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La relance des trains de nuit réclamée devant la gare de Strasbourg

Le collectif « Oui au train de nuit » a fait étape à Strasbourg dans le cadre d’une semaine de campagne pour la relance de trains nocturnes. La Région Grand Est indique avoir des discussions avec des opérateurs, mais préfère privilégier ses financements pour les trains régionaux.

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Nicolas Forien est un usager, représentant du collectif "Oui au train de nuit" venu de Paris pour le rassemblement strasbourgeois (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Le vendredi 30 septembre 2016, le dernier train de nuit au départ de Strasbourg quittait le quai n°7 à 20h11. Il arrivait le lendemain matin à Nice. Quelques mois plus tôt, la ligne avait déjà été raccourcie, les dessertes de Port-Bou en Espagne et Vintimille en Italie ayant été interrompues. Depuis, seul le Moscou-Paris fait étape dans la capitale alsacienne, opéré par une compagnie russe.

Environ deux ans plus tard, une campagne nationale « Oui au train de nuit », dont le nom fait écho aux appellations des TGV InOui ou Ouigo, plaide pour une relance de ce mode de transport lent économique et écologique. Une cinquantaine de personnes s’est rassemblée devant la gare de Strasbourg jeudi 25 octobre, principalement des usagers et des organisations syndicales.

Baisse de la fréquentation contre baisse du service

De manière générale, la fermeture de six lignes des huit trains de nuit a été décidée en 2015, suite à un rapport qui attestait de leur baisse de fréquentation de 25% entre 2011 et 2015. Le gouvernement socialiste d’alors répondait notamment qu’il y avait désormais d’autres alternatives : les avions, dont le prix a chuté avec l’émergence des compagnies à bas prix, les autocars suite à la loi Macron, ou les TGV, en encourageant parfois des correspondances par Paris.

Pour les défenseurs du train de nuit, la baisse de fréquentation est plutôt la conséquence d’un service qui s’est dégradé avec les années, faute d’investissements : la fin des auto-trains, des sièges inclinables économiques ou a contrario des wagons-lits haut de gamme, un temps de trajet rallongé, des réservations difficiles et limitées à quelques jours avant le départ, etc. Ces trains atypiques s’adressent à une clientèle qui souhaite économiser une journée de trajet ou une nuit hors de chez soi.

Les mots et gestes encourageants de la ministre

Et si les fers de lance de cette action de lobbying y croient, c’est parce que certaines déclarations de la ministre des Transports, Élisabeth Borne, semblent plaider en faveur de ce mode de déplacement. Et comme elle prépare une loi sur les mobilités, c’est le moment d’insister, avec entre autres une pétition en ligne.

Dans un entretien au Journal du Dimanche, la ministre a déclaré :

« La vraie casse du service public, c’est quand on laisse se dégrader la qualité du service dans les trains de nuit jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de voyageurs et qu’on arrête ces trains. »

En septembre, le gouvernement s’est engagé à moderniser, et à prolonger au-delà de 2020, les deux seules lignes nocturnes qui subsistent, au départ de Paris. À cette occasion, elle a déclaré que les trains de nuit « ont de l’avenir. » Un autre cas retient l’attention du collectif, celui de la Région Occitanie qui a accepté de co-financer le prolongement d’une ligne au-delà de Toulouse, vers Cerbère et Port-Bou via Perpignan.

Nicolas Forien est un usager, représentant du collectif "Oui au train de nuit" venu de Paris pour le rassemblement strasbourgeois (photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Nicolas Forien est un usager, représentant du collectif « Oui au train de nuit » venu de Paris pour le rassemblement strasbourgeois (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Des offres à la Région Grand Est

Au-delà de l’État, au centre des décisions à venir, les manifestants vont donc aussi interpeller la Région Grand Est. Le vice-président en charge des Transports de la Région Grand Est, David Valence, (UDI) indique que sa collectivité ne souhaite pas spécialement dépenser pour ce service, mais qu’elle a reçu des offres :

