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Tribune : « Il s’appelait Aylan et venait de Kobané… »

Adjointe au maire de Strasbourg en charge des affaires internationales, Nawel Rafik Elmrini revient sur l’engagement de la Ville en faveur des réfugiés. Et pour elle, Strasbourg doit se montrer à la hauteur de son statut de capitale européenne.

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Tribune : « Il s’appelait Aylan et venait de Kobané… »

Pour Nawel Rafik Elmrini, Strasbourg doit montrer qu'elle est à la hauteur de son statut de capitale européenne (Photo Jérôme Dorkel / Eurométropole)
Pour Nawel Rafik Elmrini, Strasbourg doit montrer qu’elle est à la hauteur de son statut de capitale européenne (Photo Jérôme Dorkel / Eurométropole)

TribuneIl venait de Kobané, l’enfant allongé sur la plage, petit corps brisé que les vagues, avec la douceur réservée aux martyrs, avaient ramené sur la terre ferme, vers nous qui ne l’attendions pas. Parmi tous les enfants anonymes qui dorment au fond de la mer, celui-ci nous aura donc été rendu, comme un remords.

Et il aura un nom: Aylan. Pour mémoire. Et nous l’avons vu : semblable à un enfant dormant paisiblement sur une plage déserte, bercé par les vagues de la mer Egée. Cette mer si douce aux vacanciers.

Et l’effroi nous a saisis à cette vue.

Un homme a saisi l’enfant dans ses bras, avec douceur, les jambes de l’enfant pendaient, inertes, et nous l’avons imaginé un court instant, vivant, courant comme tous les enfants du monde.

Et l’indignation nous a saisis.

Il venait de Kobané, la ville martyre, encerclée par les hordes armées de Daesh.

« Devant le désastre humain, nous assistons impuissants »

Strasbourg avait alors lancé un appel à la solidarité auprès des villes françaises du réseau de Cités Unis France et exprimé ainsi son soutien à une population terrorisée, impuissante, prête à l’exil.

Ils ont été nombreux à fuir. Et nombreux, trop nombreux, à mourir à nos portes, toutes ces populations de ces villes d’Irak et de Syrie menacées par les hordes déchaînées de Daesh et de Bachar El Assad. Leur mort n’aura été longtemps qu’une suite d’images obstinément tressées devant nos yeux décidément aveugles.

Devant le désastre humain auquel nous assistons depuis trop longtemps en spectateurs impuissants, le chef de l’Etat secouant la longue léthargie de la communauté internationale, lance aujourd’hui un appel incitant à accueillir les réfugiés, tandis que des villes se mobilisent afin de constituer un réseau de villes solidaires.

Ainsi en sera-t-il de Strasbourg, siège du Conseil de l’Europe et du Parlement Européen, appelée en tant que capitale européenne des droits de l’Homme à conforter de façon exemplaire la place qu’elle occupe en Europe et dans le monde.

Tributaire donc de la responsabilité qui lui est faite de porter haut et fièrement le drapeau de l’universalité des droits de l’homme, ces valeurs qui fondent le devoir de solidarité entre les peuples.

Notre ville a, depuis longtemps, rayonné comme un symbole. Celui d’un humanisme singulier vers lequel ont convergé les peuples les plus divers, avides de savoirs et de cet esprit d’ouverture que ses universités prestigieuses dispensaient si généreusement.

« N’avons nous pas entendu les récits de nos anciens ? »

Ainsi, que notre indignation nous incite à garder les yeux ouverts sur les malheurs et injustices de ce monde.

L’enfant de Kobané est mort devant nos yeux et il nous sera impossible désormais de les refermer. Nous, citoyens de Strasbourg n’avons nous pas entendu les récits de nos anciens, contraints à l’exode ?

1939, année de l’évacuation de Strasbourg, année terrible.

1940, un pays tout entier sur les routes de l’exil: femmes, enfants, vieillards. Et les morts, dans les fossés, mitraillés sans pitié. Là aussi des enfants morts près des corps criblés de balles de leurs parents.

1945, les réfugiés européens, par millions, plus tard, d’autres encore tentant de franchir le rideau de fer pour retrouver une Europe libre, l’Europe des libertés. Ces mots qui résonnaient alors dans le monde entier comme un exemple, un espoir.

Aujourd’hui l’Union Européenne et l’ONU exigent des quotas. Plus qu’un simple vœu pieux, c’est l’évidence d’une urgence absolue d’instaurer une répartition équitable en Europe, dans l’accueil de ces populations en danger de mort.

Strasbourg sera, n’en doutons pas, la ville qui répondra avec générosité à cet appel.

Nawel Rafik Elmrini
Adjointe au maire de Strasbourg, en charge des affaires internationales


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