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Un acte 24 timide, noyé sous la pluie et les gaz lacrymogènes

Annoncé comme tendu, l’acte 24 des Gilets jaunes à Strasbourg a été contenu à distance des institutions européennes par les forces de l’ordre. Il n’y a pas eu de grande confrontation comme redouté, mais tout de même plus de quarante interpellations.

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Un acte 24 timide, noyé sous la pluie et les gaz lacrymogènes

Les Gilets jaunes voulaient donner un retentissement européen à l’acte 24, ou « ultimatum 2 », en s’approchant des institutions de Strasbourg (vides un samedi). À un mois des élections européennes, ils sont restés cantonnés à quelques centaines de mètres. Ce périmètre, ainsi que le centre-ville et la gare centrale, étaient interdits à la manifestation.

Excès de zèle de la Préfecture qui attendait des « individus radicaux en nombre important » ou seul moyen efficace de limiter la casse ? L’acte 24 a finalement été moins violent que redouté. Le trajet de la manifestation n’avait pas été déclaré, comme depuis le début du mouvement.

Un seul bref contact direct avec les forces de l’ordre a eu lieu en début de manifestation, passerelle de l’Abreuvoir, le long des quais des Bateliers. Quelques individus se sont approchés et ont été repoussés par le barrage de gendarmes mobiles, avec boucliers et matraques, suivi des premières grenades lacrymogènes pour disperser la foule.

Confusion et gros tirs place de Bordeaux

En dehors de cet accrochage, les forces de l’ordre ont toujours maintenu à distance la centaine de personnes qui voulaient en découdre. Les avenues clés étaient bloquées à l’avance et sur toute la largeur. De longs et nombreux tirs préventifs de grenades lacrymogènes ont évité de voir les mêmes scènes de violences qu’à certains rassemblements parisiens, bordelais ou toulousains… Toute la journée, les lanceurs de balles de défense (LBD) étaient bien en évidence, mais n’ont été utilisés qu’à des rares occasions notre connaissance. Des individus visiblement présents pour se mesurer avec les forces de l’ordre, parfois avec le visage recouvert, ont lancé des pétards et des projectiles.

Peu de tir de LBD, mais des armes bien en évidence…
Des individus, peu nombreux, ont lancé quelques projectiles sur les forces de l’ordre et brûlé quelques poubelles. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Le moment le plus confus et tendu s’est déroulé place de Bordeaux. Les forces de l’ordre bloquaient l’avenue Herrenschmidt, vers le Hilton et Schiltigheim. De nombreuses grenades lacrymogènes et de désencerclement ont été tirées de manière préventive. La grande majorité des manifestants était restée en retrait sur la place. Elle ne participait pas au face-à-face mais s’est tout de même retrouvée dans le champ de tir.

Surtout, toutes les issues (Wacken, Tivoli, rue Jacques Kablé et avenue de la Paix) étaient progressivement bloquées. Seul le boulevard de la Dordogne, par lequel étaient arrivés les 2 500 personnes environ à ce moment-là, permettait de battre en retraite. Jusqu’à ce rapprochement annoncé, les forces de l’ordre étaient restées très distantes du cortège, à l’exception des ponts pour préserver le centre-ville. Quelques minutes plus tôt, une pluie battante s’était abattue sur les manifestants.

Le moment le plus confus et tendu s’est déroulé place de Bordeaux. (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
Au bout d’une demi-heure, les forces de l’ordre ont évacué la place de Bordeaux.
Une évacuation facilité par un arrosage au gaz lacrymogène opéré sans distinction.

À quelques centaines de mètres du Conseil de l’Europe

L’autre moment chaud a eu lieu ensuite, au bout de l’allée de la Robertsau, près de l’Orangerie et du Conseil de l’Europe. Cette fois, les personnes qui souhaitaient rester en retrait pouvaient le faire plus facilement.

Le jeu du chat et de la souris a duré pendant plusieurs heures.

D’autres carrefours, boulevard d’Anvers, rue de Rome le long du campus de l’Université à l’Esplanade et à la Krutenau ont nécessité que les forces de l’ordre dispersent la foule. À chaque fois, des médecins de rue, ou « street medics », français et allemandsn sont intervenus auprès des blessés ou des personnes atteintes par le gaz.

