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Comment des Strasbourgeois se retrouvent en vrai via un réseau social vintage

Laurent, Christine, Michel et les autres utilisateurs d’OnVaSortir.com ont décidé de changer leur quotidien, façon 2.0. Ce site de « rencontres amicales » connecte ses membres en ligne et les fait se rencontrer autour d’activités qu’ils organisent eux-mêmes. Et ça marche.

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Comment des Strasbourgeois se retrouvent en vrai via un réseau social vintage

Première course pour Laurent et Nicole qui viennent de se rencontrer. (Photo: Anaïs Engler)
Première course pour Laurent et Nicole qui viennent de se rencontrer (Photo Anaïs Engler / Rue89 Strasbourg)

Mercredi, 10 heures au parc de l’Orangerie à Strasbourg, Laurent, 38 ans et sportif confirmé, attend sa partenaire de jogging dans le froid d’un matin de février. Tout à coup, Nicole, 51 ans, arrive en courant. « C’est vous Laurent ? » Ces deux personnes ne se connaissaient pas, elles se sont rencontrées sur OnVaSortir.com ou « OVS », un site de « rencontres amicales ». Disponible depuis 2007 à Strasbourg, le site revendique 24 500 membres actifs dans l’Eurométropole.

La page d'accueil du site OnVaSortir.com. (Capture d'écran)
La page d’accueil du site OnVaSortir.com (Capture d’écran)

Un réseau social décontracté

OVS est un réseau social, comme Facebook, mais centré sur une communauté géographique. Orange et violet, le site internet a l’allure des anciens forums avec ses émoticônes animées. Une fois inscrit, l’utilisateur dispose d’un profil sur lequel il peut ajouter une photo, ses informations personnelles (âge, situation familiale, centres d’intérêts…) et ses coordonnées.

Les OVSiens (prononcez « Ovésiens ») peuvent publier des photos de leurs sorties, commenter les événements, écrire un mot pour l’anniversaire d’un autre membre et avoir une liste d’amis. Sur le site, les utilisateurs créent aussi des forums de discussions thématiques, parmi lesquels on trouve la liste des bars de Strasbourg et un débat sur le machisme.

L’ambiance sur le site est plutôt décontractée, à la différence des sites de rencontres amoureuses. Les utilisateurs se choisissent des pseudonymes comme « Cuicui », « Boothby67 », « KiSScool » ou « Montagnard67 » qui rappellent les débuts d’internet et l’époque des Skyblogs. Il est aussi possible de se décrire en une phrase, de choisir sa « couleur du jour » et sa « vidéo du moment ».

Laurent, « OVSien » depuis cinq ans, explique que ce site lui permet de vaincre sa timidité et d’aller vers les autres. Il était sur Badoo, un site de rencontres amoureuses, avant de s’inscrire sur OVS :

« Au moins avec OVS, c’est du concret, on rencontre des gens et on sort de chez soi. Parfois, on peut aussi rencontrer la bonne personne… »

Une rapide recherche sur le site permet de trouver 33 sorties organisées par 32 organisateurs différents, pour le jeudi 25 février. Pêle-mêle, les membres proposent de jouer au tarot, de se retrouver pour manger un plat du jour à l’ESAT de Schiltigheim (Etablissements et Services d’Aide par le Travail), de boire un whisky au Wawa, Music & Food, d’aller voir « The Danish Girl » au cinéma ou de danser le bachata.

« Pratiquer du sport avec un groupe de personnes »

Il y a deux ans, c’est lors d’une sortie OVS qu’il a rencontré son actuelle compagne. Depuis, ils continuent d’utiliser le site et participent à des activités proposées sur OVS, ensemble. Mais, assure le site, OVS n’est pas un site de rencontres. Un positionnement qui encourage les utilisateurs qui ne sont pas à la recherche d’un partenaire à s’inscrire, même si évidemment, les nouvelles relations peuvent toujours évoluer.

