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Manifestation féministe du 8 mars : « Il faut continuer à se battre, rien n’est jamais acquis ! »

À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, plus de 2 000 manifestantes ont défilé dans les rues de Strasbourg mercredi 8 mars. Dans le cortège, nombre d’entre elles s’alarment des menaces qui pèsent sur les acquis féministes et jugent long le chemin qu’il reste à parcourir avant l’égalité.

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Manifestation féministe du 8 mars : « Il faut continuer à se battre, rien n’est jamais acquis ! »

« Mon corps, mon choix, et ferme ta gueule ! » « On rasera ni les murs ni nos poils ! » « Nos droits ne devraient pas faire débat ! » Dans la foule qui se massifie place Kléber, en ce début d’après-midi du mercredi 8 mars, nombreuses sont les pancartes à insister sur le droit des femmes à disposer de leurs corps. Pour la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, plus de 2 000 personnes ont répondu à l’appel à manifester de l’Assemblée féministe de Strasbourg.

Parmi elles, Selin, 34 ans :

« Je suis là parce que j’aimerais, de mon vivant, que l’on atteigne une réelle égalité entre femmes et hommes. Mais aussi parce que je ne suis pas certaine que j’aurais toute ma vie le droit d’accéder à l’IVG. »

Ancienne militante à Nous Toutes 67, cette jeune femme travaillant à la Ville de Strasbourg, redoute un recul des droits des femmes :

« Au niveau local, cette année, il y aussi eu une conférence anti-avortement organisée au Parlement européen et des réunions de l’Alliance Vita contre l’IVG… Et ce qu’il s’est passé devant le planning familial aujourd’hui. C’est inquiétant. »

Photo : Carol Burel / Rue89 Strasbourg / cc

Ne rien céder aux relents conservateurs

Le matin même, un tag assimilant l’interruption volontaire de grossesse à une violence faite aux femmes a en effet été retrouvé sur la chaussée, devant les locaux de l’antenne strasbourgeoise de l’association. Pour la jeune femme, les acquis féministes restent fragiles. Et la cause peine à mobiliser. « Les violences faites aux femmes indignent moins que les autres sujets, regrette-t-elle en déplorant que « les féminicides appartiennent à la catégorie faits-divers… »

Jeanne Barseghian a participé à la manifestation Photo : Carol Burel / Rue89 Strasbourg / cc

14h. La foule est redirigée vers la rue des Grandes-Arcades en prévision du départ. Anonyme parmi les manifestantes, au fond de la place, Jeanne Barseghian a fait le déplacement. Réagissant à l’actualité, la maire (EE-LV) de Strasbourg avoue être « très choquée par cette inscription qui assimile l’IVG à une violence » le jour où la Ville a prévu de rendre honneur à Gisèle Halimi, rebaptisant la place du Tribunal :

« On ne doit rien céder aux relents conservateurs qui cherchent à dicter aux femmes ce qu’elles doivent faire de leurs corps. »

14h45, le défilé se met en ordre de marche. À l’avant, un groupe en « mixité choisie », c’est à dire sans hommes « cisgenres » (dont l’identité de genre correspond à celle qui leur a été attribuée à la naissance). Vient ensuite un espace dédié aux familles avec enfants. Puis les cortèges internationalistes, étudiants et syndicaux dans cet ordre. « Gréviste, refuse ce monde sexiste ! » scande la banderole noire en tête de cortège, qui s’élance.

Juliette est revenue du Doubs pour participer Photo : Carol Burel / Rue89 Strasbourg / cc

« Faire entendre nos voix et faire valoir nos droits »

Étudiante à Strasbourg l’année dernière, Juliette est revenue du Doubs pour participer aux différentes manifestations prévues cette semaine. « Je suis là parce qu’il est important de faire entendre nos voix et de faire valoir nos droits », pose en préambule la jeune femme de 21 ans qui s’alarme de la hausse des violences faites aux minorités de genre, du maintien au gouvernement de ministres accusés de viol, de la difficulté à faire aboutir des plaintes pour viol, avant de citer en exemple une de ses amies dont la procédure n’avance pas depuis trois ans.

« J’ai toujours peur de sortir dans la rue le soir à Strasbourg », détaille t-elle. Avant d’expliquer « les mecs de 50 ans qui te demandent s’ils peuvent te raccompagner à 23h. Ou ceux qui t’abordent pour te demander tes prix. » Dernier exemple en date place de la Cathédrale, un soir, il y a un an.

15h. La tête du cortège arrive quai des Bateliers. Rue des Grandes-Arcades, Stéphanie défile avec le sourire. Cette ancienne bibliothécaire n’en est pas à son premier 8-Mars en manifestation. Pour elle, il y a toujours eu, et il y a toujours matière, à se battre pour les droits des femmes. « Le peu qu’on a acquis, on a le sentiment qu’il faut lutter pour le conserver », regrette t-elle. L’égalité salariale ? Encore à conquérir. « Et avec la réforme des retraites qui s’annonce, on voit que les femmes sont encore la dernière roue du carrosse. Qu’elles vont être encore plus précaires. »

Stéphanie désespère de voir enfin l’égalité réelle entre hommes et femmes, au moins quant aux salaires Photo : Carol Burel / Rue89 Strasbourg / cc

La sexagénaire marche moins pour elle que pour ses trois filles. Et croit en la relève féministe :

« Il y a quinze ans, on défilait avec des copines à Marseille et on se disait ”mince, y a que des vieilles, des anciennes du planning”. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes et c’est une bonne chose. »

Les sorcières sont dans la rue

À 43 ans, Jeanne est elle aussi une habituée des manifestations féministes. « Je les fais toutes depuis que je suis lycéenne », détaille cette enseignante en classe spécialisée UP2A. Pour elle, la lutte n’a pas réussi à venir à bout de toutes les oppositions, bien au contraire :

« L’ouverture de la parole sur les questions féministes rencontre des oppositions. En réaction à ça, on a vu une montée en puissance des “incels” et autres groupes antiféministes. Particulièrement sur les réseaux sociaux. »

Déguisée en Rosie, une icône reprise par le mouvement féministe, Jeanne est une habituée des manifs. Photo : Carol Burel / Rue89 Strasbourg / cc

Dans son quotidien, elle observe :

« Dans mon entourage ou avec des amis, de la part d’hommes que je considère comme des alliés, il y a toujours parfois de petites réflexions sur le fait qu’être un homme suffit pour avoir tort face aux féministes. Que ces dernières détestent tous les hommes et veulent prendre le pouvoir… »

Mère de deux adolescentes, Jeanne regarde elle aussi du côté de l’avenir :

« J’ai peut-être un biais, mais j’ai confiance dans la jeune génération. Elle est beaucoup plus ouverte sur la question des inégalités de genre. »

15h30. Le cortège défile quai des Pêcheurs. Dans le cortège étudiant, quelques pancartes appellent à brûler le patriarcat. « Les sorcières sont dans la rue », « À bas le patriarcapitalisme », peut-on lire ici et là. Et puis un slogan qui poursuit la lutte. « Nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes, et radicales. Et en colère. »


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