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Les taxis menacent de bloquer des établissements partenaires d’Uber

Entre les taxis et Uber, une guerre sourde se déroule à Strasbourg. Après avoir fait annuler une conférence d’un dirigeant d’Uber, les taxis ont menacé de bloquer l’accès à des établissements qui proposaient une promotion du service de transport. En ville, ils intimident les chauffeurs d’Uber, relèvent leurs immatriculations et prévoient de porter plainte contre eux.

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La guerre entre Uber et les taxis fait rage à Strasbourg (-)

La guerre entre Uber et les taxis fait rage à Strasbourg (-)
La guerre entre Uber et les taxis fait rage à Strasbourg.

Uber ou taxis ? À Strasbourg, c’est la guerre et les élus et les forces vives sont sommées de choisir leur camp. Ainsi en octobre, Michel Blanck, organisateur du salon i-Novia, ne pensait pas qu’en invitant un dirigeant d’Uber pour une conférence, il mettrait en péril sa manifestation et ses relations ! Et pourtant, dès que la venue d’Uber a été connue, il a reçu un appel de la police : les artisans-taxi, qui accusent Uber de concurrence déloyale, avaient illico déposé un avis de manifestation à la préfecture, prévoyant de bloquer les accès au salon.

Devant l’éventualité d’une annulation générale, Michel Blanck recule et demande à Uber de bien vouloir annuler sa venue. La start-up mondiale spécialisée dans le transport accepte et se contentera finalement d’une petite soirée chez Curieux, lieu tenu secret jusqu’au dernier moment, pour officialiser son déploiement à Strasbourg (voir la vidéo ci-dessous).

Les élus priés de se positionner

Mais les taxis ne s’arrêtent pas là : ils font suivre à des élus, le président de la chambre des métiers Bernard Stalter et le président de la chambre de commerce et d’industrie Bernard Stirnweiss, les e-mails du salon i-Novia mentionnant Uber en leur demandant de se positionner puisque leurs organismes sont partenaires du salon. Eux aussi doivent promptement et publiquement rappeler leur opposition à Uber.

En juin, les taxis avaient violemment pris à partie un chauffeur utilisant UberPop, le service ouvert aux particuliers d’Uber (voir la vidéo). Quelques jours plus tard, la préfecture du Bas-Rhin prenait un arrêté interdisant l’utilisation d’UberPop dans le département. En juillet, Uber a finalement suspendu ce service en France mais la mesure n’a pas calmé les taxis, qui demandent à présent l’interdiction d’UberX, le service où les chauffeurs sont des professionnels (VTC, voiture de tourisme avec chauffeur).

« Je vous appelle pour vous éviter des problèmes »

Sur le terrain, les taxis continuent de mener une guérilla de tous les instants : menaces contre les chauffeurs VTC et menaces contre les partenaires d’Uber. Ainsi la Cour de Honau, un club de sport à La Wantzenau, et le bar Les Aviateurs proposaient des promotions à leurs clients, qui pouvaient bénéficier d’une première course gratuite avec Uber. Roger Ritter, vice-président du syndicat des artisans taxi du Bas-Rhin, les a appelés, pour qu’ils retirent ces offres.

Au patron des Aviateurs, Franck Meunier, mardi, Roger Ritter dit carrément :

« Si je vous appelle, c’est tout simplement pour vous éviter d’avoir des problèmes avec les taxis. Il faut enlever la pub pour Uber. (…) Rappelez moi dans la journée que je puisse passer le mot aux gars parce que sinon, ils vont vous bloquer le bar, et à juste titre, je suis désolé. Parce que nous, on perd énormément d’argent avec ces Uber là… »

Franck Meunier comprend le message et retire l’annonce pour « ne pas prendre de risques ». La Cour de Honau en revanche n’avait pas cédé au moment de la rédaction de cet article.

(Dessin Guillaume Decaux)
(Dessin Guillaume Decaux)

Harcèlement des chauffeurs VTC

Chauffeur professionnel à Haguenau, Thierry Speater utilise Uber pour compléter son activité. Bien que les tarifs d’Uber soient inférieurs à ceux qu’il propose et que le service s’octroie une commission de 20%, son chiffre d’affaire a progressé de 40% depuis qu’il répond aux sollicitations des utilisateurs d’UberX. Mais il doit supporter le harcèlement des taxis :

« On est agressés par les taxis en permanence, ils relèvent nos plaques d’immatriculation, ils appellent la police… Ils menacent en nous avertissant qu’en “un coup de fil”, ils peuvent “venir à une dizaine pour nous casser la tête”. Et ça, qu’on soit avec des clients d’Uber ou des clients à nous évidemment, ils n’en ont rien à faire. J’ai signalé à la police. Mais je continue, je n’arrêterai pas et je ne connais personne qui cède à ces pressions. Il y a des chauffeurs qui viennent de Belfort pour travailler avec Uber à Strasbourg, le week-end ça tourne bien. »

Le service UberX n’est pourtant pas beaucoup moins cher que les taxis, il en coûte environ 30€ pour se rendre du centre-ville de Strasbourg à l’aéroport d’Entzheim en journée. Mais il est plus pratique. Du coup, le gouvernement a aidé les taxis à mettre en ligne leurs propres applications avec l’écosystème le.taxi. Étonnamment, là où Uber sécurise les transactions en exigeant un paiement par carte, donc traçable, le.taxi exclut spécifiquement le paiement du service qui pourra continuer à se faire en espèces…

Pour Roger Ritter, ces actions sont nécessaires, face à l’inaction des pouvoirs publics :

« Uber est illégal en France, quel que soit le service. La loi Thevenoud interdit l’usage de la géolocalisation pour d’autres services que les taxis. On les dénonce et il ne se passe rien. Alors évidemment, ça va chauffer parce que pendant ce temps, on perd de l’argent nous. »

Le syndicat des artisans taxi du Bas-Rhin a chargé son avocat de porter plainte pour exercice illégal de la profession de taxi auprès du procureur de la République contre une vingtaine de chauffeurs que les taxis accusent d’avoir utilisé l’application pour réaliser des « maraudes électroniques », une exclusivité réservée aux taxis.


#Franck Meunier

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