Maryline, 55 ans, est inscrite depuis trois ans et ne publie aucune photo ni aucune autre donnée personnelle. Elle veut garder une certaine intimité et se désole de cette double fonction :

« Je suis très heureuse dans ma vie sentimentale et je ne souhaite pas en changer. J’apprécie OVS car cela me permet surtout de pratiquer du sport avec un groupe de personnes plutôt que seule. Mais cela devient de plus en plus un site de rencontres… »

Nicole, la nouvelle amie de Laurent, est inscrite depuis plus d’un an et profite de ses vacances pour participer à quelques activités. Le contact semble bien passer entre les deux inconnus, qui s’en vont au pas de course autour du parc de l’Orangerie.

Michel, Mireille, Christian et Christine se sont rencontrés sur OVS et viennent prendre un pot au café Raven. (Photo: Anaïs Engler)
Michel, Mireille, Christian et Christine se sont rencontrés sur OVS et viennent prendre un pot au café Raven (Photo Anaïs Engler / Rue89 Strasbourg)

Christine, « membre d’or », organise sa vie sur OVS

Même motivation pour Christine qui organise et participe à plusieurs sorties par semaine en plus de son travail. Femme active de 55 ans et « organisatrice de père en fille », elle retrouve ses amis d’OVS au café Raven pour prendre un pot à 16 heures, un après-midi d’hiver :

« C’était une collègue qui me voyait souvent seule après mon divorce, elle a beaucoup insisté pour que je m’inscrive et que je rencontre du monde. Un jour je me suis dit “allez pourquoi pas” et j’ai tenté. C’était il y a quatre ans. »

Depuis, Christine a gravi les échelons du site internet, elle est maintenant « membre d’or », un Graal que seule une dizaine de participants strasbourgeois ont obtenu. Réservé aux utilisateurs les plus actifs, ce statut confère des privilèges, comme celui de bénéficier des fonctions réservées aux « abonnés premium » gratuitement. Car bien que OnVaSortir.com soit un site gratuit, une version premium à 35 euros par mois permet d’envoyer des messages privés et d’ajouter quelques options à son compte.

Le téléphone prend le relais

Mais peu d’utilisateurs s’abonnent. Mireille, 46 ans, trouve inutile de payer pour un service de messagerie supplémentaire. Quand ils se rencontrent lors d’une sortie en montagne ou d’une soirée en ville, si le courant passe bien, les OVSiens préfèrent échanger directement leur numéro de téléphone privé pour se recontacter, comme avec des amis « normaux », précise Mireille.

Elle fait la différence entre OVS et sa vie « privée », celle en dehors des amis rencontrés sur le site internet :

« Parfois on a envie de faire des activités qu’avec ses amis, ses amis proches, pour pouvoir parler de choses privées qu’on a pas forcément envie d’aborder lors d’une première rencontre. »

Pour Christine, les membres d’OVS ne remplacent pas non plus ses amis. Ils s’y ajoutent. Et si le « feeling » est bon, les amis d’OVS deviennent des amis tout court :

« Quand j’organise des événements chez moi par exemple, je préfère inviter des gens de confiance, des amis. J’ai pas envie que des inconnus débarquent dans ma maison. »

D’autres font plus naturellement confiance. Mireille et Christian par exemple ont passé le nouvel an chez une amie d’OVS, qui avait proposé sa soirée chez elle en événement public sur le site, donc ouverte à tous.

Mireille et Christian, tous deux la quarantaine, se sont inscrits sur OVS pour échapper à la routine du couple :

« La semaine dernière nous avons assisté à une conférence sur la maladie de Crohn qui avait lieu à l’Université, sur le campus de l’Esplanade. Sans OVS et l’invitation de l’organisateur de cette sortie, on ne l’aurait jamais su et on n’y serait jamais allé. »

Des touristes utilisent OVS pour visiter Strasbourg

Pour les utilisateurs qui viennent de s’installer à Strasbourg, OVS est un moyen de découvrir la ville et ses habitants comme Pascale, 45 ans, qui dans la description de son profil, écrit :

« Je viens d’arriver à Strasbourg pour une formation d’un an. J’ai envie de faire des rencontres et de connaître la ville. J’aimerais aller au cinéma, au bowling et visiter Strasbourg. »

Pour les voyageurs de passage, OVS est une nouvelle source d’informations touristiques sur Strasbourg, comme Expedia ou TripAdvisor. Les internautes y trouvent des idées de sorties originales. Christine a endossé plusieurs fois le rôle de guide pour des touristes. Venus de Lille ou de Paris, ils avaient envie de découvrir le marché de Noël autrement et se sont inscrits à une sortie OVS proposée par Christine.

