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Quand la gare de Strasbourg avait sa terrasse, son cinéma et ses trains de nuit

Fin des années 60, en gare de Strasbourg, le voyageur pouvait boire une bière en terrasse, et regarder un film avant de prendre un train de nuit pour Berlin. Aujourd’hui, la station ferroviaire doit devenir un « city booster » avec crèche et laboratoire d’analyse médicale… Retour sur les grandes évolutions de ce noeud urbain de la SNCF.

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1969. Sous un parasol blanc et rouge, un voyageur en gare de Strasbourg sirote un verre en terrasse. La façade de l’établissement SNCF est à l’air libre. Elle a été nettoyée il y a trois ans. Le jeune homme regarde sa montre. Il lui reste encore une heure à attendre avant de prendre le train de nuit pour Berlin, réservé aux militaires. « La bataille d’Angleterre » est à l’affiche du ciné-train, à deux pas. De quoi patienter avant de rejoindre la garnison française dans ce qui était alors la capitale de la République démocratique allemande, la RDA.

Les nostalgiques du Ciné-train

Sur Facebook, plusieurs anciens habitués du Ciné-train semblent nostalgique de cette salle obscure. Dans les commentaires d’une photo de l’établissement, les témoignages se succèdent : « Que de films regardés dans ce cinéma… », « Quand on était des gamins, l’un de nous payait l’entrée […] allait ensuite ouvrir la porte de la sortie aux copains pour qu’ils se faufilent en douce dans la salle. » D’autres se souviennent du bureau de change dans la gare, ou de la Poste, bien pratique : « On pouvait déposer des lettres tard le soir […] avec une levée toutes les heures. » Sur la grande place devant l’établissement SNCF, un petit bâtiment ovale abrite un guichet de la CTS, un local syndical et des toilettes.

Un parking, des travaux, des mécontents

En 1977, les hôteliers et les commerçants installés tout autour de la place de la gare sont mécontents. Le chantier d’un parking souterrain leur fait perdre des clients. Les travaux ont deux mois de retard et risquent d’empiéter sur les fêtes de Noël. Même Le Buffet de la gare a dû licencier 35 employés sur 120. Le restaurant envisage une plainte contre la Communauté urbaine de Strasbourg. Les hôtels en profitent pour acheter des places pour garer les voitures des clients. Impossible de savoir si la fréquentation du « Ciné-train » a chuté. Il est toujours debout, malgré les travaux.

Dans les années 70, on aperçoit le ciné-train derrière le chantier sur la place de la gare. (Document remis)

Dans les années 80, la grande rénovation

Dix ans plus tard, un Strasbourgeois peut se rendre à Irun au Pays Basque en une nuit. L’été, il peut faire de même pour aller à Quimper. En juin 1980, d’importants travaux débutent. Les guichets sont agrandis. Les vendeurs de billets ont plus de place. Un nouveau bureau de réservation doit s’étendre de l’entrée du hall central jusqu’à l’actuelle salle de vente. Les panneaux d’affichage passent au téléaffichage électronique. Coût des opérations : 32 millions de francs (4,88 millions d’euros). Et les voyageurs participent directement aux frais. En septembre 80, une surtaxe de 4% est imposée sur les billets. Françoise Erb, alors journaliste de France 3, conclut le reportage en espérant que « la gare de Strasbourg perde son aspect un peu morne et triste. »

La galère de la galerie à « l’en-verre »

Dans les années 90, le ciné-train ferme. Les Strasbourgeois peuvent encore s’endormir dans le train et se réveiller à Saint-Raphaël. La station de tram souterraine est inaugurée et des commerces s’installent à mi-hauteur de la gare et de la station. L’ensemble se veut séduisant : « galerie à l’en-verre ». Mais des petites enseignes quittent les lieux avant même que tous les emplacements soient loués. La fréquentation est insuffisante.

Dix ans plus tard, les efforts de la CTS et de la SNCF restent vains pour rendre l’espace souterrain attirant. Le sous-sol est rendu désagréable par des infiltrations d’eau et la poussière. Les solutions employées créent de nouveaux problèmes, bien décrits dans cet article. Les voyages nocturnes au départ de la gare de Strasbourg sont en voie de disparition. Le 1er octobre 2016, les trains de nuit pour Nice cessaient de circuler. Avec la verrière, installée en 2007, la terrasse a perdu sa place. Le Buffet de la gare a cessé de servir des cafés depuis plusieurs années. Le restaurant Argentoratum a laissé la place à des chaînes comme Meet&Go, Burger King et Gagao.

De la gare au « city booster »

En 2018, « ne dites plus une gare mais un hub ! », écrit France Bleu Alsace. Pour avoir le choix dans les anglicismes, la SNCF parle aussi de « city booster ». Quatre guichets de vente doivent être supprimés dans l’établissement strasbourgeois fin 2019. Loin de la terrasse et du Ciné-train, un laboratoire d’analyse médicale et une crèche doivent s’y installer.


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