils sont pleins, je comprends. 

C’est tout un dialogue à refaire avec nos locataires, il y a des gens en grande majorité qui le font bien et ne comprennent pas ces comportements et nous demandent d’agir. Cela passe par du dialogue et on réfléchit même à donner des amendes aux gens qui ne respectent pas ce vivre-ensemble. Tous les nouveaux locataires signeront une charte où ils s’engagent à respecter les lieux de vie et du cadre commun. C’est aussi important que le bail.

Donner une date précise de fin de travaux

Ce pôle sera décentralisé ? Du point de vue des locataires il y avait aussi cette fatigue de s’entendre dire : « ça dépend pas de nous, on attend les réponses »… 

Aujourd’hui un responsable d’agence ou un agent d’accueil doit être capable de donner une date précise d’intervention au locataire qui est en face. Jusqu’à maintenant ce n’était pas le cas, j’ai eu beaucoup de remontées de ce type.

C’était en effet le cas pour les situations des familles que l’on a rapporté.

Tout à fait. Aujourd’hui j’ai exigé que l’on soit plus précis dans nos interventions, que ce soit les entreprises extérieures ou quand les travaux sont faits en interne. Je veux que l’on soit exigeant vis-à-vis des prestataires et que l’on soit nous mêmes exigeants avec nos services de maintenance. (ndlr : une date précise de travaux et d’entrée dans l’appartement a bien été fixée pour une des familles locataires, ce n’est pas encore le cas pour l’autre)

Salah Koussa est élu référent du quartier de Hautepierre ou 306 logements sont concernés par la rénovation Photo : SW Rue 89 Strasbourg

« Si une société veut faire du business avec Ophéa, on sera très exigeant »

Jusqu’à présent aviez-vous l’impression, que les prestataires, qui sont des entreprises privées et ont d’autres chantiers, étaient moins pressés de finir quand c’était du logement social ? 

Non je n’ai pas eu cette impression. Même si j’ai eu aussi ce genre de remontées. Mais ce que je peux vous assurer : si une société extérieure veut faire du business avec Ophéa, on sera très exigeant.

Plus qu’avant ?

Encore plus qu’avant.

Combien de personnes s’occupent de la maintenance en interne ?

Les équipes techniques en charge des travaux d’entretien et de maintenance se composent de 148 personnes, réparties par sous-métier : chauffage, électricité, plomberie. Les interventions sont réalisées en interne à 74% et donc 26% en externe. Sauf pour les remises en état de logement qui sont 100% en externe, ce sont des marchés confiés à Bouygues depuis 3 ans.

Avez-vous eu des retours d’un fonctionnement qui se dégrade ? 

Quand ça se passe bien, on ne nous remonte pas forcément l’information. C’est quand ça se passe mal qu’on est au courant. On entend qu’il y a des problèmes, que les travaux ne sont pas terminés, qu’on a pas la date définitive de fin de travaux… Les entreprises extérieures ont elles-mêmes parfois du mal à trouver du personnel, donc ça peut s’étendre. Mais on garde l’œil ouvert par rapport à ce que nous disent nos locataires. 

« On doit la transparence à nos locataires »

Ce n’est pas un système que vous avez l’intention de changer? 

Je suis en train d’y réfléchir. Je pense à impliquer les régies de quartier. Elles travaillent avec Ophéa depuis une quinzaine d’années. Il s’agit d’entreprises d’insertion, d’allocataires du RSA qui veulent apprendre un métier. C’est déjà le cas pour l’entretien extérieur, la propreté des parties communes etc… Ça représente 5 millions d’euros aujourd’hui. On pourrait les inclure dans les équipes techniques.

En tout cas, il faut trouver toutes les solutions qui permettent de donner des réponses claires à nos locataires, on leur doit la transparence, c’est la moindre des choses. 

Le hall d’immeuble de l’appartement où devait être relogée une des familles, sera aussi remis en état selon Ophéa Photo : SW, rue 89 Strasbourg

« La lutte contre le vandalisme nous coûte cher »

Il y a aussi des personnes extérieures qui jettent ou dégradent. Dans un des immeubles qui a été attribué en relogement, et que l’on a visité, le hall est un lieu de squat, de trafic même. Les locaux sont dégradés et vandalisés, ce qui inquiète cette famille qui compte des personnes fragiles

La lutte contre le vandalisme nous coûte extrêmement cher. C’est tout nouveau on va mettre en place des entreprises de médiation avec des jeunes pour nous aider à parler aux jeunes. À Cronenbourg, la rénovation de la tour du 11 rue Augustin Fresnel dont le hall était squatté a coûté 150 000 euros de travaux. Elle a été saccagée au bout de dix jours après le départ d’une entreprise de sécurité qu’on avait contractée. Je veux entamer le dialogue contre ces incivilités, on a aussi ce rôle social.

Je préfère donner du boulot aux jeunes pour qu’on l’on puisse régler ce phénomène, même si ça ne va pas se régler en un jour. Ce qui m’importe c’est la sécurité de nos locataires. Ca ouvre aussi des possibilités aux jeunes de ces quartiers qui ne trouvent pas de travail, Ophéa peut proposer des alternances pour les former et les aider à avoir un métier. Un projet d’entreprise de médiation qui m’a été proposée par un jeune d’Hautepierre, ce sera d’abord testé sur Hautepierre et Cronenbourg.

Ce programme est ambitieux, avez vous les ressources ? 

Je préfère dépenser plus pour l’entretien et la sécurité, pour moi ce n’est pas un sujet

A un moment donné il faut quand même trouver les moyens … 

L’entreprise se porte bien, nous avons des recettes à plus de 75 millions d’euros. On trouvera les moyens, l’ensemble de la réorganisation avec le pôle proximité va coûter 400 000 euros, qui sont déjà budgétisés.

25 000 demandes de logements sociaux

Vous dites que la situation du logement est tendue, combien de personnes attendent ?

Il y a grosso modo 25 000 demandeurs de logements dans l’Eurométropole, tous bailleurs confondus. La durée, difficile pour moi de vous la donner, cela dépend des critères … 

Et quant à l’évolution du parc ? Le montant des loyers ?

Depuis 10 ans, le parc a augmenté de 210 logements. Le loyer moyen est de 342 euros, contre 307 euros en 2011. Une majorité des logements sont des 3-4 pièces.

Vous me parliez de visites surprises. Est ce qu’il y a des choses qui vous ont frappé au cours de ces visites? 

Je suis un homme de terrain, issu de l’associatif, je connais tous les quartiers, c’est ce qui a fait que je me suis lancé en politique. Je connais le cadre de vie, je ne découvre rien mais aujourd’hui j’ai les moyens de changer les choses, on va y mettre les moyens humains et financiers. Les locataires ne voient pas encore les résultats, mais j’ai confiance je vais faire en sorte que cela fonctionne.


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