Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Sept questions pour tout comprendre sur le GCO

À quoi sert l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) ? Quel sera le prix du péage ? Quelles sont les alternatives proposées ? Où en sont les recours ? Voici quelques questions de base pour bien comprendre le dossier qui agite l’actualité alsacienne depuis la rentrée.

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Sept questions pour tout comprendre sur le GCO

Le lancement des travaux du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg et la contestation sur le terrain ont parfois fait découvrir le dossier à certains Strasbourgeois. Et le traitement de l’actualité chaude et les rebondissements juridiques, militants ou politiques contribuent à perdre de vue à quoi correspond ce projet d’autoroute payante de 24 kilomètres (dont 2 gratuits) construite par la société Arcos, filiale du groupe Vinci. Rue89 Strasbourg refait le point sur les bases de ce projet d’aménagement et son actualité à venir.

1 – Quel est le but du GCO ?

Pour répondre, il suffit de se référer aux documents officiels, notamment en annexe du contrat de concession, qui liste quatre objectifs. Le but principal est « d’assurer la continuité de l’axe autoroutier Nord-Sud alsacien ». Aujourd’hui, circuler sur l’A35 entre Haguenau et Sélestat est difficile à certaines heures, car l’A35 est parfois saturée aux alentours de Strasbourg, notamment aux heures de pointe du trafic pendulaire (matin et soir).

La conclusion du rapport de 2013 qui a acté la relance du GCO signale que « 40 à 45% de ces flux de transit nord­-sud est composé de flux locaux ou régionaux (objectif 2, ndlr), très peu enclins à utiliser une infrastructure à péage ». Le GCO cible donc en priorité les 60 à 65% du trafic de transit européen, dont les camions de marchandises qui circulent des ports d’Anvers/Amsterdam vers le sud de l’Europe (Milan, Marseille, Barcelone) et pourraient éviter le cœur de Strasbourg.

Le GCO se divise en trois tronçons (document Arcos)
Le GCO se divise en trois tronçons (document Arcos)

Par ricochet, cette rocade a deux autres conséquence secondaires, à savoir « réorganiser les accès de l’aéroport, la zone d’activités de la Bruche, voire le port de Strasbourg » et enfin « soulager » l’A35 d’une partie de son trafic actuel. Ce sont ces objectifs qui ont été déclarés d’ »intérêt général » et qui permettent par exemple au tracé de traverser des zones abritant des espèces naturelles protégées.

Délester l’A35 et donc ses embouteillages n’est qu’une conséquence secondaire, un problème que le GCO ne suffira pas à régler par lui-même. Les porteurs du projet l’ont d’ailleurs expliqué ces dernières années. Le préfet Jean-Luc Marx a rappelé que le GCO « ne règle pas la question du trafic pendulaire » lors de la publication des arrêtés pour les travaux. Lors de notre soirée débat à l’Odyssée en 2016, le président de l’Eurométropole, Robert Herrmann (PS), avait aussi affirmé que « personne de sérieux ne dit qu’il n’y aura plus de bouchons sur l’A35 après le GCO. »

Ces objectifs et ces prises de position font dire aux opposants que le GCO « est construit sur un mensonge » depuis sa première évocation en 1973, à savoir, la fin des embouteillages sur l’A35.

2 – Quelles sont les alternatives proposées par les opposants ?

  • Écotaxe

L’une des alternatives demandée est l’écotaxe, qui devait d’abord être expérimentée en Alsace. Finalement, le dispositif a été généralisé à la France entière, mais n’a jamais été appliqué suite au recul de Ségolène Royal, ministre de l’Environnement d’alors, devant les bonnets rouges. Selon les opposants au GCO, il faudrait aligner des tarifs alsaciens sur la taxe poids-lourds allemande (LKW Maut) pour permettre la répartition la plus équilibrée possible entre les deux côtés du Rhin.

Selon les calculs des opposants, le GCO est 30 à 78% moins cher que la LKW Maut selon le type de poids-lourds et l’horaire (voire question 5) pour le trajet Wörth-am-Rhein – Ottmarsheim de 178 kilomètres.

  • Séparation des flux

Une autre mesure, préconisée par le contre-rapport TTK (un cabinet allemand à Karlsruhe souvent sollicité pour les tramways strasbourgeois) est de séparer les flux sur l’A35. Cela veut dire une ou deux voies réservées aux véhicules qui traversent Strasbourg sans s’y arrêter et les autres voies pour ceux qui ont la capitale alsacienne comme origine ou destination. Cela éviterait que les véhicules se croisent au niveau des sorties (on parle alors de « cisaillement »), ce qui ralentit le trafic, voire génère des accidents.

