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Petite rue des Dentelles : « On était à genoux, on suppliait pour sortir et la police ne réagissait pas »

Au soir du lundi 20 mars, plusieurs dizaines de manifestants se retrouvent bloqués dans la Petite rue des Dentelles à Strasbourg, en plein cœur du quartier de la Petite France. Ils sont gazés à plusieurs reprises, puis pris en étau. La police refuse de parler de nasse. Les témoins, eux, ont vécu de longues minutes traumatisantes.

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Nous sommes le lundi 20 mars à Strasbourg. C’est le jour du vote des motions de censure au Parlement, suite à l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution par le gouvernement pour faire adopter sa réforme des retraites. Des milliers de Français vivent ce passage en force comme un geste de mépris, après des semaines de manifestations. À Strasbourg, dès 18h, un rassemblement spontané s’organise à l’appel de l’intersyndicale. « Une manifestation sauvage » s’ensuit, comme certains observateurs nomment désormais ces cortèges aux itinéraires non déclarés en préfecture, mais tout à fait légaux.

En quelques heures, le mouvement dégénère. La police scinde le cortège en deux quai des Bateliers, et disperse la foule à coups de gaz lacrymogènes. L’un des cortèges se dirige vers le centre ville. Après un long jeu du chat et de la souris, ce petit groupe (environ 80 personnes selon les manifestants, une quarantaine selon la police) se retrouve place Benjamin-Zix, en plein cœur de la Petite France, et décide de s’engouffrer dans une ruelle très étroite, la Petite rue des Dentelles, pour échapper à la police.

Après avoir interrogé dix témoins, collecté des vidéos et des photos, Rue89 Strasbourg peut retracer le déroulé des faits et affirmer qu’entre 21h27 et 21h39, dans cette ruelle longue de 65 mètres, et large de 2,5 mètres, une cinquantaine de manifestants ont été gazés, à plusieurs reprises, puis bloqués d’un côté comme de l’autre par la police, coincés dans un important nuage de gaz lacrymogènes. Soit la définition même d’une nasse policière, ce que contestent les forces de l’ordre.

Selon les manifestants interrogés, et d’après plusieurs témoins présents au moment des faits (passants, journalistes indépendants), la police a fait un usage disproportionné de la force et notamment des gaz lacrymogènes. Tous n’en sont pas sortis indemnes.

La Petite rue des Dentelles, dans le quartier de la Petite France à Strasbourg, a été bloquée par les policiers pendant 12 minutes le lundi 20 mars. À l’intérieur, entre 50 et 80 manifestants se sont retrouvés gazés à plusieurs reprises. Au moins deux personnes ont été victimes de malaise dans cette ruelle. (Photo Mathilde Cybulski / Hans Lucas).

« C’était ma première manifestation, j’ai été choqué par le comportement dégueulasse des policiers »

Mohamed se rappellera longtemps du 20 mars. C’était la première manifestation de sa vie. Le jeune étudiant de 20 ans avait décidé de se rendre place Kléber vers 18h, pour protester contre la motion de censure. « Les retraites, je trouve que c’est un combat important, ça concerne tout le monde ». Après le rassemblement spontané et pacifique des débuts, il suit le cortège dont la colère prend de l’ampleur au fil des heures. Mais il insiste : « J’étais dans un groupe pacifique, nous n’avons rien cassé ». Lorsqu’il se retrouve dans la Petite rue des Dentelles, d’emblée, il se sent coincé.

« J’étais en tête du cortège, et en arrivant au bout de la ruelle (qui donne sur la Grand’Rue, NDLR), je vois une ligne de policiers qui se forme. J’ai pris peur, j’ai voulu reculer, et là, je les ai vu nous lancer un tir de lacrymo. C’est arrivé tout près de moi. On savait qu’on était aussi coincés derrière. C’était la panique. J’ai pris peur, je pensais que s’ils nous enfermaient comme ça, c’était pour une raison. Mais non. »

De 21h25 à 21h27 : la ruelle est saturée de gaz, encore ouverte côté Benjamin-Zix, mais les manifestants l’ignorent

