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Le luxe de garer sa voiture devant chez soi en débat au conseil municipal

La nouvelle réforme du stationnement et de l’organisation de l’espace dans rues sera le point d’orgue du conseil municipal de rentrée, ce lundi 20 septembre. Un sujet explosif à suivre en direct et avec nos commentaires à partir de 12h30.

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Cette fois-ci, on entre dans le vif du sujet. Comment réorganiser l’espace dans les rues ? Oubliés, les atermoiements de la campagne électorale sur le stationnement gratuit pour aller dans un restaurant qui coûte le triple. Les écologistes s’attaquent aux « voitures ventouses », qui prennent de l’espace, 10 m² par véhicule dans les rues et avenues de la ville pendant de longues durées. Le sujet, un brin idéologique, touche aux habitudes du quotidien, au portefeuille et au cadre de vie. Tous les éléments sont donc réunis pour que le débat dans l’hémicycle (points 5 et 6) tourne au concours de mauvaise foi et d’approximations dont les hommes et femmes politiques ont parfois le secret.

Il faut dire que les délibérations sont encore très vagues. Officiellement, le conseil municipal ne votera qu’une « nouvelle répartition du stationnement », des « concertations, réflexions et études » avec un examen en particulier des quartiers de la Neustadt, de la Montagne Verte et du Neudorf. Dans ce dernier, le stationnement est pour l’instant gratuit. Les nouvelles règles entreraient en vigueur courant 2022.

Mais les écologistes ont aussi annoncé leurs intentions. Il s’agit notamment de réduire les places dans les rues (le stationnement en voirie) pour davantage orienter les résidents vers les parkings « en ouvrage » (souterrains ou en étages) ou les garages personnels, parfois sous-utilisés. Et de « mieux ranger les voitures » pour laisser des places pour les personnes qui viennent de l’extérieur, notamment les professionnels.

S’appuyant sur l’Observatoire du stationnement (le dernier rapport date de 2018), la municipalité constate que les voitures sont immobilisées 96% du temps. Que la majorité des places dans les rues sont désormais occupées par des habitants, ou encore « qu’un tiers des abonnés au stationnement résidant ne déplacent pas leur voiture en journée, car ils se déplacent autrement », selon Pierre Ozenne, adjoint à la maire en charge de l’espace public.

Jusqu’à 75% de l’espace public occupé par les voitures

Jeanne Barseghian esquisse les objectifs de cette politique :

« Nous avons des demandes de plus en plus fortes de trottoir larges, d’espaces de jeux, de végétalisation, de pistes cyclables, d’espaces apaisés et sécurisés. Dans certaines rues, 75% de l’espace public est occupé par les automobiles et le reste aux autres usages. À Strasbourg, ça peut être l’enfer de trouver une place, notamment pour les professionnels. C’est une perte de temps et de la pollution en plus. »

À ce jour, 11 000 ménages sur les 137 000 de la ville bénéficient d’un abonnement de « stationnement résidant ». Limité à une voiture par foyer, il permet de stationner en illimité dans son quartier de résidence si le stationnement y est payant, à condition de trouver une place. On parle souvent de « macaron », même si les voitures n’en arborent plus, et ont leur numéro de plaque enregistré depuis des années. Son prix est de 15 euros par mois. Parmi les leviers pour changer les habitudes, les écologistes comptent augmenter ce tarif. Face aux inquiétudes, Jeanne Barseghian a finalement pris l’engagement que le nouveau tarif n’excédera pas « 30€ par mois ». Le but est de converger avec l’abonnement dans les parkings existants et sous-utilisés. Le parking sous le Musée d’art moderne propose par exemple un tarif à 25€/mois aux habitants de la Petite France (mais pas aux résidents du quartier Laiterie où il est situé). En règle générale, il faut plutôt compter entre 50 et 100 euros par mois pour un abonnement de ce type.

Le stationnement en voirie pour plusieurs jours, un luxe qui va devoir se monnayer plus cher… Photo : Rue89 Strasbourg / cc

En plus de faire converger ces prix, « les personnes qui font un effort peuvent avoir accès à des services en plus : pouvoir se stationner gratuitement en bas de chez soi pendant une heure pour se décharger ou bénéficier d’un abonnement gratuit aux transports en commun », annonce Pierre Ozenne. Quant à Jeanne Barseghian, elle rappelle que « l’autopartage, que l’on veut encore développer, permet d’avoir des places en voirie le jour où on en a besoin. » À moyen terme, des parkings supplémentaires pourraient être construits.

Les Socialistes opposés

Favoriser les parkings en ouvrage pour les longues durées, y développer les abonnements résidents, mieux partager l’espace, améliorer « la rotation » des véhicules pour trouver plus facilement une place en centre-ville… C’était le discours, et les actions, des Socialistes lors du mandat précédent dont deux élues s’occupaient du stationnement à la Ville et à l’Eurométropole. Mais pour cette étape supplémentaire, ils voteront contre. « Cette hausse n’aura aucune répercussion pour ceux qui ont les moyens. On nous rappelle souvent que Strasbourg est une ville pauvre, mais le nouveau tarif aura un impact sur le pouvoir d’achat. La décision impactera les classes moyennes, qui peuvent certes se payer une voiture, mais n’ont pas les moyens de faire autrement », estime Caroline Barrière, ancienne présidente de Parcus. « On nous fait voter sur la ville idéale et soi-disant on la construit derrière, mais les décisions semblent déjà prises, avec notamment une extension du périmètre payant. »

Cheffe de file des Socialistes, Catherine Trautmann estime qu’avant les choses se faisaient autrement : « Il n’y a jamais eu de piétonisation sans plan de circulation. Les flux sont un impensé de cette politique », même si elle accorde un bon point aux écologistes avec les travaux pour le contournement cycliste de la Grande-Île que proposait également sa liste. Ancienne adjointe au stationnement, Pernelle Richardot voit là l’expression du « communautarisme » des écologistes, car cette réforme « oppose les communautés des piétons, des cyclistes et des automobilistes ».

