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Qui veut la peau de la Cour d’appel de Colmar ?

La Cour d’appel de Colmar, comme celle de Metz, pourraient être supprimées de la carte judiciaire à l’occasion d’une réorganisation nationale, dont les conclusions seront livrées en juin 2013. Le tout au profit de Nancy. Les bâtonniers de Colmar et Metz sont donc sur le qui-vive. Et ont très mal réagi suite à l’initiative de leur confrère de Strasbourg, qui est allé plaider la cause de… Strasbourg, à Paris.

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Qui veut la peau de la Cour d’appel de Colmar ?

La cour d'appel de Colmar (Photo DR)

C’est la guerre entre les barreaux de Strasbourg et tous ceux de l’est de la France. Vendredi, lors d’une réunion des responsables de ces conseils de l’ordre des avocats, Me Armand Marx, le bâtonnier de Strasbourg, a refusé de « s’expliquer » devant ses collègues de Colmar, Mulhouse, Saverne, Metz, Sarreguemines et Nancy. Qu’a-t-il fait au juste pour provoquer l’ire de ses confrères dans un univers d’habitude policé ?

Trois fois rien, il est allé à Paris avec plusieurs parlementaires bas-rhinois le 19 février rencontrer Christiane Taubira, la Garde des sceaux, pour tenter d’enrayer le transfert des compétences de la juridiction de Strasbourg vers celle de Nancy. Me Armand Marx résume l’entretien :

« Depuis 2000, nous assistons, impuissants, au dépouillement du tribunal de Strasbourg au profit de Nancy. Et depuis 2012, les budgets des juridictions de Colmar, Strasbourg et Saverne sont décidés à Nancy, devenue plate-forme administrative interrégionale, ce qui fait de nos tribunaux des succursales. Pourquoi Nancy et pas Strasbourg ? Parce que dans un rapport du Sénat de juillet, il est noté que Strasbourg est une métropole plus importante que Nancy mais que pour rester cohérent avec les précédents rattachements, il fallait installer la plate-forme interrégionale à Nancy. Donc nous avons demandé une audience à Madame la ministre, afin de faire valoir les atouts de Strasbourg et peut-être faire cesser ces transferts. »

Surprise de Christiane Taubira

Mais pour la Garde des sceaux, la surprise de la demande alsacienne a été totale. Elle s’attendait à ce que cette délégation lui demande le regroupement de la cour d’appel de Colmar à Strasbourg. Pire, cette information a « fuité » auprès des barreaux colmariens et messins. Leur réaction a été immédiate et ils ont déclenché le feu nucléaire, en s’alliant à leurs parlementaires chargés de mener la charge contre Strasbourg. Le sénateur (UMP, Metz) Jean-Louis Masson, a eu des mots très durs :

« Si des Alsaciens décident de fusionner leurs deux départements et leur région, c’est leur problème. Par contre, il est inacceptable qu’ils interfèrent en Moselle. Pendant toute l’annexion allemande de 1870 à 1918, la Moselle était certes rattachée et tributaire de Strasbourg. Par contre, les élus alsaciens retardent de deux guerres s’ils imaginent revenir à l’organisation de Bismarck et du Kaiser. »

Depuis, et malgré les protestations d’innocence du bâtonnier de Strasbourg, et celles de la Garde des sceaux, la rupture est consommée. Pourquoi une telle agitation ? Parce que les avocats de Colmar et Metz sont sur les dents. D’abord, ils n’ont pas pardonné à Armand Marx d’avoir tenté de supprimer leur postulation à la cour, un avantage du droit local qui leur permet d’être les seuls à apporter des dossiers, alors que partout ailleurs en France, les avoués ont été supprimés. Ensuite, ils savent que le premier président de la Cour d’appel de Montpellier, Didier Marshall, a comme mission de proposer une réorganisation des cours d’appel en France. Son rapport est attendu en juin.

Colmar et Metz, de petites cours d’appel

Et les bâtonniers de Colmar et Metz ont de quoi être inquiets. La cour d’appel de Metz, créée en 1973, compte 30 postulants et elle est située à une soixantaine de kilomètres de celle de Nancy. Celle de Colmar est plus ancienne, mais elle ne compte aussi qu’une quarantaine de postulants. Dans le cadre d’une réforme visant à rationaliser les cours d’appel, elles pourraient bien être supprimées au profit de Nancy.

Ou de Strasbourg. Et c’est bien là que ce situe le nœud du problème. Car si des « super cour d’appel » voient le jour dans le cadre d’une réforme de la carte judiciaire, le gouvernement pourrait être tenté de tout regrouper à Nancy, au vu des antagonismes irréconciliables entre Colmar, Metz et Strasbourg. Dans ces conditions, le dossier de Strasbourg pour devenir un pôle interrégional souffre d’un sérieux handicap.

Pour l’instant, les bâtonniers de Metz, Colmar, et même les élus Alsaciens plaident pour le statut quo. Sénateur du Bas-Rhin (UMP) et membre de la délégation du 19 février, André Reichardt précise :

« Au moment où nous essayons de créer le conseil unique d’Alsace, nous enverrions un très mauvais signal si nous nous engagions en faveur d’un regroupement de la cour d’appel de Colmar à Strasbourg. Et puis ce ne serait pas une bonne politique, en terme d’accès au droit des justiciables. Donc nous défendrons la position de la cour d’appel de Colmar, si tant est qu’elle soit un jour menacée. »

Quant à Armand Marx, il redit :

« J’ai été élu pour défendre la position de Strasbourg et c’est ce que je fais. Nous avons à Strasbourg la Cour européenne des Droits de l’Homme et il faudrait accepter que la justice étatique parte à Nancy ? Pas question. Quant aux avocats de Colmar, je les invite à ne pas se tromper de combat. »

En attendant un règlement à l’amiable, on parle d’augmenter la sécurité dans les vestiaires des avocats dans les tribunaux alsaciens.

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Sur le Républicain Lorrain : une nouvelle guerre Strasbourg – Metz ?


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