Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

En deux ans, la pollution à Strasbourg a un peu diminué, mais reste élevée

Strasbourg et l’Alsace traversent un nouvel épisode de pollution aux particules de longue durée. Pourtant à long terme, la qualité de l’air progresse doucement, bien que les effets de la pollution aient toujours un impact sur la santé des habitants et que certains seuils ne soient pas respectés.

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En deux ans, la pollution à Strasbourg a un peu diminué, mais reste élevée

En mars 2015, nous publiions un grand « explicateur » pour évaluer la qualité de l’air à Strasbourg et en Alsace. Cela faisait deux ans que Strasbourg n’avait pas dépassé la limite de 35 jours au dessus de 50 µg/m³ (microgrammes par mètre-cube, ce qu’on appelle le seuil d’information) de microparticules, les PM10, par an. Mais l’agglomération connaissait alors un long épisode de pollution printanière.

Sous les 35 jours de dépassement

Deux années pleines plus tard, ce nombre de jours limite n’a pas été atteint. On compte 31 jours en 2015 et même 19 en 2016 à partir de la station de mesure la plus exposée, au bord de l’A35 à Strasbourg. Les autres stations dans les villes d’Alsace oscillent entre et deux et huit jours de dépassement. Deux points de mesure à la campagne, sont même à zéro, une première !

Sur le long terme, la qualité de l’air s’améliore, mais pas toujours pour de bonnes raisons. Les fermetures d’usines, par exemple la raffinerie de Reichstett en 2011, diminuent la pollution, mais mettent des travailleurs au chômage.

Explications européennes, nationales et locales

Emmanuel Rivière, directeur délégué d’ATMO-Grand Est (l’Aspa jusqu’au 31 décembre 2016) salue la baisse, mais ajoute sans mesure supplémentaire, le seuil de 35 jours peut de nouveau être atteint :

« La tendance est encourageante avec une baisse durable, mais une année particulière météorologiquement peut nous remettre au-dessus des seuils limite. Avec une météo comme celle du debut du mois (l’entretien été realisé la semaine avant le début du pic actuel NDLR), il y a 15 ans, on était régulièrement en seuil d’information, qui était pourtant à 80 µg/m³, soit l’actuel seuil d’alerte. »

C’est le cas ce 26 jeudi janvier, avec le septième jour consécutif de dépassement consécutif.  Malgré cet épisode précis, Emmanuel Rivière avance trois explications à l’amélioration tendancielle :

« Malgré les scandales type Wolkswagen, les normes européennes permettent d’avoir des véhicules plus propres. Des mesures nationales comme l’alignement de la fiscalité du diesel sur l’essence viennent s’ajouter. Enfin, il y a aussi des efforts locaux avec le développement des transports en commun. »

La pollution vient aussi du chauffage des logements et bureaux, mais il est plus difficile d’agir, sauf à mieux isoler les bâtiments. Certains brûlages (déchets verts, chaume, paille, bois et ses dérivés en chauffage d’appoint) sont néanmoins interdits, mais uniquement lors des pics.

La pollution de l’air provient pour une bonne part des installations de chauffage (Photo Shinobu Sugiyama / FlickR / cc)

L’importance de la norme

Dépasser ces limites fixées par les États de l’Union européenne éloigne le risque d’une amende pour les pays membres. Mais l’absence d’une sanction de l’Union européenne ne veut pas dire qu’il n’y a pas de morts prématurées. Au niveau actuel, les autorités de santé évaluent que la pollution est responsable de 270 000 décès anticipés dans l’UE (à 25 pays), soit environ 48 000 en France et 5 000 dans le Grand Est si l’on rapporte à la population, même si les normes sont respectées. Ces valeurs n’ont pas été révisées en 2013, comme initialement prévu.

D’autres normes, celles de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), sont plus restrictives et aussi scrutées par les observateurs. Elles signifient que l’impact sur la santé n’est pas mesurable. Certaines paraissent atteignables à Strasbourg ou autour, d’autres sont hors de portée.

Moins de pollution de fond aux PM10

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Un millier de Strasbourgeois mal logés

Si l’on se base sur les normes de l’UE, 1 100 personnes dans l’Eurométropole habitent à proximité d’axes dont le niveau de pollution sur l’année est trop élevé. Un nombre qui diminue avec les années, mais qui peut remonter avec les projets immobiliers neufs de l’axe Deux-Rives, souvent proches de la très fréquentée route du Rhin ou à plus long terme près du Baggersee. En revanche, si l’on prend en compte les normes de l’OMS, toute la population de l’Eurométropole est concernée, comme… 92% de la population mondiale.

Quant aux particules PM 2,5 – plus petites et peut-être plus nocives – il n’existe pas de transposition des normes mondiales en droit français. En revanche les deux seules stations équipées pour leur détection en Alsace sont au-dessus de la norme de l’OMS, à 10 μg/m3 en moyenne annuelle, tout en étant en-dessous de 20 μg/m³.

Pas d’expertise sur les nanoparticules

Le situation est similaire pour les nanoparticules, 25 fois plus petites que les PM 2,5. La très active association Strasbourg Respire a régulièrement interpellé les élus ou l’association en charge de la surveillance de l’air, ATMO Grand Est, que ce polluant n’est jamais pris en compte, ni même mesuré. Or là aussi, l’absence de réglementation signifie moins de financement et donc moins d’informations sur ce polluant.

Les Régions Auvergne Rhône Alpes et Nouvelle Aquitaine se lancent à titre expérimental et volontariste dans l’étude de ce polluant. L’ATMO Grand Est devrait suivre ces résultats.

Trop de dioxyde d’azote sur les axes de circulation

Autre molécule mieux connue, le dioxyde d’Azote (NO2) Ce polluant est moins sensible à la météo, mais davantage au trafic routier. Il y a donc peu de pics, mais une pollution régulière, dont la différence est bien plus nette entre les stations de fond et celles routières.

Là aussi on constate une baisse régulière dans le temps. La norme européenne et de l’OMS sont identiques à 40 μg/m3. De fait, une partie de la population qui vit près de la route est trop exposée.

Légère baisse dans le temps du NO2

La concentration d’ozone dépendant de la chaleur

Autre polluant scruté, l’ozone (O3) qui se forme en cas de forte chaleur. Ce polluant est beaucoup plus diffus. Autrement dit, toute la plaine d’Alsace et même le Grand Est ou l’Allemagne sont concernés et pas seulement les axes près des routes ou des villes.

Il existe des mesures d’urgence mais leur impact est limité. L’été très chaud de 2015 a, par exemple, augmenté le nombre de jours en état d’alerte, qui flirtent avec les valeurs cible les autres années.

Le rôle limité de l’Allemagne

La ministre de l’Environnement Ségolène Royal (PS) a parfois botté en touche sur les questions de pollution, en expliquant qu’elle vient d’Allemagne et de ses centrales à charbon. Une rhétorique parfois reprise au niveau local.

La manœuvre politique est intéressée. D’une part, elle peut installer les citoyens dans une sorte de fatalisme et ne pas exiger plus de mesures de la part de leurs dirigeants. Mais surtout, s’il est prouvé que la pollution locale vient d’un autre pays, un État peut éviter les amendes européennes.

Qu’en est-il à Strasbourg ? Cela dépend des jours, notamment en fonction de la météo selon Atmo Grand Est. Le 18 mars 2015 par exemple, 63% de la pollution était bien locale. D’autres jours, cette proportion est plus forte. Mais comme le rappelle le directeur de l’agence Emmanuel Rivière, « il ne faut pas oublier que Strasbourg envoie aussi de la pollution à ses voisins. »


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