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Sceptique puis troublée : j’ai testé les « constellations ancestrales » et la psychomagie

Dimanche 13 octobre, comme tous les mois, Emilie Grossardt a animé un atelier de constellations. Une dizaine de femmes étaient au rendez-vous, prêtes à se connecter à leurs ancêtres féminines et persuadées de pouvoir ainsi surmonter leurs difficultés. Je me suis jointe à elles.

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Sceptique puis troublée : j’ai testé les « constellations ancestrales » et la psychomagie

C’est un dimanche ensoleillé, de ceux qu’on aime passer à se balader dans la nature, en famille ou entre amis. Mais aujourd’hui, le programme est tout autre : je vais tester un atelier de « constellations ancestrales » à Schiltigheim en compagnie d’autres femmes. Elles sont dix, rassemblées devant un bâtiment qui ne paie pas de mine. Leur objectif aujourd’hui : « consteller » afin de régler un blocage qu’elles ont dans leur vie actuelle.

Emilie Grossardt : « Médiatrice en systémie »

Hormis deux soeurs, les dix femmes ne se connaissent pas. Certaines se sont déjà croisées à d’autres ateliers organisés par l’association Au coeur des Femmes-Ecole Humaniste. Il est 13h30, et ensemble nous montons les escaliers qui mènent aux locaux. C’est ici qu’Emilie Grossardt propose son atelier. Sur son site, la jeune femme se présente comme « médiatrice en systémie », accompagnatrice du changement et énergéticienne. Elle a développé ces compétences tout au long de sa vie, poussée par son intuition et des formations.

Le prix de l’atelier est de 50 euros. Le lieu est sobre, une pièce avec une moquette. On se déchausse en entrant. La salle principale, là où aura lieu l’atelier de cet après-midi, est plus grande. La « constellatrice » prépare les premiers rituels. Des bougies sont allumées par chacune des participantes, on sent la douce odeur boisée de l’arbre Palo Santo, utilisé pour « purifier l’espace. » Selon un rituel de purification spirituelle, certaines participantes, initiées, s’enveloppent de la fumée de ce “bois sacré”, tandis que d’autres, plus perdues, les observent.

L’une après l’autre, elles tirent une carte oracle dans une pioche, à même le sol. Un livre permet d’interpréter la carte. J’ai tiré la déferlante. « Seriez-vous de celles qui, juste avant les règles, deviennent acariâtres et insupportables ? » Bingo ! En plein dedans. Le livre s’appelle féminitude… cela me fait sourire, c’est un peu facile, je veux bien croire aux énergies mais on est nombreuses à être nerveuses avant nos cycles menstruels. « Les cartes oracles, ce sont mes guides qui me parlent », déclare cependant Emilie Grossardt.  

Faire appel aux ancêtres pour résoudre des difficultés 

Mais déjà, c’est l’heure de commencer. La constellatrice annonce aux femmes ma présence en tant que journaliste et participante. Car pour comprendre en quoi consiste le fait de consteller, il faut l’expérimenter et le ressentir, annonce Émilie :

« Tout ce qui est ici, reste ici, une fois que vous avez constellé, n’allez pas parler de ce qui s’est passé avec les autres participantes. L’objectif est de libérer la lignée et récupérer ainsi de la force. »

Devant mon regard interloqué, elle continue :

« En reconnaissant ou en rendant leur place à chacun des ancêtres, ceux-là vont mieux et la force peut donc couler de façon fluide. C’est ce qu’on appelle libérer la lignée. »

Se reconnecter avec son utérus

La séance commence par une brève méditation collective guidée par Émilie. L’objectif est de nous reconnecter avec notre utérus :

« L’utérus est le muscle de nos ancêtres. J’ai trouvé cela très adapté à une constellation ancestrale qui fait appel à la lignée des femmes. Je commence toujours mes séances par une méditation, cela permet aux participantes de sortir de leur quotidien, de s’ancrer dans le présent. »

Tour à tour, les participantes vont se « connecter à leur difficulté ». Puis elles vont choisir, parmi les autres femmes présentes, celles qui vont « représenter » sept de leurs ancêtres femmes sur trente-six générations. Autrement dit, chacune d’entre nous allons incarner les ancêtres les unes des autres.

