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La cathédrale, ce chantier éternel

Pourra t-on un jour admirer la cathédrale sans échafaudages ? Alors qu’elle fête bientôt les mille ans de ses fondations, zoom sur les chantiers de restauration et de conservation d’une dame de pierre qui n’en finit jamais de se refaire une beauté.

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La cathédrale de Strasbourg, toujours en chantier. (Photo OG / Rue89 Strasbourg / cc)

Actuellement en travaux : la façade sud du transept. Ceux de la tourelle sud-est de la haute-tour n'ont pas encore commencés. (Photo OG / Rue89 Strasbourg / cc)
Actuellement en travaux : la façade sud du transept. Ceux de la tourelle sud-est de la haute-tour n’ont pas encore commencés (Photo OG / Rue89 Strasbourg / cc)

À la cathédrale de Strasbourg, un chantier se termine, qu’un autre recommence. Un des derniers en date : la restauration de la façade Sud du transept (la partie transversale qui avec la nef forme une croix). Un chantier mixte, partagé entre l’État, via la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles), propriétaire de la cathédrale, et la Ville, à travers la Fondation de l’œuvre Notre-Dame.

Après les travaux de restauration de la flèche (de 2000 à 2004) et ceux du côté nord de la nef, de la haute tour et de la galerie romane (de 2005 à 2010), c’est, encore, un nouveau chantier qui redémarre. Le but : remédier à l’usure naturelle de la pierre, protéger les vitraux et renforcer la polychromie.

Ce nouveau chantier s’accompagnera bientôt de la mise en lumière extérieure de l’édifice et de nouveaux vitraux pour la chapelle Sainte-Catherine.

Pour ces travaux, l’État s’est doté d’un budget de 3,5 millions d’euros répartis sur trois ans. Il est relayé sur certaines interventions par les membres de la fondation de l’œuvre Notre-Dame, qui dispose environ de 2,5 millions d’euros chaque année pour la cathédrale, un budget assez variable selon les chantiers engagés.

« Une organisation classique pour un bâtiment qui ne l’est pas »

La cathédrale, en général, dépend de trois acteurs, c’est une particularité alsacienne. L’État en est le propriétaire, l’Archevêché, l’affectataire (locataire) et la Ville, qui intervient à travers l’œuvre Notre-Dame. Cette commission tripartite se réunit toutes les six semaines pour faire le point sur le bâtiment et les besoins de chacun.

Pour Michel Wackenheim, chânoine et archiprêtre de la cathédrale, pas forcément évident de mettre tout le monde d’accord :

 « Chacun vient avec une approche différente. Par exemple, à la cathédrale, nous manquons cruellement d’espace de stockage. Nous voulions en créer un entre la chapelle Sainte-Catherine et la chapelle Saint-Michel en le recouvrant d’un toit pour que ça ne soit pas visible par le visiteur. Au début la DRAC ne voulait pas car elle redoutait que ça ne déforme le bâtiment. Mais après discussions, ce sont eux qui, finalement, nous ont orientés dans la conduite des travaux. »

La DRAC ne les voulaient plus : les écrans de signalétiques sont relégués sur les bas-côtés par manque d'espace de stockage, en attendant leur reconversion... ( Photo  OG / Rue89 Strasbourg / cc)
La DRAC ne les voulaient plus : les écrans de signalétiques sont relégués sur les bas-côtés par manque d’espace de stockage, en attendant leur reconversion… ( Photo OG / Rue89 Strasbourg / cc)

Partagé entre l’État, l’Eglise et la Ville, cette organisation peut paraître inédite. Éric Fischer, chef de service à l’œuvre Notre-Dame, relativise :

« La commission est un lieu de compromis et permet la discussion : on ne vote pas. Mais la hiérarchie est claire : c’est une relation classique de propriétaire à locataire. Quelque part, c’est une organisation classique pour un bâtiment qui ne l’est pas. Et nous, au milieu, on a une légitimité de fait par notre connaissance de l’édifice au quotidien. »

 Les pigeons et l’électricité : bêtes noires de la cathédrale

Deuxième cathédrale la plus visitée de France, juste après Notre-Dame de Paris, avec près de quatre millions de visiteurs par an, l’église gothique requiert une logistique particulière et une surveillance constante. Pas évident avec plus de 6 000m2 de surface bâtie, 1 500m2 d’espace vitré et près de 150 gargouilles.