Dans l’opposition de droite, le stationnement est l’un des sujets de prédilection et on ne veut pas rater cette séquence pour mobiliser contre la majorité. Discret depuis le printemps, Jean-Philippe Vetter (LR) prédit la « suppression du stationnement résidant ». Il appelle à une manifestation devant la mairie à 12h place de l’Étoile, une demi-heure avant le début de la séance. Il a lancé sa propre pétition en ligne. L’initiative rappelle celle de son ancien acolyte Thierry Roos contre « le racket du stationnement » lors de la réforme des prix en 2018. Il avait alors déposé solennellement les 6 563 signatures récoltées sur le pupitre du maire Roland Ries. Une mise en scène théâtrale, mais qui n’avait rien changé aux décisions prises. Le nouveau conseiller départemental des quartiers nord de Strasbourg aura-t-il plus d’impact en 2021 ?

Pour le groupe LREM, les arguments et les exemples devraient être sensiblement les mêmes. Pierre Jakubowicz (Agir) juge que « le quotidien des personnes âgées, à mobilité réduite ou des familles sera rendu plus difficile : il faudra désormais marcher depuis les parkings avec ses courses », une situation également décrite dans la pétition de Jean-Philippe Vetter. Les deux hommes voient-là une illustration de ce qu’ils appellent « l’écologie punitive ». « Strasbourg va devenir la capitale de la vie compliquée », redoute Pierre Jakubowicz, adepte des bonnes formules qui ont le don d’agacer les écologistes.

Parmi les 65 points à l’ordre du jour, d’autres devraient amener des débats :

  • L’habituel ajustement du budget 2021 pour la fin d’année. (points 1 à 3)
  • La mise en œuvre d’un deuxième budget participatif, trois ans après celui de 2019. (point 4)
  • Le lancement d’études pour une rénovation d’une grande salle du Palais Rohan. (point 14)
  • Le recrutement de 95 agents à la Ville et l’Eurométropole. (point 25)
  • Le remboursement de frais de garde d’enfants et d’aide aux personnes âgées ou handicapées pour les élus et élues. (point 26)
  • L’avenir de l’Opéra (voir notre article – point 35)
  • Les financements annuels des clubs sportifs professionnels, de la SIG et du Racing (achat de places et d’encarts publicitaires pour un montant cumulé de 732 00 euros – point 46)

Les socialistes « pas dans la majorité », mais prêts à participer « au coup par coup »

Avant le conseil municipal, les élus socialistes ont tenu à préciser leur positionnement vis-à-vis de la majorité, et prendre un peu plus de distance. Les sept élus du groupe se disent avant tout « libres et indépendants », « non-alignés », mais « sans hostilité ».

Catherine Trautmann constate :

« Nous n’avons pas d’accord politique de fond, comme c’était le cas lors des fusions d’entre-deux tours aux municipales, l’intergroupe ne se réunit plus depuis mars et nous ne sommes pas dans la majorité de Pia Imbs à l’Eurométropole. Il y a donc un exécutif à deux vitesses qui nous pose problème, car nous ne sommes pas inclus systématiquement. »

Dans l’exécutif, les Socialistes ont pourtant une adjointe au numérique et à la citoyenneté européenne, Céline Geissmann, et deux présidents de sociétés d’économie mixte (Salah Koussa à Ophéa et Serge Oehler à la Samins). « Il n’y a plus de réunion d’adjoints, mais des réunions de l’exécutif qui impliquent les 47 élus écologistes puisqu’ils ont tous une délégation contre seulement deux de nos élus », déplore Catherine Trautmann. Céline Geissmann prend justement l’exemple de cette instance pour en montrer ses limites : « Nous n’y avons pas eu de discussion sur la politique de stationnement ».

Catherine Trautmann et Jeanne Barseghian, trouvent peu de terrains d’entente. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

« Historiquement, les écologistes étaient pleinement associés à la majorité et ça ne les empêchaient pas de voter contre certains points », compare Serge Oehler. Un constat juste, à la différence que les Socialistes concentrent leurs interventions sur leurs critiques et très peu la défense des politiques qu’ils soutiennent. Au-delà des désaccords de fond, leurs attaques portent aussi sur l’identité de leurs anciens alliés, ce que ne faisaient pas les écologistes. Un des éléments de langage habituel est que la politique écologiste est « anti-sociale. »

Catherine Trautmann estime donc que les Socialistes doivent désormais participer « au coup par coup » et « politique par politique ». « On ne peut pas voir les choses de manière binaire, être dedans ou en dehors de la majorité, » résume-t-elle. Elle compte notamment participer aux réflexions à venir sur le financement des cultes. Un pied dehors, un pied dedans, telle est la difficile et inédite ligne de crête que comptent maintenir les Socialistes. Une manière aussi de ne pas être assimilé à l’opposition LR et LREM, et de tomber dans l’indifférence.

À suivre en direct à partir de 12h30 !


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