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Municipales : Schiltigheim cherche sa voie de tram

Une fois n’est pas coutume, Schiltigheim vit une campagne relativement normale, entre nouvelles têtes et personnalités ancrées. Une partie des enjeux en débat seront cependant tranchés à l’Eurométropole.

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Municipales : Schiltigheim cherche sa voie de tram

Après avoir voté lors d’élections anticipées en avril 2018, les Schilikois doivent se prononcer à nouveau. En 2018, une campagne-éclair assez rude avait tourné la page de Jean-Marie Kutner. « C’est une campagne apaisée et de projet, personne n’a osé se couper la parole au débat sur France 3 », remarque la candidate Hélène Hollederer.

Investie dès le mois de juin après les bons scores de « La République en Marche » aux élections européennes, elle est la moins connue dans ce paysage local toujours explosif, teinté d’expériences personnelles.

Écroulement annoncé par manque d’ancrage ou positionnement centriste bien calibré ? Difficile d’estimer le poids des Marcheurs dans cette élection. Il n’empêche, tout le monde fait attention à l’ancienne collaboratrice de Fabienne Keller à la mairie de Strasbourg (2001-2008), qui est d’ailleurs venue la soutenir le 8 mars à l’occasion de la journée des droits des femmes. Car, contrairement à Jean-Marie Kutner en 2018 qui voulait barrer la route à son ancien bras droit Christian Ball (LR), personne ne l’imagine se retirer, quel que soit son score.

Le reportage à Schiltigheim de France 3 Alsace.

Cadre aux Apprentis d’Auteuil, Hélène Hollederer a fait campagne dans les quartiers, malgré une participation aux scrutins plus fluctuante. Elle y promet des « équipes dédiées » plutôt qu’un simple adjoint et de « mettre de l’humain » :

« La majorité sortante est proche du centre-ville, mais les quartiers se sentent délaissés. La rénovation des Écrivains telle que débutée est un magnifique projet, mais les gens sont stressés, furieux, anxieux. Il ne connaissent pas le projet : même le bureau d’explications n’est pas dans le quartier. Les habitants sont inquiets pour les relogements, car la maire temporise sur le projet de reconversion de la friche Istra qu’elle veut dédensifier. »

Pour arriver à ses fins, elle compte financer mieux les associations de soutien scolaire, des activités plus ciblées vers les adolescents (« il n’y a que le foot ») et augmenter le nombre de services civiques. Quant aux emplois, « ils existent à Schiltigheim avec l’Alsacienne de restauration qui souhaite faire de l’insertion, la régie des Écrivains, les sports, les entreprises d’électricité. Il faut mieux faire le lien avec la Mission locale. »

Nouvelle tête dans le paysage, Hélène Hollederer pourrait avoir une carte à jouer (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Ball-Dambach, les finalistes de 2018

En tête des autres listes, on retrouve au contraire deux figures bien implantées depuis plusieurs élections : Danielle Dambach (« Vivre Schilick » / EELV) avait battu Christian Ball (« Schilick pour tous ») au second tour en 2018.

En dépit du départ d’ex-colistiers vers LREM, Christian Ball garde le même nom de liste et estime que la configuration est différente :

« En 2018, c’était une campagne très courte où nous avons redonné la parole aux Schilikois. Cette fois-ci, nous avons un projet que nous avons travaillé pendant plus d’un an. »

Christian Ball a une petite maquette pour détailler ses projets. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Le premier adjoint en charge des Finances entre 2014 et 2018 se pose en candidat sérieux, avec chiffrage détaillé et exemples pris ailleurs. Lorsqu’il évoque son projet phare, déplacer la mairie, ses yeux pétillent :

« Il faut de toute façon tout remettre aux normes, ce qui va coûter 11 millions d’euros. Avec ce projet, je répond aux trois problèmes de Schiltigheim en un : le stationnement avec l’agrandissement du parking en sous-sol à 500 places, un espace vert en surface mettant 2,5 mètres de terre, une salle multi-modale pour des places de cantine et des animations. La nouvelle mairie se répartira sur la friche voisine du garage Simon avec un espace d’accueil au public de plain-pied, des bâtiments pour les services et enfin un nouveau centre pour la police municipale, dont je passerai les effectifs de 7 à 13 face aux incendies ! Nous avons tous les devis. Même la nouvelle place pour les ruches sur le toit du bâtiment actuel est pensé ! »

Le projet de Christian Ball.

Un projet qui ne convainc ni Hélène Hollederer, ni la maire sortante Danielle Dambach, dubitative sur le chiffrage :

« C’est un bâtiment en béton lourd comme on en fait plus et dur à détruire. Le parc devant la mairie pourquoi pas, mais en pleine terre pour que les arbres puissent pousser, sinon sans ombre ce sera une prairie brûlée. Rénover est plus écologique. »

La gauche unie dès le premier tour

Pour garder la mairie, la candidate écologiste part cette fois-ci unie avec le reste de la gauche (socialistes, communistes et non-encartés) dès le premier tour. Elle n’a plus de liste sur sa gauche, pas même les Insoumis, hormis l’habituelle liste Lutte ouvrière.

Elle se sait critiquée sur « la bétonisation » qu’elle n’aurait pas su assez enrayer en un peu moins de deux ans. « Les projets de 2018 étaient déjà avancés, avec notamment les dépollutions déjà payées par les promoteurs. Mais nous n’avons autorisé que 7 logements en 2019 », se défend l’édile.

