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« Pendant la canicule, il n’y a que l’éventail qui aille »

Je survis difficilement à la chaleur estivale, surtout dans le four de Strasbourg. Heureusement, j’ai trouvé dans l’éventail un accessoire socialement salvateur mais aussi écologique, esthétique et même féministe.

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« Pendant la canicule, il n’y a que l’éventail qui aille »

Tout a commencé avec Pépita. J’ai vu mon premier éventail dans la main droite de ma grand-mère. Je me souviens de ces repas de famille estivaux où elle s’éventait d’un discret mouvement de poignet. Elle était la seule à utiliser cet objet, souvent noir ou brun et décoré de fleurs de toutes les couleurs. Lorsque tout le monde se plaignait de la chaleur, la dame de Malaga affirmait avec une certitude absolue : « Quand il fait chaud, l’éventail, il n’y a pas mieux. »

Un outil de survie sociale

Aujourd’hui, l’éventail assure ma survie pendant la canicule. Il me sauve en tout cas d’une mort sociale certaine. Car je ne supporte pas la chaleur, surtout celle si lourde qui pèse l’été à Strasbourg. Je suis le type qu’on voit transpirer dès 30 degrés et à qui on dit « Ouh là, t’as chaud toi ». Bien vu Inspecteur Carpentier. Les gouttes perlent sur mon front et tu en as déduit que j’ai chaud. J’aime beaucoup les gens perspicaces. Surtout ceux qui continuent en demandant « Tu viens de prendre une douche ? » (la journée) ou « T’as pris de l’ecsta ? » (en boîte de nuit) Ni l’un, ni l’autre, mais bon, le mal est fait : la conversation est morte-née.

Un outil de survie sociale, classe et écolo.

Il est possible d’utiliser l’abanico (éventail en espagnol) par respect pour la Pacha Mama. La mère terre vous sera reconnaissante de ne pas faire tourner la climatisation dans votre bureau. Tous ceux qui travaillent dehors en ville vous remercieront aussi de ne pas appuyer sur le bouton ON de la clim’. Quand vous refroidissez une pièce, vous réchauffez l’air extérieur. Votre confort est alors inversement proportionnel à la souffrance des gens dehors. Ainsi, vous pourrez proposer à votre ami réclamant la clim’ de s’hydrater et d’acheter un éventail. N’hésitez pas à afficher ce conseil sur les murs de votre bureau.

A afficher partout où la climatisation fait rage.

Karl Lagerfeld est mort, vive l’éventail !

Je suis toujours étonné de voir que la mode se saisit peu de ce bel objet. L’éventail offre pourtant un large choix de couleurs, de motifs et de matières (tissu, bois, nacre, corne de vache…). Il peut parfaitement s’adapter à des styles variés. Mais, à ma connaissance, aucune marque ne fait la publicité de l’accessoire. Dans le monde de la haute couture, Karl Lagerfeld était l’un des rares amateurs d’éventails. Dans les années 90, le couturier cachait souvent son visage derrière un demi-cercle noir avant de s’effacer en février.

L’éventail : écologique et esthétique. Le mariage est suffisamment rare pour être souligné. Mais j’ai trouvé encore un autre intérêt à l’utilisation de cet accessoire en tant qu’homme. Il pousse certaines personnes à reconsidérer leurs stéréotypes de genre. L’objet, fin et élégant, est souvent considéré comme un accessoire réservé aux femmes. Il symbolise donc un féminisme qui libère aussi la gent masculine : nous devons pouvoir nous éventer sans craindre de paraître « efféminé » ou ce genre de conneries.

Un soutien à l’artisanat local

Vous pouvez enfin soutenir l’artisanat local en préférant chiner un éventail plutôt qu’acheter une clim’. Aurélie Gonella en fabrique dans son atelier situé à Strasbourg. Mais depuis plusieurs années, elle se consacre de moins en moins à cet objet :

« Depuis cet hiver, je n’ai pas encore fait de nouveaux éventails. J’ai eu trop de travail avec d’autres projets. Et concernant l’éventail, je passais plus de temps à faire la promotion de l’objet sur Internet, derrière mon ordinateur, que dans mon atelier à les fabriquer. »

Exemple d’éventail fabriqué à Strasbourg par l’artiste (Document remis)

L’artiste strasbourgeoise a du mal à expliquer le peu de succès des éventails. « Les gens n’aiment pas avoir une main occupée, estime-t-elle, et puis les gens trouvent ça encombrant, ne savent pas où le mettre. » Il y a aussi la question du prix. En moyenne, Aurélie Gonella vend ces accessoires entre 50 et 100 euros. « C’est très long de fabriquer un éventail, ça prend minimum 5 à 6 heures. » Difficile de faire concurrence aux accessoires produits en masse en Chine…

Un dernier conseil, s’adressant cette fois aux convaincus de l’éventail : « Le petit must, c’est de s’humidifier le visage légèrement, s’éventer sur un visage humide est plus rafraîchissant ainsi », affirme l’artiste strasbourgeoise. Et n’oubliez pas : les arguments des vendeurs de clim’, c’est du vent.


#canicule

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