D’après les vidéos et les photos récoltées ce soir-là, Rue89 Strasbourg peut établir que le premier tir de lacrymogènes qui atterrit dans la ruelle a eu lieu à 21h25. Or, à ce moment-là, la Petite rue des Dentelles n’est pas encore bloquée par les policiers du côté de la place Benjamin-Zix. Techniquement donc, les manifestants peuvent sortir. D’ailleurs, quelques-uns y parviennent. Mathilde Cybulski, photographe indépendante qui se trouvait dans la ruelle raconte :

« J’étais à l’arrière de ce cortège, et quand on est rentrés dans la petite rue, ça a gazé pas mal derrière nous. Il y avait des tables d’un resto, dans la panique, les gens sont un peu tombés dessus, ont trébuché, ça bouchonnait. Là, on a reçu de nouveau une salve de lacrymo, je suis incapable de dire de quel côté ça venait. Mais j’ai vite vu que devant ça bloquait, l’air était très saturé. J’ai commencé à paniquer, je me suis dit : là, ils vont nasser, il faut que je sorte. J’ai fait demi-tour, j’ai couru et je suis sortie de justesse, quelques secondes avant qu’ils ne ferment la rue. J’ai dû traverser un énorme nuage de lacrymo. »

Si pendant ces premières minutes, la ruelle n’est donc pas encore fermée, elle est en revanche déjà saturée de gaz. D’abord parce que les policiers ont tiré au moins une première grenade à l’entrée de la Petite rue des Dentelles, sur la place Benjamin-Zix, à 21h24. Ensuite, parce que les autres policiers, côté Grand’Rue, ont eux aussi, à leur tour, tiré un second tir de grenade lacrymogène à 21h25, au milieu de la ruelle, parmi les manifestants.

La plupart d’entre eux se trouvent dans la partie haute de la rue, côté Grand’Rue, comme Mohamed. Et ceux-là ont le sentiment d’être coincés. Ils sont enfumés, savent très bien que plusieurs camions de police sont sur la place derrière eux. Ils ont face à eux un mur de forces de l’ordre impassibles. Et dès 21h27, la nasse est effective, avec le déploiement du barrage policier de l’autre côté, place Benjamin-Zix.

En trois minutes donc, les forces de l’ordre ont gazé au moins deux fois, voire plus (certains témoins parlent de quatre palets de gaz lacrymogènes lancés à leurs pieds), en deux endroits différents de cette petite ruelle. Puis ils ont bloqué la rue de part et d’autre.

21h27 – 21h39 : fermeture complète de la ruelle. « On était à genoux, on suppliait, la police ne réagissait pas »

Pierre-Louis a 17 ans. Journaliste indépendant et autodidacte, il couvre tous les mouvements sociaux et les manifestations depuis plusieurs années, armé de sa petite caméra. En 2022, il crée son propre média en ligne, La Presse Libre, sur lequel il poste de nombreuses vidéos.

« J’ai un casque avec écrit Presse dessus, dans tous les sens. Les policiers me connaissent bien à Strasbourg, ils m’appellent tous par mon surnom même. Celui qui était dans le dispositif du blocage Grand’Rue m’avait justement contrôlé en début de manif à 18h. Je lui avais montré ma carte de presse, et l’un de ses collègues m’avait d’ailleurs confisqué mon masque à gaz. »

Pourtant, au moment où les manifestants se retrouvent bloqués côté Grand’Rue, Pierre-Louis se retrouve lui aussi dans la nasse, malgré ses nombreux rappels sur son identité. « Je filmais derrière les policiers, et ils m’ont dit de rentrer dans la ruelle. » Au bout de quelques secondes, il reçoit un jet de gaz lacrymogène dans les yeux, envoyé par les policiers qui savent pourtant très bien qui il est. Sans sommation, sans respect de la distance de sécurité (1 mètre minimum), alors que Pierre-Louis hurle à plusieurs reprises : « Presse ! Presse ! »

Malgré les vives douleurs qu’il ressent aux yeux, le jeune homme filme pendant six longues minutes le début de la nasse. Ce qui a frappé le jeune homme, coutumier des manifestations et parfois même des débordements, c’est l’insensibilité des forces de l’ordre :