Au quotidien, la veille est permanente et chaque détail est scruté : fissures, infiltrations, dégradations naturelles ou volontaires, altération de la pierre. Pour Benoît Léothaud, chef de service territorial de l’architecture et du patrimoine à la DRAC, il faut au maximum anticiper les éventuels problèmes :

« C’est un édifice qui a poussé très loin la technicité de la pierre et il faut intervenir en permanence. Le grès est une pierre fragile. Il faut constamment devancer les soucis qui pourraient apparaître. Et ici, chaque sujet prend des proportions proportionnelles à l’édifice : dès qu’on touche à un truc, il faut fixer des conditions et cela entraîne tout un tas de choses. C’est un chantier perpétuel. »

Pas moins de 100 000 euros sont nécessaires chaque année à la DRAC pour l’entretien courant de l’édifice : réfection de la toiture, mise au normes régulières de l’électricité… Pas évident pour Patrick Fuchs, intendant de la cathérale depuis huit ans, de régler des problèmes de maintenance dans un bâtiment classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988 :

« Rien n’est simple à la cathédrale. Par exemple, tout ce qui concerne l’électricité doit être caché. On ne peut pas tirer des câbles comme on veut d’un endroit à l’autre. Quand on pourrait simplement faire 10 mètres avec un câble électrique dans un bâtiment lambda, il en faut 50 ici. »

"La gestion des lignes électrique est un casse-tête permanent" (Photo OG / Rue89 Strasbourg / cc)
« La gestion des lignes électrique est un casse-tête permanent » (Photo OG / Rue89 Strasbourg / cc)
Les câbles électriques sont dissimulés dans l'architecture de la cathédrale. (Photo : OG / Rue89 Strasbourg / cc)
Les câbles électriques sont dissimulés dans l’architecture de la cathédrale. (Photo : OG / Rue89 Strasbourg / cc)

Autre problème réccurrent : les pigeons. Il faut régulièrement dégager les chéneaux (qui conduisent les eaux pluviales) de leurs excréments, mais aussi de pigeons morts. Dernier problème en date : une infiltration d’eau suite aux orages de ces deniers jours.

Une cathédrale sans chantier ?

C’est la question qui fait sourire tous les acteurs qui connaissent bien le bâtiment. Avec les festivités du millénaire qui démarrent en septembre et vont durer pendant un an, les travaux de rénovation ne risquent pas de cesser explique Michel Wackenheim :

« En plus des travaux actuels, il y aura bientôt l’ouverture de la galerie du Chevet à partir d’octobre prochain, le relevage du grand orgue vers et l’installation de l’horloge pour les festivités du millénaire. »

De son côté, Eric Fischer, outre les nécessités patrimoniales, estime indispensable que la cathédrale soit un chantier permanent et pointe la valeur éducative :

« S’il n’y a plus de chantier, il n’y aura plus de transmission du savoir-faire, par exemple celui du tailleur de pierre. »

Avec la prochaine modernisation de la plateforme perchée à 66 mètres du sol (rénovation de la loge-caisse, réhabilitation du circuit touristique) il risque donc d’être difficile pour le touriste ou les Strasbourgeois d’apercevoir la cathédrale sans la moindre retouche. Benoît Léothaud conclut :

« Vu l’énormité et la complexité de l’édifice, sa position en plein centre-ville, pas forcément facile d’accès, il sera toujours un chantier continu. Et de toute manière, le jour où on pourra faire le tour du bâtiment sans qu’il n’y ait plus d’échafaudages, il faudra à nouveau tout recommencer. »


#Cathédrale de Strasbourg

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