« Dans cette école, des enfants sont SDF ». Lundi 13 octobre, 16h15, la banderole s’étire devant l’école maternelle Joséphine Baker à Schiltigheim. Sur une table, des gâteaux à prix libre pour remplir une cagnotte. Elle est destinée à loger temporairement la famille de deux élèves de deux et quatre ans vivant à la rue.
La famille ne souhaite pas s’exposer. « Par pudeur et par crainte, expliquent les mères mobilisées. Mais avec leur accord, on agit. Ils nous remercient beaucoup. » Après avoir appris que ces enfants étaient à la rue, un groupe de parents d’élèves s’est constitué en quelques jours. Majoritairement des mères, elles sont une dizaine présentes pour alerter les autres parents qui viennent chercher leurs enfants. Samira Talbi, tête de liste aux élections des parents d’élèves, raconte :
« On a contacté la mairie de Schiltigheim, la préfecture, la Collectivité européenne d’Alsace. Pour l’instant, chacun renvoie vers l’autre et nous n’avons pas eu de réponse satisfaisante. La Ville de Schiltigheim s’est dite ouverte à la discussion. Nous avons rendez-vous mercredi 15 octobre avec la maire, Danielle Dambach, et la direction de l’école. On espère un déclic. »
« Loger les familles à la rue, c’est d’abord la responsabilité de l’État. Les mairies sont souvent démunies », analyse Christelle, une enseignante. En effet, l’État a le budget et théoriquement l’obligation légale d’héberger les personnes vulnérables quelle que soit leur situation administrative. En attendant, le collectif a créé une cagnotte en ligne pour financer un logement d’urgence afin de mettre la famille à l’abri alors que le froid arrive.
Une école solidaire face à l’urgence
Les parents présents décrivent le même scénario. La famille a tenté des appels au 115, le numéro pour demander un hébergement d’urgence. Mais systématiquement elle a subi des refus pour manque de place, malgré deux enfants en bas âge. Christelle s’indigne :
« Face au manque de moyens, la seule “solution” qui leur est proposée c’est finalement un retour dans leur pays d’origine. Mais s’ils sont venus jusqu’ici, c’est qu’ils ont de bonnes raisons de ne pas vouloir y retourner. »
Céline Iltis, directrice de l’établissement, soutient l’initiative des parents d’élèves. Elle est présente à la sortie de l’école « en tant que citoyenne et en dehors des heures d’ouverture », pour respecter la neutralité institutionnelle. Elle rappelle néanmoins que l’école a un devoir d’alerte :
« Notre premier rôle, c’est la protection de l’enfant. Nous garantissons sa sécurité sur le temps scolaire, mais nous ne pouvons pas rester indifférents à ce qui les met en danger hors de l’école. Quand une famille nous fait confiance et met des mots sur ses difficultés, c’est aussi à nous d’alerter. »
Certains parents évoquent, en dernier recours, l’occupation de l’école pour loger en urgence la famille si la situation n’évolue pas. Dans l’Eurométropole, de nombreux établissements ont été occupés lors de l’année scolaire 2024-2025, ce qui a permis l’hébergement de familles.
Une crise qui dépasse la grille de l’école
À Schiltigheim, des parents de l’école Exen Schweitzer s’étaient par exemple mobilisés pour loger deux familles sans-abri. Par ailleurs, en juin 2025, la commune a été marquée par la mort de Spartaki Zurasdzma, 52 ans, décédé dans sa tente à l’entrée de la ville. « Des familles à la rue, il y en a des dizaines et des dizaines à Schiltigheim et à Strasbourg, affirme la directrice. Mais ça ne se voit pas toujours, ce n’est pas écrit sur leur front. »
« On n’a pas la prétention de résoudre la crise du logement, rappelle une mère d’élève en coupant des parts de gâteau. Mais on refuse l’idée que des élèves de notre école dorment dehors sans que rien ne bouge. »
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