  • TSPO

Pour diminuer le nombre d’automobilistes venant de l’ouest du Bas-Rhin (Kochersberg, Wasselonne) vers Strasbourg le matin et qui en repartent le soir, les opposants sont aussi favorables au prolongement du Transport en site propre ouest (TSPO), c’est-à-dire un bus avec une voie réservée jusqu’au centre de Strasbourg. Après la partie achevée par le Département du Bas-Rhin en 2016, celle sur la RN4 et l’A351 que doit réaliser l’État accumule les retards. Les travaux qui devaient s’achever en 2018 ne sont pas lancés. Cet axe va pourtant subir une hausse de trafic avec la mise en place du GCO.

(document de l’enquête publique)
  • VLIO

Autre projet prévu de longue date, la Voie de Liaison intercommunale Ouest (VLIO) ne fait pas l’objet de contestation, même de la part des élus écologistes. Pour les élus locaux, il s’agit d’un projet 11,7 kilomètres dont l’utilité est démontrée. Les maires des communes au nord sont néanmoins attentifs à ce que le tronçon supérieur soit bien réalisé en même temps que la partie sud, pour que leurs villages ne soient pas traversés par ce nouveau trafic, à destination de la section construite.

  • À long terme

À plus long terme, les opposants plaident pour des investissements en faveur d’un meilleur développement des transports en commun pour les particuliers, avec un réseau type RER (que le Grenelle des Mobilités semble reprendre à son compte) et des infrastructures pour le transport de marchandises sur rail, le ferroutage. L’abandon du tram de Vendenheim à Wolfisheim en 2015 a ainsi été regretté par les opposants au GCO.

3 – Quelles sont les projections sur le trafic ?

En 2016, la portion la plus chargée de l’A35, entre Cronenbourg et Schiltigheim accueillait 164 900 véhicules par jour en moyenne, dont 14 000 poids-lourds (8,4% du trafic). La part du trafic de transit sur l’A35 « varie de 20 à 50% selon les portions de l’itinéraire concernées » selon les services de la préfecture du Bas-Rhin.

Après la mise en oeuvre, en 2021, les projections tablent sur 150 000 vehicules par jour soit une baisse de 9% du trafic.

Le trafic en 2016 sur l'A35 (document Préfecture du Bas-Rhin)
Le trafic en 2016 sur l’A35 (document Préfecture du Bas-Rhin)

Sur le GCO, une fréquentation de 24 000 véhicules est attendu sur la moitié nord, 20 000 sur la moitié sud et de 32 000 sur les deux premiers kilomètres gratuits tout au sud. La proportion de poids-lourds oscillerait entre 23 et 31% selon les tronçons.

4 – Quel sera le prix du péage ?

Il varie selon le type de véhicule et les horaires. Il y aura une aire de péage unique à mi-parcours où les utilisateurs pourront sortir ou entrer, afin de régler une demi-portion côté nord, côté sud ou un trajet complet.

Ce prix doit être actualisé selon une formule complexe qui tient compte de l’inflation. Un badge local permettra aux abonnés de bénéficier d’une réduction de 30% et la remise accordée aux poids lourds ne peut excéder 13% en France. Vinci prévoit une réduction au « minimum de 8% ».

Le constructeur a également signalé au préfet que le coût total de l’infrastructure devrait « très vraisemblablement » augmenter compte tenu des mesures de compensations environnementales supérieures aux seuils légaux. L’ensemble du projet est financé par Vinci qui s’endette auprès de banques, avant de se rembourser via les recettes du péage. En cas de déficit, augmenter le prix du péage peut devenir une solution, tout comme un allongement de la durée de concession (fixée à 54 ans) ou une participation financière de l’État.

Il y aura une gare de péage unique à mi-parcours, avec possibilité de sortie et d’entrée (document Vinci)

5- Le GCO va-t-il réduire la pollution ?

La pollution mesurée devrait considérablement baisser à Strasbourg avec ou sans GCO d’ici 2020, notamment grâce à l’amélioration des moteurs. Dans l’étude de l’impact du GCO sur la pollution par Atmo Grand Est (voir notre article), l’autoroute nouvelle ne permettrait de passer sous aucun seuil fixé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’impact en termes de catégorie de pollution se quantifie pour… 10 habitants, un peu moins exposés aux pics journaliers de particules PM10.