Des streets medics allemands sont parmi les manifestants (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)
Des streets medics allemands étaient parmi les manifestants (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Au fil des faces-à-faces, le cortège perdait des membres, parfois lassés. Un certain flottement a traversé les rangs, quand il a fallu repartir, sans direction ni consignes précises, vers les quartiers de l’Orangerie et du Conseil des XV. Les forces de l’ordre ont facilement réussi à séparer la foule au rythme des rues bloquées petit à petit. Et comme beaucoup ne venaient pas de Strasbourg, se retrouver devenait compliqué… Les forces de l’ordre ont semble-t-il surtout eu toujours un temps d’avance, notamment grâce à un hélicoptère qui permettait de localiser les manifestants.

Une visite de tout Strasbourg hors-centre, en somme.

Locaux, français, étrangers et deux figures connues

La foule était hétéroclite, les Gilets jaunes strasbourgeois, du Grand Est, du sud-ouest de la France  des jeunes, des retraités, des actifs, quelques étrangers bien qu’assez rares et aussi beaucoup de curieux, venus voir la confrontation anticipée depuis plusieurs jours par les autorités. Interdit de travailler à Paris suite à un doigt d’honneur à un policier, le journaliste Gaspard Glanz a couvert la manifestation. Le trentenaire originaire de Strasbourg a été salué par beaucoup de connaissances ou même des inconnus.

Le dangereux terroriste - fiché S - anarcho-autonome Gaspard Glanz... en plein travail de journaliste (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc)
Le dangereux terroriste – fiché S – anarcho-autonome Gaspard Glanz… en plein travail de journaliste (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc)

Parmi les autres « personnalités », notons la présence en déambulateur de Germaine, doyenne de Kolbsheim à 89 ans et figure du mouvement anti-GCO.

Égérie de la lutte contre le GCO, Germaine, 85 ans, est parmi les manifestants du jour... (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc)
Égérie de la lutte contre le GCO, Germaine, 89 ans, est parmi les manifestants du jour… (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc)

Le cortège s’était donné rendez-vous place de l’Étoile  à 13h, où environ 30 minutes de prises de paroles se sont enchaînées. C’est au même endroit, vers 17h que le contingent restant s’est dispersé. Quelques personnes ont prolongé la manifestation, jusqu’à 19h place Kléber, où les forces de l’ordre ont tiré une dernière fois des grenades lacrymogènes (à voir à la fin de notre vidéo).

Dégâts limités, 42 interpellations

Assez peu de dégâts matériels sont recensés : une voiture incendiée, une vitre d’abribus cassée, quelques poubelles brûlées, ainsi que du vol de matériel de chantier… Les nombreuses automobiles garées le long du parcours, les domiciles privés ou les devantures de commerces n’ont pas été touchées.

Selon un bilan communiqué par la préfecture à 19h40, 42 interpellations ont été effectuées par les forces de l’ordre et parmi eux, le garde du corps d’un photojournaliste indépendant.

Toujours selon ce bilan officiel, trois blessés légers sont à déplorer chez les forces de l’ordre comme les manifestants (dont deux en raison des gaz lacrymogènes), ainsi qu’une riveraine, soit 7 personnes en tout. Il ont été pris en charge par les secours.

Au niveau du centre-commercial Rivétoile, le cortège était déjà moins fourni.

1er mai et actes à venir

Sans surprise, les annonces du président Emmanuel Macron (retraite minimale à 1 000 euros, une réindexation des retraites inférieures à 2 000€, et un âge de départ inchangé à 62 ans, maison de services publics, suppression de l’Ecole nationale d’administration (ENA), fin des grands corps de la fonction publique, etc.) n’ont guère convaincu les participants. En particulier, ils lui reprochent de ne pas instaurer de référendum d’initiative citoyenne (RIC).

Les rassemblements devraient continuer, même si Strasbourg accueille des manifestations d’ampleur limitée quand la ville n’est pas un point de ralliement régional, ou national comme ce 27 avril. Avant le prochain « acte », la manifestation habituelle des syndicats du 1er mai doit se tenir mercredi dans ce contexte particulier.


#Gilets jaunes

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