À ce moment précis, je suis, il faut l’avouer très curieuse mais plutôt sceptique. Surtout qu’Émilie m’a précisé qu’il n’est absolument pas nécessaire de connaître ses ancêtres. Et que le problème de chaque personne lui est propre. Rien n’est dit, tout est dans le ressenti.

Émotions fortes et envie spontanée 

La première participante commence. Elle se connecte à sa problématique par une courte méditation, se concentre sur ce qui l’a amené ici. Puis elle se lève pour choisir intuitivement les sept femmes qui représenteront ses ancêtres féminines. Émilie précise :

« Dans la lignée des femmes, on ne choisit que des ancêtres femmes. Mais on ne sait pas qui on choisit, cela peut être la mère, la grand-mère, l’arrière grand-mère du côté paternelle ou maternelle ou même la tante. Des femmes qui font parties du système et qui ont un lien avec le problème que l’on cherche à résoudre. »

Pour cette première expérience, je suis également choisie pour représenter une ancêtre. Nous voici toute placées en file indienne, respectueusement accompagnée par la participante qui nous fait maintenant face. Elle nous regarde l’une après l’autre, puis se présente et répète ce que lui dit la praticienne :

« Je suis une de vos descendantes et dans ma vie je rencontre encore quelques difficultés et je n’arrive pas à incarner pleinement mes forces féminines (…), il y en a parmi vous qui ont incarné pleinement cette force féminine qui me manque. Est-ce-que vous voulez bien me transmettre de votre force un peu, voire beaucoup ? »

Des sensations : l’étrange commence

La participante s’approche ensuite de la première représentante. Une main sur l’épaule, le regard droit dans les yeux, elle devra « sentir » si cette descendante a la force qui lui est nécessaire pour surmonter sa difficulté. Si l’ancêtre est forte, elle sera placée à droite pour l’étape suivante. Mais dans tous les cas, la participante doit demander à son ancêtre la permission de la placer et de passer à la prochaine ancêtre.

C’est là que commence l’étrange : les représentantes choisies intuitivement vont ressentir des sensations, elles peuvent sentir un blocage et refuser de laisser passer la participante ou au contraire lui ouvrir le passage avec joie.

En cas de refus, la constellatrice interroge la représentante sur ses sentiments : « je me sens confuse », « je sens que je peux pas la laisser passer », « j’ai mal au genou »,  « je sens comme un étau »… Au fur et à mesure des constellations, les réponses sont différentes, les émotions également.

« Je suis troublée par ces émotions »

Je suis tour à tour choisie pour être l’ancêtre de l’une et de l’autre et je suis surprise d’avoir des sensations et des pensées variées et totalement différentes selon la personne que je suis censée représenter. Indifférente devant l’une des participantes, je suis terrorisée devant une autre. Une autre fois, je ressens une proximité très intense avec la participante, comme si elle était une confidente.

Je suis troublée par ces émotions. Il y a parfois énormément de joie, parfois énormément de tristesse, les participantes pleurent, et de mon côté il m’est arrivée une fois de trembler de peur, une autre d’avoir une envie spontanée de siffloter et de m’en aller. J’ai aussi eu envie de prendre la participante dans mes bras, comme si je l’attendais depuis longtemps.

Une expérience d’incarnation

À chaque fois que cela est nécessaire, surtout en cas de refus de passage, la constellatrice entre dans la boucle pour aider à résoudre le blocage. Elle dit des mots réparateurs que la participante va devoir répéter, ou elle déplace les participantes dans l’espace. Drame familial, ancêtre qui n’était pas considérée, il y a parfois même de nouveaux personnages qui entrent dans la boucle : une femme qui représenterait tous les Hommes ayant fait du mal aux ancêtres, ou la jumelle perdue d’une des ancêtres… 

Bizarrement, je sais que je suis moi mais je ressens des sentiments qui ne me concernent pas et qui disparaissent une fois la constellation terminée. Ces sentiments représentent en fait ce que ressentent les ascendants. On est donc en pleine expérience d’incarnation. « Comme en hypnose, il s’agit de faire confiance à l’inconscient ou à l’âme pour trouver une solution au problème », écrit le psychopracticien Yann Yves Mallet sur son site.

