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Stages annulés ou décalés : les effets collatéraux du covid pour les étudiants

Pour certains étudiants, le stage est obligatoire afin de valider leur diplôme. Pourtant, les mesures de restrictions sanitaires compliquent les recherches de ces jeunes strasbourgeois qui peinent à décrocher la clé de leur entrée dans le monde professionnel.

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Stages annulés ou décalés : les effets collatéraux du covid pour les étudiants

Au mois de février, 5 000 étudiants de l’Université de Strasbourg étaient toujours en recherche de stages, selon Bernard Lickel, directeur d’Espace Avenir, service d’orientation et d’insertion professionnelle de l’Université de Strasbourg. D’après lui, plusieurs filières sont particulièrement touchées par les mesures de restrictions sanitaires comme l’art, le tourisme, le sport mais aussi les langues :

« Nous avons mis en place plusieurs dispositifs pour aider les étudiants dès le mois de janvier. Le réseau Alumni de l’université, qui regroupe les anciens élèves, a été alerté. Le MEDEF Alsace a mobilisé les entreprises, alors que l’Université de Strasbourg et l’Eurométropole ont ouvert de nouveaux stages aux étudiants. Il reste cependant des secteurs sinistrés où il est difficile de trouver un stage. »

À Sciences Po Strasbourg, une trentaine d’étudiants sur 300 n’ont pas encore réussi à trouver le stage qui leur permettra de valider leur dernière année scolaire. « On a signé moins de conventions cette année que les années précédentes, » raconte Marie Cueney, gestionnaire des conventions de stages. Selon elle, 517 conventions auraient été signées durant l’année scolaire 2019-2020, toutes promotions confondues, contre 400 conventions sur l’année scolaire 2020-2021.

Comme les autres étudiants, Hugo, Perrine Desmartin, Sarah Dupont et Emma Elleboudt font face à de nombreuses difficultés depuis le mois de septembre pour trouver le stage qui leur permettra de valider leur diplôme et de rentrer sur le marché du travail.

Hugo : deux stages annulés à cause des mesures de restrictions sanitaires

« Je n’ai rien à faire de mes journées et je n’ai pas de motifs pour me lever le matin. Je n’ai plus de cours depuis le 15 février et je n’ai trouvé aucun stage, » s’attriste Hugo, étudiant en deuxième année de master en relations internationales à Sciences Po Strasbourg. Le jeune homme de 24 ans voudrait travailler dans le domaine de la sécurité et de la défense internationales. Dès le mois d’octobre, il avait pourtant obtenu une réponse positive du Ministère des Armées qu’il devait rejoindre en mars :

« Je savais qu’il serait compliqué de trouver un stage avec les restrictions sanitaires et le risque d’être reconfiné. Quand le Ministère des Armées a accepté ma candidature, j’étais l’un des premiers de ma classe à décrocher un stage ! Pourtant deux semaines plus tard, à cause du second confinement, il a été annulé. Le ministère des Armées ne pouvait pas prendre le risque de voir son équipe contaminée par la Covid-19. Le télétravail était aussi impossible comme je devais avoir connaissance d’informations sensibles et protégées. »

Un scénario qui se répète au mois de janvier alors qu’Hugo trouve une opportunité de stage à Paris, au sein de la société européenne d’armement MBDA. Le jeune homme souriant doit être chargé d’organiser une conférence en présentiel pour le mois de juin, sur l’utilisation des anti-missiles. Mais suite à la mise en place d’une quarantaine obligatoire empêchant les intervenants et les invités de voyager en France, la conférence est repoussée… « L’entreprise MBDA n’a finalement pas confirmé ce stage, » confie l’étudiant, déçu.

Hugo, étudiant en relations internationales à Sciences Po Strasbourg, n’a pas trouvé de stage et doit réaliser un mémoire pour valider son année. Photo : LC / Rue89 Strasbourg

« Je me demande si un jour je vais réussir à intégrer le marché du travail »

Pour valider son année et obtenir son diplôme, Hugo doit pourtant réaliser un stage de trois mois minimum. Aucune de ses candidatures n’ayant abouti à ce jour, le jeune homme a décidé de remplacer son stage par un mémoire d’une centaine de pages. « Ceux qui n’ont pas trouvé de stage cette année se sont dirigés vers le mémoire », explique Hugo. Une solution qui ne ravit pas totalement l’étudiant :

« Je voulais mettre en pratique ce que j’avais appris à Sciences Po. Pour moi c’était un aboutissement. Là, j’ai l’impression que mon parcours scolaire n’est toujours pas fini. J’ai commencé mon mémoire mais je continue à regarder les offres de stage du coin de l’œil. Si une opportunité se présente, je la saisirais et j’abandonnerais le mémoire. Cette situation me donne l’impression de travailler pour rien. »