« Là, on a atteint un niveau assez dingue. Enfermer des gens, dans une ruelle de moins de 2,5 mètres de large, et très haute où l’air ne circule pas, puis les gazer, c’est inhumain ! Les gens n’étaient pas violents, on était à genoux, on suppliait les mains en l’air pour sortir ! Certains faisaient des malaises, et face à nous : il n’y avait aucune réaction. Ils regardaient les gens crever la gueule ouverte. »

Sur sa vidéo, on peut en effet voir des manifestants hurler : « Laissez-nous sortir, on étouffe ! » Face à eux, le major de police se contente de répondre en retour : « Reculez! ». Puis il s’adresse à ses collègues en criant : « Préparez les bâtons, s’ils s’approchent, on en donne ! » Pierre-Louis se déplace de l’autre côté de la rue, vers la place Benjamin-Zix, espérant sortir, il fait face à l’autre blocage policier. De nouveau, des manifestants implorent de sortir : « Laissez au moins sortir ceux qui font des malaises ! On vous demande un peu d’humanité ». Mais les policiers ne répondent rien.

Au moins une cinquantaine de manifestants ont été gazés à plusieurs reprises, puis bloqués dans la Petite rue des Dentelles à Strasbourg. Pendant de longues minutes, ils implorent les forces de l’ordre pour sortir respirer, mais se heurtent à un mur de silence. (Photo Mathilde Cylbuski / Hans Lucas).

Au bout de 5 minutes et 30 secondes d’après la vidéo de Pierre-Louis, on voit enfin le commissaire en charge sur place, chef de service de la voie publique, Laurent Braulio, intervenir et proposer aux manifestants du spray décontaminant pour les yeux. « Mais cinq minutes, alors qu’on ne peut plus respirer, et qu’on ne peut pas sortir, c’est très long », confie Pierre-Louis qui ajoute avoir déjà été pris dans des nasses policières lors de manifestations parisiennes : « À chaque fois, je montre ma carte de presse et je sors. Là, c’était impossible. »

Le jeune homme a envoyé dès le lendemain un signalement à l’IGPN pour violences par personne dépositaire de l’ordre publique, et atteinte à la liberté de la presse.

Des victimes des gaz : trois malaises au moins

Le gaz lacrymogène – ou gaz CS (celui utilisé par les forces de l’ordre en France) est un composé chimique qui irrite les yeux et le système respiratoire. C’est une arme non létale. Mais pour certains, les effets peuvent être plus graves. Difficultés respiratoires, essoufflement, malaise cardiaque…

Ce soir-là, au moins trois manifestants ont fait des malaises selon nos informations, parfois même aux pieds des policiers. Ainsi, on voit un jeune homme en jogging rouge, plié en deux, appuyé sur un mur. Un ami à lui est à ses côtés et tente de le rassurer. Il serait en train de faire une crise d’asthme selon plusieurs témoins. Pourtant, les policiers ne bougent pas, ne lui proposent pas leur aide. Les vidéos et photos exploitées permettent d’établir qu’il est pris en charge par un secouriste CRS et exfiltré de la nasse à 21h43, soit 16 minutes après le début de la nasse. Il est alors inconscient. Ce jeune homme n’a pas souhaité témoigner.

Un jeune homme a perdu connaissance, après avoir été bloqué pendant 16 minutes dans les gaz lacrymogènes, au sein d’une étroite ruelle en plein de coeur de Strasbourg. (Photo Mathilde Cylbuski / Hans Lucas). Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

Une jeune femme aurait également été prise d’un malaise, alors qu’elle avait trouvé refuge dans un restaurant situé au milieu de la ruelle, avec une vingtaine d’autres manifestants. Alice, 24 ans, était présente à ce moment-là :

« À côté de moi il y avait une fille qui s’est écroulée par terre à l’entrée du restaurant. Elle a été prise de spasmes pendant plusieurs minutes, elle ne parlait pas, sa main droite tremblait. Elle avait d’ailleurs une blessure à la main. Il y avait une infirmière parmi nous, qui l’a prise en charge. Et au bout de quelques minutes, la fille a repris conscience. Je ne sais pas si c’était de l’épilepsie mais c’était très impressionnant. Tout le monde était paniqué dans le restaurant. »