Néanmoins, avec le GCO, on note une baisse de quelques microgrammes supplémentaires, notamment de dioxyde d’azote (NO2), sur une surface importante le long de l’A35 à Strasbourg, où les concentrations sont aujourd’hui critiques. La pollution augmente un peu à l’ouest de Strasbourg, mais dans de moindres proportions et surtout avec un niveau de départ plus bas. L’étude permet mal d’appréhender un éventuel « effet GCO », car elle prend en compte d’autres projets routiers et de transports en commun, qui ne sont pas comptabilisés dans le scénario appelé « au fil de l’eau ».

6 – Que va devenir l’A35 gratuite ?

L’A35 doit être transformée, dans ce qu’on appelle souvent un « boulevard urbain ». Derrière ce terme, des imaginaires très différents cohabitent. Un simple abaissement de la vitesse à 70 km/h pour certains (ex : Medef Alsace en 2017 « Nous pensions que le projet consistait juste à réduire la vitesse à 70 km or nous apprenons qu’il devrait s’accompagner de travaux qui pourraient coûter jusqu’à 200 millions d’euros »). D’autres veulent des voies réservées aux transports en commun et/ou au covoiturage, voire des « trames vertes » au cœur de la ville. Pour l’instant, rien de concret n’est tranché. À ce jour, 20 millions d’euros ont été consignés dans le Contrat de Plan État Région (CPER) 2015-2020.

Montants provisionnés pour la requalification de l'A35 (Extrait CPER Alsace 2015-2020)
Montants provisionnés pour la requalification de l’A35 (Extrait CPER Alsace 2015-2020)

Les arbitrages sérieux devraient revenir à l’Eurométropole et aux élus des 33 communes qui y seront élus indirectement en mars 2020. Des visuels de la place de Haguenau, où le viaduc de l’A35 serait déconstruit et avec une grande place pour les espaces verts devraient être prochainement diffusés. L’agence d’urbanisme de Strasbourg (Adeus) travaille sur la déconstruction de l’autoroute depuis la fin 2016.

Par ailleurs, le maire de Strasbourg Roland Ries (PS) a évoqué que les voitures les plus anciennes, souvent les plus polluantes, soient exclues de l’A35 via la mise en place d’une zone à faible émission (ZFE) à Strasbourg, régulée par le système des vignettes Crit’Air. Les voitures trop vieilles pour demander une vignette et de classe 5, comme évoqué dans un premier temps, concerneraient 2% des voitures individuelles, 1% des utilitaires et 6% des poids lourds en 2020 selon l’État.

7- Où en sont les recours ?

Huit recours ont été déposés contre des documents autorisant la construction du GCO. Tous ne sont pas allés au bout de la procédure. Le plus ancien, contre la déclaration d’utilité publique (DUP) de 2008 a été rejeté par le Conseil d’État en 2011. Les recours suivants ont été déposés en 2016, après la relance du projet et la signature du contrat de concession. Ils ont pour la plupart été rejetés.

Deux recours en urgence (on dit « en référé ») ont été favorables aux opposants : l’un d’eux concerne l’abattage de 30 arbres et l’autre le permis d’aménager le viaduc à Kolbsheim. Mais leur principal espoir, le référé sur l’autorisation des travaux n’a pas été suspensif malgré « des doutes sérieux », mais un impératif d’intérêt général rend le projet urgent selon les juges administratifs. L’association Alsace Nature s’est pourvue en Cassation pour une relecture du jugement. De son côté, Arcos s’est également pourvue en Cassation concernant le permis d’aménager le viaduc, où l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France, en raison de la proximité du château de Kolbsheim, fait défaut. Quel que soit la teneur des deux décisions, des jugements sur le fond de ces deux affaires sont par ailleurs attendus dans les mois suivants.

Les travaux préparatoires n’ont pas été suspendus en référé au printemps 2017. Ces derniers risquent d’être terminés lors de l’examen sur le fond en novembre 2018. Alsace Nature a annoncé déposer au nom du collectif GCO Non Merci d’autres recours dans les semaines à venir, sans en préciser la teneur. Le Conseil d’État doit encore examiner le contrat de concession après un rejet en première instance et en appel.

Plus les travaux avancent, moins le projet sera réversible par la justice. Le concessionnaire a démarré plusieurs points du chantier et les terrassements.

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