Ainsi, une personne qui ne sait pas lâcher prise, ou qui est trop rationnelle n’aura sûrement pas le même ressenti, comme en témoigne une des participantes :

« Il faut déjà réussir à faire venir une personne rationnelle à un atelier constellation. S’ils viennent en général, ils perdent leur temps et nous font perdre le notre également. » 

« Il faut donner au système le temps d’évoluer »

Une fois que les blocages de chacune des ancêtres sont résolus, les ancêtres fortes sont invitées à poser leurs mains sur leur descendante et lui transmettre ainsi la force de résoudre ses difficultés. Émilie affirme :

« C’est de la psychomagie, l’acte permet de prendre conscience que la personne peut y arriver, que la force est là avec elle. Dans le cas d’une constellation familiale, la force se transmet simplement par la résolution du conflit. » 

Les femmes présentes ce dimanche ont toutes eu déjà une fois l’expérience de la constellation familiale ailleurs avec une autre thérapeute. Elles sont toutes convaincues du bienfait de la pratique. Problème de procréation, décès d’un membre de la famille, manque de confiance, angoisse, difficultés relationnelles, manque de confiance avec les hommes, les raisons de leur venue sont nombreuses…

« La constellation avait débloqué quelque chose »

« On ne peut pas consteller sur le même problème deux fois normalement, car la constellation peut faire effet pendant deux ans, » affirme l’une d’entre elle. « Il faut donner au système le temps d’évoluer », confirme Emilie. « Le système est informé de ce qui se passe, ça se transmet de génération en génération, si par exemple un ancêtre a été reconnu comme partie du système, ça peut prendre du temps pour que tout le système en soit informé. » Mais selon une autre des participantes, cela peut être plus rapide :

« Moi, j’ai des membres de ma famille qui ne se parlaient plus depuis des années, après m’être fait constellée pour une autre raison, ils se sont appelés du jour au lendemain sans raison particulière. La constellation avait débloquée quelque chose. »

La participante regrette néanmoins la ritualisation un peu excessive selon elle d’Émilie. « Il faut être dans le ressenti, trouver le bon thérapeute, souvent cela se fait par le bouche à oreille, » conseille de son côté la constellatrice. À 41 ans, l’ancienne étudiante en management et marketing a officiellement lancé son entreprise Eyos en mars 2019 :

« Depuis environ six ans, je proposais surtout des constellations individuelles, c’est-à-dire que je représentais moi-même toutes les ancêtres. En janvier, j’ai commencé la formation « La voix des femmes » de l’association Au coeur des femmes et je me suis lancée ».

Émilie Grossardt n’est cependant pas la seule en Alsace à proposer des constellations. 

« Nous sommes toutes lessivées »

Dimanche, après cinq heures d’atelier entrecoupées de pauses, nous sommes toutes sorties lessivées. Surprise par le tourbillon d’émotions qui m’a envahi, je sens qu’il va me falloir quelques jours pour digérer. Si je suis convaincue par la force des énergies qui ont circulé pendant l’atelier, j’avoue que j’ai des réticences à retenter l’expérience pour résoudre une difficulté personnelle. Car, pour se faire, il faut oser s’ouvrir et se laisser aller totalement face à de parfaites inconnues. « Une question d’égo », me dira sûrement Emilie.

Ce dimanche, nous avons donc le sentiment d’avoir utilisé toute notre énergie pour soi et pour les autres : « C’était très intense, j’ai ressenti beaucoup beaucoup d’amour », souffle une des participantes. Une autre tire une deuxième carte oracle : « C’est intéressant de voir la différence entre ce que disent les cartes avant la pratique et ce qu’elles disent après », indique-t-elle.

Épuisée par les émotions, mais reboostée par l’énergie les unes des autres, les dix participantes vont maintenant laisser du temps au temps, jusqu’à ce que…


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