Une jeune femme qui se trouvait dans un autre restaurant, situé à 35 mètres de la ruelle, côté Grand’Rue, a elle aussi fait un malaise suite à l’inhalation des nombreux gaz lacrymogènes présents dans la rue. Wendy a 24 ans, elle est asthmatique. Elle dîne avec son petit ami le lundi 20 mars, lorsque vers 21h20, elle commence à se sentir mal :

« J’ai vu passer une meute de policiers, avec de la fumée derrière eux. J’ai pensé que c’était des fumigènes, puis l’odeur est arrivée dans le bar et j’ai commencé à me sentir mal. Je suis allée aux toilettes, et j’ai commencé à faire une crise d’asthme. Je n’avais pas ma ventoline sur moi. »

La jeune femme perd connaissance. Son petit ami appelle le Samu qui la prendra en charge rapidement. Le lendemain, Wendy crache du sang. Depuis, elle est sous anti-inflammatoires et a encore mal à la poitrine. « Je dois faire des analyses plus poussées », confie la jeune femme qui raconte n’avoir pas eu une telle crise depuis au moins deux ans. Elle compte déposer plainte pour mise en danger de la vie d’autrui.

Wendy était dans un bar situé à 35 mètres de la Petite rue des Dentelles, avec son petit-ami, le lundi 20 mars au soir. Elle a été prise d’une violente crise d’asthme, due aux nombreux gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l’ordre dans le périmètre. (Document remis).

21h39 : fin de la nasse, une première femme sort après un contrôle d’identité

Toujours d’après les images, Rue89 Strasbourg peut affirmer qu’une première femme sort de la nasse à 21h39, du côté de la place Benjamin-Zix, après avoir montré ses papiers d’identité aux forces de l’ordre. Et tous les témoins interrogés racontent la même chose : à partir de ce moment-là, les policiers annoncent une sortie possible, deux par deux, après contrôle des pièces d’identité. Germain (le prénom a été modifié), 20 ans, en est certain :

« Au bout d’une vingtaine de minutes, quand le gaz s’était un peu dispersé, ils nous ont demandé nos papiers, et nous ont permis de sortir. Mais pas avant ! »

Pourtant, interrogé sur l’irrégularité de cette nasse policière par le député LFI Emmanuel Fernandes — qui a fait un signalement auprès de la Procureure de Strasbourg — le 23 mars, Gérald Darmanin a assuré qu’il y avait eu « une sortie à la nasse » : les policiers autorisant les personnes « à sortir deux par deux (…) après s’être assurés qu’ils ne portaient aucun objet dangereux ».

Les faits, témoignages et images récoltés ici prouvent le contraire de ce qu’a affirmé le ministre de l’Intérieur.

La police dément toute nasse : « Les manifestants se sont simplement retrouvés entre deux dispositifs policiers »

Le commissaire de police strasbourgeois Laurent Braulio, chef du service de voie publique et présent place Benjamin-Zix au moment des faits, refuse lui aussi de parler de nasse :

« Il y a eu un jet de une ou deux grenades à main sur le secteur Benjamin-Zix, puis les manifestants se sont engouffrés dans cette petite rue. Ils auraient pu rester sur des grands axes, mais ils ont choisi cette ruelle étroite. En arrivant au sommet, ils sont tombés sur le dispositif policier en barrage de la Grand’Rue, donc ils ont voulu faire demi-tour, et là il y avait les autres policiers qui les suivaient ! Donc ils se sont retrouvés entre les deux dispositifs et n’ont pu le quitter qu’après contrôle d’identité. »

Laurent Braulio assure « qu’il y a eu des demandes faites pour savoir si les gens avaient des problèmes respiratoires ». Ni les vidéos, ni les témoins interrogés ne confirment ces propos.

