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À Strasbourg, le collectif « Ma Voix » recherche activement son député

Le collectif « Ma Voix » prône la démocratie directe et tire au sort ses candidats aux élections législatives. À Strasbourg, le collectif présentera un candidat sur la première circonscription mais il peine encore à se faire une place dans le paysage politique malgré une présence remarquée lors de l’élection législative partielle de l’an dernier.

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À Strasbourg, le collectif « Ma Voix » recherche activement son député

En juin 2016, l’élection législative partielle sur la première circonscription de Strasbourg a vu la première action publique du collectif « Ma Voix », avec la présentation devant les électeurs de la première circonscription du Bas-Rhin de son premier candidat : Daniel Gerber. Il avait obtenu 4,25% des suffrages, tout de même.

Initié il y a deux ans, le collectif garde le même objectif : « remettre de la démocratie dans la démocratie ». L’idée est d’envoyer des citoyens tirés au sort à l’Assemblée Nationale, des porte-voix au sens premier, qui voteront en fonction des débats menés sur la plate-forme de « Ma Voix » et les choix votés par les utilisateurs. À Strasbourg, c’est toujours sur la première circonscription que le collectif présentera un candidat. Le 18 avril, « Ma Voix » tenait une réunion publique au restaurant Villa Bianca, pour mobiliser ses adhérents et susciter des vocations. 

Des députés tirés au sort

Loic Blondiaux, vice-président de l’association Démocratie ouverte et politologue spécialisé dans l’étude de la démocratie participative, considère que ce qu’il y a de plus intéressant dans l’initiative de « Ma Voix », c’est le fait qu’elle se revendique comme expérimentale :

« Ce collectif remet en cause les formes classiques de démocratie participative et réhabilite l’idée de mandat impératif, c’est à dire que les représentants sont censés suivre les consignes de ceux qui les élisent… Ça remet complètement en cause le concept de programme, le seul engagement que peuvent avoir des députés Ma Voix est celui de suivre l’opinion des citoyens. De ce fait, la représentation devient un reflet des tendances de l’opinion publique. »

Le collectif est déjà présent sur les marchés strasbourgeois pour faire campagne (photo « Ma Voix » Strasbourg)

19 Alsaciens sur 500 candidats

Sur les quelques 500 citoyens s’étant présentés pour devenir député « Ma Voix », 19 habitent en Alsace. Le tirage au sort sera opéré le 6 mai à Paris et toutes les candidatures sont centralisées. Car le tirage au sort ne se fera pas à l’échelle locale mais nationale avec comme condition que le candidat… ne soit pas issu de la circonscription dans laquelle il se présente.

Bernard, chargé de mission pour une grande entreprise et militant du collectif depuis le début, explique que cela éviterait que des intérêts privés n’interfèrent, une alternative au clientélisme.

Cependant, il reste un détail à éclaircir pour les militants, leur candidat doit-il être uniquement étranger à la circonscription ou aussi au département voir à la région ? Selon Véronique, journaliste et militante du collectif, la logique voudrait que pour éviter toute sorte de pressions, le candidat ne soit même pas de la région où il se présente. « En Alsace tout le monde se connaît, c’est une petite région », explique t-elle.

Hélène, graphiste strasbourgeoise et nouvelle arrivée dans le collectif, renchérit en expliquant que ne pas être de la région permet surtout de rester anonyme, ce qui permet d’éviter au mieux la personnalisation de la politique.

Sur les sept personnes présentes à la réunion publique, seul une est en désaccord et estime qu’un député doit habiter sa circonscription. Bernard clôt le débat, il fera part de ces questionnements lors de la prochaine conférence téléphonique nationale.

« Un débat politique national »

Bien que cette démarche amoindrisse encore plus les chances du collectif de gagner des sièges à l’Assemblée Nationale, c’est un choix politique cohérent selon Loic Blondiaux:

« Ce besoin de détacher les candidats d’un territoire est conforme avec le projet politique de Ma Voix qui cherche à établir un débat politique national. Finalement, ça respecte ce qui est dit dans le droit français : les députés sont les représentants de la nation toute entière. »

Daniel Gerber, au premier plan, candidat du collectif pour la législative partielle promet ne pas se re-présenter au tirage au sort. (Photo KZ/ Rue89 Strasbourg)

Un collectif national et centralisé

Dans la vie du collectif national, une voix se fait cependant plus entendre que les autres : c’est celle de Quitterie de Villepin. Militante off et on-line, « Quitterie » comme l’appellent affectueusement les membres du collectif est connue de tous. Après s’être engagée au Modem en tant que directrice de la stratégie digitale de François Bayrou lors des élections de 2007, la jeune femme a quitté le parti du centre. Elle est aujourd’hui très impliquée dans « Ma voix » au point même de s’être mise en disponibilité professionnelle d’octobre 2014 à juin afin de s’impliquer totalement dans le collectif.

Sa grande présence, frôlant cette personnalisation que le collectif craint tant, s’explique selon Bernard seulement par le fait qu’elle est une des instigatrices du mouvement. Au delà du risque de personnalisation, le collectif est aussi très centralisé. Des réunions téléphoniques presque tous les jours, de nombreux événements nationaux, une communication unifiée sur tout le territoire : « Ma voix » n’est pas un ensemble d’initiatives locales mais une initiative nationale se déclinant sur le territoire de manière assez homogène. Un choix assumé par le collectif qui affirme n’être intéressé que par l’Assemblée Nationale « où se font et se défont les lois, le seul réel lieu de pouvoir. »

Et la présidentielle ?

« L’élection présidentielle nous enferme dans une sorte de piège. La présidentialisation de la Vème République est une catastrophe pour la démocratie, elle infantilise les citoyens » explique le collectif sur son site. Une position partagée par les membres de « Ma Voix » à Strasbourg pour qui l’élection présidentielle n’est qu’un show télévisé pour une élection moins importante que les législatives.

Véronique, kinésithérapeute strasbourgeoise et membre du mouvement depuis l’an dernier, considère que la présidentielle est « une élection lointaine où on vote pour des personnes et non pour des idées. »

L’affiche de l’an dernier reflétant le quidam devrait rester la même pour les législatives de Juin. (photo JFG/ Rue89 Strasbourg)

Une mobilisation difficile

Vendredi 14 avril, il est 14h14 et seul une poignée de militants répondent présents à l’appel du collectif « Ma Voix » à se rendre sur la place de la République à Strasbourg pour un événement ludique appelé « Lapin scrutin », en somme une opération de communication plus qu’un réel rassemblement.

Quelques jours plus tard, le 18 avril, seulement 7 personnes sont autour de la table pour la réunion publique du collectif. Malgré le fait que, localement « Ma Voix » revendique une vingtaine de militants actifs et à peu près 200 sympathisants, l’agitation due à la nouveauté de l’initiative semble s’être vite calmée à Strasbourg.

Nationalement aussi, malgré des efforts considérables de communication et une structuration toujours plus poussée, le collectif ne présentera que 42 candidats lors des élections législatives en juin, sur les 577 circonscriptions que compte la France. On est encore loin de la vague jaune qu’ils imaginaient l’an dernier. Mais les membres du collectif l’assurent : ils sont toujours déterminés à « hacker l’Assemblée Nationale. »


#législatives 2017

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