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« Josep », un film d’animation contre l’oubli de la Retirada

Avec Josep, le dessinateur Aurel et le scénariste Jean-Louis Milesi rendent hommage à un autre dessinateur : Josep Bartoli. Un premier film d’animation poignant sur un sujet méconnu de l’Histoire de France, le sort des réfugiés après la guerre d’Espagne.

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« Josep », un film d’animation contre l’oubli de la Retirada

En février 1939, Barcelone tombe aux mains des troupes du général Franco, c’est la fin de la guerre civile d’Espagne, près de 500 000 républicains fuient vers la France. Le gouvernement Daladier ne sait pas quoi faire de ces réfugiés et les enferment dans des camps, sur les plages d’Argelès ou de Saint-Cyprien, en plein hiver.

Pendant deux ans, le dessinateur de presse Josep Bartoli, qui a pris les armes contre les nationalistes, fait partie de ces prisonniers. En cachette, il jette sur le papier les corps affamés, malades, la cruauté des gardiens français aux visages porcins… En 1943, il parvient à s’enfuir au Mexique, où il publiera ses dessins.

80 ans plus tard, Aurel, auteur de BD et dessinateur pour Le Monde, Politis ou Marianne rend hommage au travail de Bartoli. Les silhouettes des réfugiés espagnols resurgissent du sable des plages languedociennes afin qu’on ne les oublie pas. Pour écrire son premier long métrage, Aurel a fait appel à Jean-Louis Milesi, scénariste entre autre de Robert Guédiguian.

Rue89 Strasbourg : Comment s’est fait la rencontre avec le dessinateur Aurel et avec son sujet : l’artiste Josep Bartoli ?

Jean-Louis Milesi : Aurel est tombé sur les dessins de Josep Bartoli en 2010, je ne sais pas pourquoi il a voulu en faire un film plutôt qu’une bande-dessinée, je ne lui ai jamais demandé. Il a essayé d’écrire lui-même un scénario mais il n’y arrivait pas. C’est le producteur, Serge Lalou, qui connaissait mon travail avec Robert Guédiguian, qui lui a parlé de moi. À ce moment-là, j’étais en Californie, alors on a échangé par Skype. Je n’avais jamais travaillé pour un film d’animation et moi, dès que je sens un petit danger, ça m’intéresse ! Il m’a envoyé tout un tas de documentation. J’ai découvert le travail de Bartoli et l’histoire de la Retirada, ces républicains qui ont fui après la guerre d’Espagne.

Josep Bartoli s’isole pour dessiner. (Doc. remis)

C’est un gendarme français, Serge, qui raconte l’histoire de Josep. Ces deux personnages se sauvent mutuellement. Est-ce que Serge a vraiment existé ?

Josep Bartoli a laissé peu de traces de sa propre vie, en dehors de ses dessins, pas d’écrits. On sait qu’à un moment donné, il a été aidé par un gendarme mais ça s’arrête là. J’ai créé le personnage de Serge parce que je n’avais pas envie de raconter la vie de Josep de son point de vue. Serge sert de passeur de témoin, Aurel était très attaché à cette idée de transmission, il m’en a parlé tout de suite. Ce duo Serge-Josep rappelle aussi notre duo : je suis plus proche de Serge et Aurel de Josep. Serge est un naïf, il aurait pu basculer d’un côté comme de l’autre, mais il est révélé à l’art par Josep.

Écrire pour un film d’animation, est-ce le même travail que pour un long métrage classique ?

Oui, mon travail de scénariste est identique. Je me suis senti très libre, en me disant qu’il n’y aurait pas de problème de coût de production. Mais là-dessus, j’avais tort : 50 personnes sur un marché cela coûte plus cher à dessiner que deux personnes sur le bord d’une route, parce que cela prend plus de temps !

Bartoli au Mexique, retour des couleurs vives. (Doc. remis)

Le dessin change en fonction des étapes de la vie de Bartoli, c’est une idée de qui ?

C’est une idée d’Aurel. Toute la partie animation, je l’ai découverte après l’écriture. Pour Aurel, la partie qui se situe dans les camps, sur les plages des Pyrénées Orientales, devait être plus dessinée qu’animée. C’est très fidèle aux dessins de Bartoli : les décors sont très simples, la plage et les fils barbelés. Au début, cela surprend. Et puis, l’animation prend le dessus dans les passages du présent. Le dessin évolue encore quand Josep se rend au Mexique où il rencontre Frida Kahlo. Le film a pris beaucoup de temps à se faire, la recherche de financement a été longue, notamment parce qu’Aurel est nouveau dans le métier. Mais cela lui a permis de s’affirmer dans ses choix et il a bien fait, ça fonctionne !


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