Elle illustre ce sujet à l’aide d’une anecdote :

« Un habitant du centre est venu me voir pour lui dire que je l’ai spolié car son jardin est désormais inscrit comme non-constructible au PLU et qu’il espérait en tirer 200 000 euros. Mais je ne lui ai rien pris, je n’ai pas fait passer de route chez lui. Il s’est laissé avoir par les promesses d’un promoteur. »

La friche Airproduct va néanmoins être ouverte à un futur projet immobilier :

« Le Crédit mutuel cherche des logements pour ses salariés, dont 40% viennent en voiture depuis le Kochersberg ».

Danielle Dambach saura-t-elle être réélue à Schiltigheim, ce qui n’est jamais arrivé dans les années 2000 (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Pour le reste, elle met en avant un début d’action en deux ans qu’elle compte poursuivre : budget participatif, plantations d’arbres notamment devant la médiathèque, événements autour de la bière, territoire zéro chômeurs longue durée ou cantine à 1€ pour les plus modestes… Cette dernière mesure est critiquée par ses concurrents, sans forcément vouloir la remettre en cause (« communiquer dessus a créé des jalousies entre bénéficiaires modestes car cela ne concerne que quelques familles », pointe Hélène Hollederer). Seules 69 des 937 familles bénéficient de cette nouvelle tranche.

Qui décidera du tram ?

Les listes se distinguent sur leur projet pour le futur de la Cité des Brasseurs et la création d’une deuxième ligne de tramway. Danielle Dambach a notamment été élue en 2018 sur la relance du projet de tram, voté en 2013 sur l’avenue du général de Gaulle à l’Ouest jusqu’au quartier populaire des Écrivains. Côté Eurométropole, des études sur trois tracés ont progressé pendant ces deux dernières années.

« Je ne suis pas contre, mais il ne se fera pas. Les maires plus au nord n’en veulent toujours pas, le coût est le même qu’en 2013, tandis que la CTS est plus endettée qu’avant, 523€ par habitant. Jusqu’à Fischer, ce serait c’est déjà bien », tranche à ce sujet Christian Ball. Pour les transports, il propose six navettes gratuites qui relieraient la ville d’Est en Ouest sur trois itinéraires.

La mairie et son parvis grisâtre sont au cœur des attentions. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Pour Hélène Hollederer, « ce sont surtout les journalistes qui m’en parlent. La priorité est d’augmenter la cadence de bus L6. » Elle imagine néanmoins un tracé par la route de Bischwiller qui desservirait différents points d’intérêt, le futur quartier Fischer, le centre, le Pixel museum quitte à zigzaguer dans les rues. Surtout, il devrait passer par la gare de Bischheim-Schiltigheim « qui doit devenir un pôle multi-modal, avec bureaux, vélos, passerelles si on veut que la SNCF y augmente ses cadences. »

Mais qui tranchera ce débat ? Schiltigheim envoie 7 élus au conseil de l’Eurométropole, compétent sur les transports urbains et qui compte 100 élus, dont 50 Strasbourgeois.

« Un tramway à Schiltigheim ne désature pas le nœud de l’Homme de fer. C’est faire un cadeau aux Schilickois, moi j’ai envie de faciliter la vie aux Strasbourgeois », balaie par exemple à ce sujet Jean-Philippe Vetter (LR), finalement sur une ligne compatible avec celle du candidat de sa famille politique.

« Je préfère le tracé vers la gare, mais je préfère un tram avenue des Vosges que pas de tram », résume pour sa part Danielle Dambach. Hélène Hollederer pense au contraire que « les Schilickois veulent aller à Strasbourg, pas à la gare ». Elle est en désaccord avec le candidat strasbourgeois de son parti, Alain Fontanel. Ces positions augurent de longues tractations avec les 33 communes dans le mandat à venir…

L’inconnue des listes citoyennes

D’habitude à Schiltigheim une liste citoyenne joue le trouble-fête. Cette fois, il y en a même deux. Francis Guyot, un ancien agent pendant 42 ans de la municipalité, promet plus de « sécurité et de sûreté, pour nos enfants, pour nos aînés » avec « une vraie police municipale ».

Autre poil à gratter, Raphaël Rodrigues qui estime qu’il ne faut plus du tout de constructions, pour utiliser uniquement des logements vacants. Un positionnement étonnant pour ce clerc de notaire et qui loue lui-même de nombreux appartements, pointent ses détracteurs. « Je n’ai jamais acheté du neuf », se défend-t-il. Derrière sa timidité, il enchaîne quelques formules : « j’ai inspiré Christian Ball et aidé Danielle Dambach en 2018 », « j’ai un niveau de connaissance supérieur aux élus », « les promoteurs me demandent conseil ». La liste « Réveil Citoyen » n’a pas été facile à monter, avec quelques clash publics avec l’association Col’shick, les Insoumis locaux ou Unser Land.

Raphaël Rodrigues se présente en défenseur de l’écologie. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Son déclencheur a été le mandat de Jean-Marie Kutner :

« Son tract disait un verger plutôt qu’une bétonnière, mais il a fait l’inverse ! Il faudrait simplement que les élus disent s’ils veulent d’une ville qui attire des habitants. Les promoteurs ne vendent pas des appartements mais des produits de défiscalisation. Ils se fichent de la qualité intérieure. Finalement, la plus honnête est Hélène Hollederer quand elle dit qu’elle fait confiance aux promoteurs. »

On décèlerait presque un point d’accord avec Danielle Dambach. « Hélène Holleder est la plus normale des candidats », abonde cette dernière. Quant à l’ancien maire Jean-Marie Kutner, il a appelé sur Facebook à voter Danielle Dambach, « face aux propositions ineptes de certains et à l’inexpérience d’autres ». « Personne ne m’a dit regretter Jean-Marie Kutner », se satisfait presque Hélène Hollederer.


#Christian Ball

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