Le commissaire explique par ailleurs le silence et l’immobilité de ses troupes par la nécessité d’interpeller les fauteurs de troubles :

« Il fallait attendre les ordres, savoir si les casseurs repérés auparavant avaient été vus sur les caméras. La mission de la police c’est tout de même d’arrêter les fauteurs de troubles ! »

Puis Laurent Braulio conclut, et répète : « Ce n’était pas une nasse, c’était un simple hasard de circonstances. Une nasse, c’est un dispositif pour prendre en tenaille, contraindre et restreindre. Là, on ne bloquait pas pour bloquer. » Interrogé sur le nombre d’interpellations à la suite de ce « blocage », le commissaire n’avait pas les informations et la préfecture n’a pas répondu à nos questions.

Prise de conscience d’une réelle peur de la police

Interrogés près de dix jours après les faits, les différents témoins ont pu analyser à froid leurs sentiments sur cette soirée-là. Yasmine, jeune étudiante de 20 ans, déjà coutumière des manifestations, dit avoir eu une sorte de révélation :

« Ça m’était déjà arrivé d’être gazée, mais là, j’ai été surprise par la violence de la police. J’ai réalisé que tout ce que je pouvais lire avant dans la presse, sur les victimes de violences policières, je n’y croyais pas vraiment, je me disais ”Oui mais il y a sûrement un contexte qui explique ça, etc”. Maintenant, je veux dire aux gens : il faut croire les témoignages. La violence policière est bien réelle. »

Salomé, elle, a 22 ans. Ce qui a marqué la jeune femme, c’est son sentiment d’insécurité face aux forces de l’ordre, un peu partout dans la ville ce soir là :

« C’était la première fois que j’étais dans ce genre de manif spontanée. Je pensais bien que ça allait être compliqué mais pas à ce point-là. En fait, j’ai tenté à plusieurs reprises de quitter le cortège, mais je voyais que les policiers nous suivaient partout, et qu’ils interpellaient et arrêtaient de façon violente tous les manifestants qu’ils pouvaient prendre. Je me sentais plus en sécurité avec les manifestants, que seule, face aux policiers. »

Fatma, étudiante en histoire, confie également avoir été abasourdie par la violence extrême du processus :

« Quand j’ai vu les policiers, je me disais qu’un de leurs gosses pouvait se trouver parmi nous. Je les ai trouvés inhumains. Maintenant, j’ai peur de retourner dans une manifestation non déclarée. Mardi 28 mars, je suis partie avant que ça dégénère. Je n’ai plus envie d’être là-dedans. »

Radicalité de l’engagement

Pour d’autres, au contraire, ce soir-là les a confortés dans leur envie de lutter contre la réforme des retraites, mais aussi dans les moyens à utiliser. C’est le cas de Guillaume, 27 ans. Au moment où les gaz lacrymogènes saturent la ruelle, et où il réalise qu’il est bloqué avec une cinquantaine de personnes, il tente d’entrer dans un immeuble, et y parvient.

« Je suis monté tout en haut d’un petit escalier en colimaçon, au 2e étage. J’ai toqué à la porte. C’était un couple très gentil. Ils m’ont donné de l’eau pour mes yeux, et ont fait le guet pour me dire ce qu’il se passait dans la rue. Puis progressivement, d’autres manifestants sont arrivés et se sont installés comme moi sur les marches. Au total, j’ai compté, on était une trentaine. C’était dingue comme moment, trente personnes dans un escalier, qui ne faisaient aucun bruit. On ne voulait pas que la police nous contrôle et prenne nos cartes d’identité. »

Au bout de 40 minutes (d’après des textos que nous avons pu consulter), Guillaume parvient à sortir de l’immeuble, et de la ruelle, sans se faire contrôler par les forces de l’ordre.

« On avait l’impression de ne pas avoir le choix, de devoir attendre là, d’être forcé à donner notre identité alors qu’on n’avait rien fait de mal ! C’était les policiers qui étaient dans l’illégalité ce soir-là. »

Depuis, le jeune homme assure avoir toujours envie de manifester, « même encore plus dans les sauvages, car elles font davantage prendre conscience au public qu’il y a un problème. Et puis de toute façon, on a vu que les manifs normales n’ont aucun effet… » Mais désormais Guillaume est suréquipé : masque de protection pour ses yeux, décontaminant et sérum physiologique, bouteille d’eau, et deuxième téléphone portable. « Au cas où je suis arrêté par la police. »


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