Face à ces échecs, Hugo a remis en cause ses projets pour l’année prochaine. Alors que l’étudiant souhaitait décrocher un emploi à la fin de son année, il a finalement décidé de poursuivre ses études dans le domaine de la défense à travers un master plus professionnalisant :

« Actuellement, je me demande si un jour je vais réussir à intégrer le marché du travail. Au delà du stage, je vois la frilosité des entreprises à embaucher. Ce n’est pas le bon moment pour commencer à chercher un emploi. Je préfère conserver les avantages du statut d’étudiant, comme les repas du Crous et les APL, et ne pas prendre le risque d’être au chômage juste après l’obtention de mon diplôme. »

Perrine Desmartin : « J’ai envoyé une centaine de lettres de motivation »

Perrine Desmartin, étudiante de 21 ans en DUT génie biologique à l’Université de Strasbourg, doit aussi effectuer un stage de 11 semaines pour obtenir son diplôme universitaire de technologie. Dès le mois de novembre la jeune femme pleine d’énergie a entamé ses recherches pour intégrer un laboratoire de contrôle-qualité au sein d’une entreprise d’agroalimentaire :

« J’ai envoyé une centaine de lettres de motivation et postulé sur les sites internet qui proposent des emplois. J’étais tellement désespérée que je candidatais à des offres de CDD en me disant qu’il y avait peut être une place pour une stagiaire. Au début, j’ai peaufiné les détails de chaque lettre de motivation pour qu’elle corresponde aux attentes des entreprises mais au bout d’une vingtaine de candidatures j’ai arrêté de faire cet effort ».

Ce stage, Perrine Desmartin doit le réaliser entre les mois d’avril et de juin. « On voit le temps s’écouler, l’échéance arriver bientôt, pourtant rien ne se passe et on ne reçoit que des réponses négatives ». Une situation qui a affecté psychologiquement la jeune femme pourtant de nature joviale :

« Je ne suis pas une personne stressée habituellement mais depuis le début de l’année, cette question du stage est omniprésente dans ma tête et m’angoisse. C’est déstabilisant et fatiguant d’être dans le flou total, de ne pas savoir si je vais pouvoir obtenir mon diplôme ni où je serai à partir du mois d’avril. En plus des recherches de stage, il y a les cours en distanciel et la préparation des concours pour les écoles d’ingénieur. C’était trop de travail et de stress d’un coup. J’ai eu besoin de parler à un psychologue en février pour discuter et extérioriser ce stress. »

Perrine Desmartin, étudiante en diplôme universitaire de technologie (DUT) génie biologique, a envoyé une centaine de lettres de motivation avant de trouver un stage. Photo : Perrine Desmartin / Document Remis

À la recherche d’une première expérience professionnelle

Trouver un stage cette année, permettrait à Perrine Desmartin d’avoir une première expérience au sein d’une entreprise d’agroalimentaire. Un secteur professionnel dans lequel elle souhaite travailler après ses études. « C’était un stress supplémentaire car je voulais absolument trouver une bonne entreprise où je pourrais découvrir ce métier et me former auprès de professionnels, » explique la jeune femme. Autre enjeu important pour l’étudiante strasbourgeoise : obtenir un stage qui pourrait déboucher sur une alternance :

« L’année prochaine j’aimerais poursuivre mes études dans une école d’ingénieur ou une licence professionnelle en alternance. Un stage me permettrait de rencontrer des personnes qui pourraient me recommander à d’autres entreprises. Cela faciliterait mes recherches. »

Début février, Perrine Desmartin a finalement trouvé un stage de trois mois grâce à l’aide d’une de ses professeurs. C’est un soulagement pour la jeune femme :

« J’ai informé mes professeurs que j’avais des difficultés à trouver un stage. L’une d’elle m’a transmis les coordonnées d’une ancienne élève qui travaille dans le laboratoire d’analyse microbiologique de BAV Institute à Offenburg, en Allemagne. Cette dernière a transmis ma candidature à la direction de la société. »

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Sarah Dupont : « Je ne sais pas si mon stage sera maintenu »

Dès le mois de novembre, Sarah Dupont a décroché un stage de deux mois dans la rédaction Ouest France du Mans pour l’été 2021. Cette étudiante de 22 ans en première année de master au Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) à Strasbourg explique avoir été aidée par son école : « L’administration est en contact direct avec les rédactions et appuie nos candidatures donc je n’ai pas rencontré de difficultés particulières pour trouver un stage cette année. »

Comme les autres étudiants, Sarah Dupont a peur que son stage soit annulé à cause des mesures de restrictions sanitaires :

« Si les conditions sanitaires s’aggravent et si le confinement est prolongé, je ne sais pas si mon stage, qui doit avoir lieu en juillet et en août, sera maintenu. On a aucune visibilité, c’est stressant. J’ai peur que ça se passe comme l’année dernière et que les rédactions annulent nos stages. »