Les professionnels prêts à utiliser le site, pas forcément à payer

Les professionnels doivent payer le site pour promouvoir leurs événements, qui sont mentionnés en vert. Ce sont les seuls autorisés à proposer des activités payantes. En 2009, OVS indiquait que ces annonces représentaient 50% de son chiffre d’affaires, l’autre moitié provenant des publicités. Mais des organisateurs d’événements professionnels, inscrits en tant que particuliers, se servent aussi d’OVS comme relais de publicité.

Christine, elle, passe jusqu’à deux heures chaque soir sur le web pour trouver des idées de sorties à proposer sur OVS :

« Je cherche surtout dans les pages pratiques des journaux locaux, sur les magazines en ligne de Strasbourg et alentours. Je cherche jusqu’à trouver des idées qui donnent envie de s’inscrire. Parfois j’en oublie même de cuisiner le repas. »

Michel, organisateur de nombreux événements sur la plateforme OVS, avoue que parfois l’organisation peut s’avérer délicate et l’expérience décevante, il précise :

« Les gens confirment sur le site mais ensuite décommandent à la dernière minute ou ne viennent pas. Quand c’est une soirée au bar, ce n’est pas un problème, mais quand vous avez réservé dans un restaurant, c’est plus embêtant. »

Il est aussi déjà arrivé à Christine de se retrouver seule à une « pause café » alors que des membres avaient confirmé leur présence sur le site. Ou bien que la sortie ne corresponde pas aux attentes :

« La semaine dernière, j’ai proposé une sortie dans une galerie d’art, mais nous en sommes tous ressortis déçus. L’exposition était toute petite, beaucoup moins intéressante que ce que j’en avais lu et les horaires d’ouverture que j’avais vu en ligne n’étaient pas les bons. Pour moi, c’était un échec, car j’aime faire plaisir aux gens avec mes sorties et là, c’était raté. »

Carton vert pour les présents, rouge pour les absents

Après chaque événement, les organisateurs dressent un compte-rendu et pointent les participants : un carton vert pour les présents et un rouge pour les absents. Ces marques s’affichent ensuite sur les profils personnels des membres. Au café Raven, une inscrite à l’événement a beaucoup de retard. Michel prend son téléphone et consulte le profil de la retardataire en ligne :

« Elle a deux cartons rouge déjà, elle, on sait qu’elle n’est pas très fiable, elle ne viendra pas. »

Pour Christine, OVS est aussi un moyen d’ajouter des amis à ses activités quotidiennes. Sportive et nageuse, elle se rend à la piscine tous les samedis matins, accompagnée ou pas :

« À chaque fois, après la piscine, je prends un petit-déjeuner dans un café avant de rentrer chez moi. Un jour, je me suis dit pourquoi ne pas en faire une sortie OVS ? Peut-être que si quelqu’un est dans le coin pour faire son marché, elle aura envie de s’arrêter en chemin. »

Facebook perçu comme trop invasif

Christine n’est pas inscrite sur Facebook et n’en voit pas l’intérêt, OVS lui prend déjà tout son temps. Mireille était déjà inscrite sur AmieZ, un autre site de rencontres amicales, et affirme qu’ OVS est plus intéressant :

« Il y plus de monde et les activités sont plus variées. AmieZ c’est pour un public plutôt « quinqua » alors que sur OVS, il y a de tous les âges et pour tous les goûts. »

Elle est aussi sur Facebook, comme Michel, mais selon eux, les usages ne sont pas les mêmes. Facebook, qui réclame de s’inscrire avec son nom complet, est perçu comme trop invasif, trop curieux. Mais surtout, le site n’est pas conçu autour des sorties.

Le concept OVS fait des émules. Les jeunes entrepreneurs de Who’s in, une application bientôt disponible sur IOS et Android, développent la même idée qu’OVS mais avec un design et des fonctionnalités plus adaptés au jeune public. Partant du constat que seul « la rencontre à visée sentimentale est promue sur les plateformes mobiles », ils veulent eux aussi « rétablir des relations sincères, amicales et non virtuelles ».


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