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Sexisme à la Maison des associations : « M. le maire, sortez de votre silence »

Fondé récemment pour dénoncer le harcèlement sexuel au travail et soutenir les victimes, le collectif « Entendre, croire, agir » demande au maire de Strasbourg de se positionner plus clairement sur l’affaire de la Maison des associations.

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Sexisme à la Maison des associations : « M. le maire, sortez de votre silence »

Monsieur le Maire,

Nous vous adressons cette lettre ouverte pour vous informer de la création du collectif Entendre, Croire, Agir – collectif féministe de lutte contre le harcèlement sexuel au travail et de soutien aux victimes à Strasbourg.

La création de notre collectif fait suite aux faits de harcèlements sexuels dénoncés à la Maison des associations de Strasbourg (MDAS) et à notre sidération face à l’absence de considération des victimes par leur employeur.

En raison des liens qu’entretient la Ville de Strasbourg avec la Maison des associations, nous ne pouvons que déplorer votre silence, celui des élus et l’absence de tout soutien vis à vis des victimes. Pourquoi un tel silence quand nous savons toutes et tous que les discriminations vis à vis des femmes demeurent structurelles et quotidiennes, y compris dans la représentation politique à Strasbourg ?

« Les actes de vos adjoints vous positionnent »

Ce silence est d’autant plus assourdissant que le président de la MDAS, Mathieu Cahn, est aussi votre adjoint à la vie associative et dispose d’une délégation sur les questions de discriminations. Vos actes et ceux de vos adjoints vous positionnent publiquement et politiquement.

Le collectif Entendre, Croire, Agir dénonce ce mutisme et le message qu’il envoie aux citoyennes et citoyens : « Agresseurs, la voie est libre : vous pourrez compter sur nous, élus strasbourgeois, pour minimiser les faits. A moins que vous n’alliez jusqu’à parler à la presse, ce qui est le seul moyen de réveiller notre sens des responsabilités. »

Le silence est complice – Photo prise lors d’un rassemblement suite à des propos sexistes de Donald Trump en février 2017 (Photo Alisdare Hickson / Flickr / cc)

Cela envoie le signal que le harcèlement sexuel et le sexisme ne sont pas graves, que les victimes ne souffrent pas, que leur parole n’a pas à être entendue ni considérée.

Lorsque le président de la MDAS, Mathieu Cahn, affirme que les salariées ont « mal perçu des propos ponctuels inadaptés » (article du 29 mars 2019 publié par Rue89 Strasbourg), il se place dans le camp de ceux qui rendent insignifiantes les paroles des femmes. Il explique aux victimes comment elles auraient dû nommer le problème, qui, à l’entendre, n’en a jamais été un. Il se permet ainsi de réécrire l’histoire et fait passer une situation pour une autre. Surtout, ce sont la solidarité et l’impunité masculines qui s’expriment ici de manière forte.

« Toutes ces stratégies protègent les agresseurs »

Toutes ces stratégies visent à protéger les agresseurs et permettent aussi de garantir à d’autres potentiels agresseurs d’être protégés par ceux qu’ils ont eux-mêmes protégés… Ce sont les mêmes stratégies qui étaient utilisées au sein du boy’s club « la ligue du LOL » et dont une partie des responsables a été sanctionnée par leur employeur respectif.

L’ensemble de ces comportements est révélateur d’un environnement qui autorise les hommes à agresser. Le sexisme n’existe que parce qu’une série d’actes individuels sont posés, il va de ladite blague sexiste jusqu’au viol ou au féminicide. Il est de notre responsabilité de refuser collectivement cette situation et toutes les autres situations de violences sexistes et sexuelles qui s’exercent quotidiennement à Strasbourg et il est de votre responsabilité de sortir de votre silence et de rendre compte.

Quitte à nous répéter, nous voulons savoir pourquoi la Ville de Strasbourg n’a démontré absolument aucun soutien aux victimes de harcèlement sexuel ? Nous voulons savoir quelles sont les mesures concrètes prises par la Ville pour que ça ne reproduise plus jamais ? Une simple action de communication ne suffira pas. Il s’agit désormais de poser des actes concrets.

« Nous sommes contraintes de parler en notre nom seul »

Nous constatons, par ailleurs, que Mathieu Cahn, président de la MDAS, cumule de nombreuses autres attributions. En tant que votre adjoint en charge de la vie associative, il est largement décisionnaire des attributions de subventions aux associations. Aujourd’hui, et c’est notamment le cas de la grande majorité des membres de Entendre, Croire, Agir, il n’est plus possible aux Strasbourgeoises et Strasbourgeois de dénoncer certaines politiques publiques locales au nom des structures associatives, espace de démocratie essentiel s’il en est, dont elles ou ils sont membres.

Nous sommes contraintes et contraints de porter nos revendications en tant que citoyennes et citoyens, de peur que notre association se fasse couper les vivres. Nous sommes légitimement en droit de nous poser la question de la posture de la Ville et de ses élus dans ses relations aux associations.

Disposant en outre d’une délégation aux discriminations, nous nous interrogeons sur les moyens réels que se donne Strasbourg pour lutter contre les discriminations : pourquoi la mission Droits des femmes et égalité de genre n’a pas réagi ? A-t-elle réellement les moyens politiques et financiers d’agir ?

Pour démontrer la volonté de la Ville de lutter réellement contre le harcèlement sexuel au travail et la fin du sexisme, le collectif demande :

  • Que vous retiriez – à minima – ses délégations d’adjoint à la discrimination et aux associations à Mathieu Cahn, qui, par son attitude, s’est montré très en deçà de ce qu’on est en droit
    d’attendre d’un adjoint au Maire,
  • La mise à disposition gratuite d’une salle une fois par mois de 18h30 à 21h30 pour des réunions féministes autogérées et animées par le collectif Entendre, Croire, Agir et les associations féministes de Strasbourg,
  • Que vous rappeliez par des affichages sur le périmètre eurométropolitain que le harcèlement et le sexisme sont interdits,
  • Que vous vous engagiez dans une réelle égalité professionnelle dans l’administration municipale, qui est censée montrer l’exemple et que vous continuiez à former les agentes et les agents de la Ville,
  • Que vous donniez de réels signes de prise en compte de la parole des victimes lorsqu’elles parlent et dénoncent.

Soyez assuré, Monsieur le Maire, de notre détermination. Nous ne protégerons plus les agresseurs par un silence pudique. Nous les exposerons et ferons du bruit. Nous les afficherons et ne les lâcherons pas.

Le Collectif Entendre, Croire, Agir


#Harcèlement

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