En janvier, l’étudiante devait effectuer un « pré-stage » chez Ouest France pour apprendre les bases du métier de secrétaire de rédaction, c’est-à-dire la relecture d’articles et la mise en page. En raison des conditions sanitaires, ce dernier a été reporté au mois d’avril. Les nouvelles restrictions sanitaires mises en place par le Président de la République Emmanuel Macron le 31 mars inquiètent la jeune femme : « J’ai peur de recevoir dans deux jours un message m’annonçant que mon pré-stage est annulé. Je ne sais si je pourrai encore le reporter. »

Sarah Dupont, étudiante au Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ), ne pourra pas faire de stage d’observation dans une radio ou une chaîne de télévision cette année. Photo : Sarah Dupont / Documents remis

« C’est une chance en moins de trouver un emploi après mes études. »

Dans le cadre de son cursus, Sarah Dupont aurait pu réaliser d’autres stages d’observation d’une à deux semaines dans une radio ou une chaîne de télévision en janvier ou avril. Une découverte avant de se spécialiser pour la deuxième année. Mais la jeune femme n’a pas essayé d’intégrer une rédaction :

« Je savais par nos professeurs ou nos connaissances que certains médias, comme France 3 ou Radio France à Paris, ne prenaient pas de stagiaires cette année. J’avais conscience que trouver un stage court allait me demander beaucoup de travail. La majorité des étudiants dans ma promotion rencontrent aussi des difficultés à trouver un stage optionnel. Même si certains ont réussi à intégrer une rédaction, les recherches de stages sont compliquées pour tout le monde, contrairement aux années précédentes. »

Toujours dans l’attente du début d’une expérience cette année, et de signer pour la première fois un article dans un grand média, Sarah Dupont s’inquiète aussi pour l’année suivante et l’entrée sur le marché du travail qui approche.

Emma Elleboudt doit agrandir sa zone de recherche pour trouver un stage

« Je dois absolument trouver un stage pour valider mon diplôme mais mon objectif est aussi d’être embauchée à la fin de ce stage, » insiste Emma Elleboudt, étudiante de 23 ans en deuxième année de master à l’Institut de Traducteurs, d’Interprètes et de Relations Internationales (ITIRI). La jeune femme, qui voulait débuter son stage en avril, a cumulé cinq réponses négatives de la part d’agences de traduction en France. L’espagnol étant sa future langue de travail Emma Elleboudt espère plus d’opportunités de l’autre côté des Pyrénées :

« J’ai compris que je ne pourrais pas faire mon stage à Strasbourg et que je dois déménager. Pour le moment, en Espagne il y a moins de mesures de restrictions sanitaires. Mais ce n’est pas encore acquis, la situation sanitaire dans le pays peut changer. »

En Espagne, les restaurants, les bars et les lieux culturels sont, en effet, maintenus ouverts malgré l’existence d’un couvre feu à 22 heures et des restrictions de déplacements entre les différentes régions espagnoles.

Pour la jeune femme, trouver un stage rime avec « prise de tête » . En plus de la rédaction chronophage des lettres de motivation, Emma Elleboudt doit rendre son mémoire avant le mois de mai. « À cause de cette situation je me réveille tôt tous les matins, en pensant directement à mes recherches de stage. C’est très stressant », s’attriste Emma Elleboudt.

Emma Elleboudt, étudiante à l’Institut de Traducteurs, d’Interprètes et de Relations Internationales (ITIRI), cherche un stage en Espagne après avoir reçu plusieurs refus d’agences de traduction françaises (Photo Emma Elleboudt/ Documents remis).

« J’ai l’impression d’être coincée et de ne pas pouvoir entrer dans le monde professionnel »

L’annonce des nouvelles restrictions sanitaires, le 31 mars 2021, a porté un coup au moral de la jeune étudiante :

« J’ai peur qu’il n’y ait plus aucune offre de stages durant les quatre semaines à venir à cause du confinement. Si les entreprises n’ont aucune visibilité, elles ne vont pas embaucher de stagiaires. J’ai l’impression d’être coincée et de ne pas pouvoir entrer dans le monde professionnel alors que j’aimerais mettre en pratique ce que j’ai appris durant ces deux ans d’études ».

Pour le moment, Emma Elleboudt essaie de rester sereine : « J’ai encore du temps pour trouver un stage avant le mois de juillet, donc j’essaie de rester positive et de ne pas me démoraliser. » Selon la jeune femme, la direction de l’ITIRI a aussi demandé à l’administration de l’Université de Strasbourg de prolonger l’année universitaire de 3 mois, soit jusqu’en décembre. Une solution qui permettrait aux étudiants d’avoir plus de temps pour réaliser leur stage.

La jeune femme, habituellement pleine d’entrain, a pourtant peur de ressentir un vide après avoir rendu son mémoire le 20 avril. « Je n’aurai plus de cours et aucun travail scolaire à rendre. Je passerai mes journées à envoyer des CV et à attendre les réponses des entreprises », désespère Emma Elleboudt.


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