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Les arbres de la place du Château, sauvés par la mobilisation

Les aménagements qui ont fait débat (3). Le réaménagement de la place du Château, entre la cathédrale et le palais Rohan, a naturellement mobilisé les Strasbourgeois. Résultat : le projet initial, qui avait dégagé la vue et les arbres, a été amendé pour réintroduire de la verdure et de l’ombre. Mais sur les places de parking, la ville a tenu bon. Résultats visibles à la rentrée.

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Le projet tel qu'il est prévu (doc remis / Inventive)

Le projet tel qu'il est prévu (doc remis / Inventive)
Le projet tel qu’il est prévu (doc remis / Inventive)

Évidemment, quand elle s’est attaquée à la rénovation de la place du Château, la municipalité savait qu’elle tenait entre les mains un dossier sensible. Cet espace est quand même bordé par la cathédrale, le musée de l’Œuvre Notre-Dame et le Palais Rohan, trois ensemble architecturaux majeurs pluri-séculaires sans compter le bâtiment sis au n°5 de style néoclassique et le lycée Fustel de Coulanges.

Toute modification dans ce périmètre intervient donc sous l’oeil sourcilleux de l’architecte des Bâtiments de France, des riverains, du personnel du lycée, de l’association des Amis du Vieux Strasbourg, de celle des Amis de la Cathédrale et pour ainsi dire de tous les Strasbourgeois. Et puis il y a les commerçants, qui ont comme particularité de crier au vol de clients potentiels dès qu’une place de parking est supprimée au centre-ville. Et ils sont plutôt directs, à tel point que Robert Grossmann, ancien maire-délégué, avait reculé en 2003 face aux pressions des Vitrines de Strasbourg, comme il l’indique sur son blog.

Or, c’était bien de cela qu’il s’agissait avec cette rénovation : rendre cette place aux piétons en supprimant la cinquantaine de places de parking, permettant inexplicablement aux voitures de venir se garer jusqu’au pied de la cathédrale. L’idée n’est pas morte avec la rénovation, Jean-Jacques Risch, architecte et urbaniste, l’a même suggéré lors de la concertation et dans une tribune publiée par les DNA.

En 2011, seuls deux arbres subsistaient, pour laisser les bâtiments historiques alentours s'exprimer. (doc remis)
En 2011, seuls deux arbres subsistaient, pour laisser les bâtiments historiques alentours s’exprimer. (doc remis)

Arbres contre vue dégagée : 1 -0

Débutée en février 2010 auprès des conseils de quartier puis étendue en mai, la concertation sur la place du Château a connu des hoquets. Environ 500 questionnaires ont été récupérés par la Ville, l’un des plus gros succès pour ce type de consultation. Les enfants sont même invités à dessiner leur place, ils proposent une fontaine à chocolat.

Mais lors de la première restitution le 30 septembre 2010 dans la salle du synode du Palais des Rohan pleine à craquer, les Strasbourgeois découvrent que le projet présenté par Linder Paysage, Intégral Ruedi Baur, Lollier Ingénierie et AIK – Acte Lumière n’a conservé que deux arbres sur dix. Il collait en cela à la commande de la municipalité : tout donner à voir aux piétons, que la place soit un réceptacle pour la contemplation des cinq façades remarquables qui la bordent, offrant même  de gros blocs de grès pour que les passants puissent s’asseoir.

Intense mobilisation de nombreux acteurs contre cette « place minérale », certains parlant même de bunkers et de ligne Maginot, courriers des lecteurs dans les DNA, tribunes, prises de parole de l’opposition… Rien n’a manqué. Bernard Vogler, président de l’association des Amis du Vieux Strasbourg, se souvient :

« Oui, ça a été une concertation plutôt animée ! On s’est immédiatement bagarrés pour obtenir que les arbres soient sauvegardés sur cette place, avec le personnel du lycée Fustel de Coulanges d’ailleurs. On a mobilisé la presse et nos relais, parce qu’on savait que notre marge de manœuvre était étroite. On s’est aussi battus sur les blocs de grès, le dallage et d’autres aspects, mais on n’a pas été écoutés. Au final, j’estime qu’on a sauvé les meubles, on aurait pu ne rien obtenir du tout. »

Retour des arbres en 2012, mais des tilleuls. (doc remis)
Retour des arbres en 2012, mais des tilleuls. (doc remis)

Devant l’ampleur de la mobilisation, le maire de Strasbourg Roland Ries recule et donne instruction à Robert Hermann, son premier adjoint, de remettre de la verdure place du Château. L’élu s’exécute mais le projet prend une année de retard. En janvier 2012, une nouvelle version du réaménagement de la place est présentée : dix arbres réapparaissent, des tilleuls moins invasifs que les platanes, et l’éclairage est revu. Exit les « potences » selon le mot de Robert Grossmann, remplacées par des « mats de lumières ».

Pour Robert Herrmann, la concertation sur la place du Château a permis d’éteindre les polémiques :

« Le but n’a jamais été d’atteindre l’unanimité, chaque choix génère des adhésions et des réprobations. Mais avec cette concertation, nous avons réussi je pense à expliquer quelles étaient nos contraintes, liées notamment au classement Unesco et aux impératifs de sécurité. Et d’ailleurs, beaucoup d’opposants au réaménagement ont changé d’avis lorsqu’ils ont vu les premiers résultats une fois les arbres enlevés. Je constate que les panneaux installés pendant les travaux n’ont pas été dégradés, ce qui est un signe que la concertation a permis d’apaiser les tensions. »

Pour l’opposition néanmoins, la concertation a surtout ouvert la boite de Pandore des avis de chacun, selon Robert Grossmann :

« Ce projet non réfléchi par les élus en charge de la collectivité a provoqué des ratages. On a lâché le projet des « techniciens » sans y ajouter la dimension humaine que les élus devraient porter. Dès lors il est évident que couper un arbre a mobilisé les partisans de l’arbre et laisser l’arbre a mobilisé les partisans d’une vue dégagée. Il n’y a aucun esprit, aucun sens, inspiré par le « génie du lieu », dans ce projet final. »

Les panneaux entourant le chantier doivent tomber en septembre 2013.

Aller plus loin

Sur Strasbourg.eu : le dossier du réaménagement de la place du Château

Voir en vidéo le réaménagement

Vidéo : Strasbourg.eu


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