« Nous avons des discussions techniques avec des opérateurs qui nous disent qu’il y aurait un modèle rentable pour eux. Nous n’y sommes pas opposés, car cela favorise le territoire. Mais il ne faut pas que nous dispersions nos moyens. L’argent que nous mettrons là-dedans, nous ne le mettrons pas dans des lignes comme Strasbourg-Bâle ou Luxembourg-Metz qui sont les plus fréquentées. La Région Occitanie est dans une situation différente de la nôtre, puisqu’il n’y a pas de TGV, alors que nous sommes bien reliés à Paris. La desserte vers le sud peut en effet être améliorée de manière générale. »

Par ailleurs, une toute nouvelle dépense rentre dans le calcul du pacte financier qui limite la hausse des dépenses à 1,2% d’une année sur l’autre pour toutes les grandes collectivités, sous peine de sanctions financières. Ce qui limite un peu les marges de manœuvre pour de nouveaux services.

Ailleurs en Europe

Au-delà de nos frontières, les partisans des trains nocturnes prennent l’exemple de l’Allemagne où des trains de nuit ont été relancés. Les chemins de fer autrichiens ÖBB ont repris l’activité de la Deutsche Bahn rachetant à bas prix 42 voitures-lits et 15 voitures-couchettes. ÖBB espère passer de 1 million de voyageurs ICN en 2016 à 5 millions d’ici 2020 et à trouver une rentabilité. D’autres exemples en Suède, aux Pays-Bas ou en Finlande sont cités.

Le réseau des trains de nuit en Europe en juillet 2018.
Le réseau des trains de nuit en Europe en juillet 2018.

L’enjeu du financement

Le collectif « Oui aux trains de nuit » ne se positionne pas par rapport à la réforme de la SNCF votée au printemps. Mais pour Nicolas Florien, usager et membre du collectif et venu de Paris dans le cadre d’une semaine de mobilisations, il est essentiel que la puissance publique s’implique financièrement :

« On voit que le secteur privé ne vient pas au secours du secteur public par-lui même. Au-delà de l’enjeu de la desserte nationale via les diagonales, il y a un enjeu européen. En France, on a perdu toutes les liaisons avec l’Europe, que ce soit Berlin, Rome, Madrid ou Barcelone qui est à 6h30 de Paris. Les rails existent, le problème c’est le matériel roulant. Ensuite une bonne coopération est essentielle, comme cela se passe entre l’Allemagne, l’Autriche et les pays de l’Est. On oppose beaucoup le train de nuit au TGV, mais c’est surtout par rapport à la route et à l’aviation, plus polluants, qu’il faut se positionner. »

Après avoir pris la parole devant la foule, Hervé Diebold, membre de l’Association des usagers des transports urbains de Strasbourg (Astus) et cheminot, rappelle que ce service concernait encore beaucoup de monde, qui selon lui ne trouvent pas toujours leur compte dans les autres offres :

« La ligne vers Port-Bou avait un taux de remplissage de 50% et 276 000 passagers dans l’année 2014, soit 378 personnes par train. C’est le chiffre qu’il y avait dans l’appel à manifestations d’intérêts publié pour reprendre la ligne (pour lequel aucune compagnie ne s’est positionnée, ndlr). Le déficit par kilomètre est inférieur que sur les Intercités ou les TER « classiques ». En Allemagne, la compagnie autrichienne ÖBB trouve son équilibre avec un taux de remplissage entre 50 et 60%. »

Du côté de Strasbourg, on pense notamment qu’une réactivation du Strasbourg-Port-Bou, puis une prolongation vers Barcelone pourrait séduire un large public.

Au niveau local, la sénatrice strasbourgeoise Fabienne Keller (Agir) a indiqué sur les réseaux sociaux soutenir cette manifestation. La Ville de Strasbourg avait voté à l’unanimité une motion à son initiative contre la fermeture de la ligne vers l’Espagne. Comme pour beaucoup de motions, elle n’a pas été suivie d’effets. Mais peut-être est-ce la moment pour les manifestants de réactiver la liste des votants strasbourgeois.

Contacté dans la matinée, le ministère des Transports n’est pas revenu vers nous dans la journée pour plus de précisions sur la loi en discussion.

L’enquête sur les trains de nuits par le collectif


#Gare de Strasbourg

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