Laurent Duplomb, sénateur Les Républicains de Haute-Loire, est au centre de l’attention. Cet éleveur laitier incarne un courant particulièrement conservateur et productiviste du milieu agricole. C’est sans surprise que cet ancien syndicaliste à la FNSEA, qui enchaine les contre-vérités scientifiques dans la presse, est devenu l’instigateur de la proposition de loi « Duplomb », constituant un renoncement environnemental majeur.
Cette dernière a finalement été adoptée par l’Assemblée nationale ce mardi 8 juillet, après un parcours parlementaire tumultueux. Sur les 15 députés alsaciens, 11 ont voté pour (extrême droite, droite et presque tous les centristes) et 4 ont voté contre (gauche et un député Modem). Suite à ce vote, une étudiante a déposé une pétition contre la loi Duplomb sur le site de l’Assemblée nationale. Elle a dépassé le million de signatures en quelques jours.
Aider l’agro-industrie
La loi affiche l’objectif de « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Le point le plus sensible du texte est la réautorisation de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Cette molécule était entièrement interdite en France depuis 2020 pour ses impacts vertigineux sur les écosystèmes, notamment les pollinisateurs. De premières études commencent à montrer une toxicité pour le système nerveux humain ou des liens avec certains cancers.
Cela n’a pas empêché Louise Morel, députée (Modem) de la 6e circonscription du Bas-Rhin, de voter en faveur de la loi. Elle assure que le texte a évolué depuis sa version initiale : « Il ne prévoit pas une réintroduction automatique mais un mécanisme de dérogation très encadré, qui ne pourra s’appliquer que si deux conditions strictes sont réunies : une impasse technique doit être avérée et un programme de recherches d’alternatives crédibles doit être mis en place. »
Elle ajoute que « les zones humides (menacées par la première version du texte, NDLR) ont été clairement protégées » et que « l’indépendance et les prérogatives de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses, NDLR) sont finalement respectées ».
Faciliter l’élevage intensif
La loi permet de faciliter l’agrandissement des fermes-usines en relevant les seuils à partir desquels les élevages porcins (passe de 2 000 à 3 000 cochons) et avicoles (passe de 40 000 à 85 000 poules) sont soumis à des procédures d’évaluation environnementale. Le texte qualifie enfin les mégabassines, ces gigantesques réserves d’eau pour l’agro-industrie, « d’intérêt général majeur ».
« Une des causes du malaise des agriculteurs réside dans les contraintes plus lourdes qu’on leur impose en France par rapport à leurs voisins européens », explique Françoise Buffet, députée de la 4e circonscription du Bas-Rhin, reprenant les arguments préparés par la FNSEA, premier syndicat agricole connu pour ses positions productivistes : « Il est temps de leur faire confiance : ce sont eux les premiers exposés aux produits qu’ils utilisent, et la préservation de l’environnement, leur outil de travail, est dans leur propre intérêt. »
La Confédération paysanne, syndicat agricole écologiste, dénonce de son côté un texte conçu pour une minorité de producteurs. Par exemple, seul 3% des élevages seront concernés par l’élévation des seuils, comme il s’agit de ceux qui sont soumis au régime des installations classées, soit de très grosses exploitations.
Des scientifiques, de nombreuses associations citoyennes, les partis de gauche et même une partie des membres de la majorité présidentielle alertent sur un recul face aux enjeux environnementaux, avec de fortes conséquences sur la santé publique et les écosystèmes.
« 83% des Français opposés au retour des néonicotinoïdes »
« Ce texte qui prétend répondre à la crise agricole ne fait que valider un modèle qui met les agriculteurs en danger », estime Sandra Regol, député Les Écologistes de la 1ère circonscription du Bas-Rhin. Issue d’une famille de paysans, elle a voté contre cette loi qui « enferme les exploitants dans la dépendance aux pesticides, sans répondre aux enjeux de revenus ou de lutte contre la concurrence déloyale » :
« Ces néonicotinoïdes ultra-toxiques provoquent des cancers, la maladie de Parkinson, des troubles de la fertilité… Les députés qui voteront ce texte aujourd’hui feront le choix de défendre les lobbies de l’agrochimie au détriment des Français, qui sont à 83% opposés au retour des néonicotinoïdes. »
Même décision pour le député La France insoumise de la 2e circonscription du Bas-Rhin Emmanuel Fernandes. Il évoque « un texte dicté sous la pression des lobbys agricoles les plus productivistes, incarnés par la FNSEA, au détriment d’une agriculture durable et de l’intérêt général ».
Plus étonnant, Hubert Ott, député Modem de la 2e circonscription du Haut-Rhin, a également voté contre ce texte. « Je suis député d’un territoire profondément agricole et viticole. Ici, personne ne joue à faire semblant », commence t-il :
« Cette loi ne répond pas à l’essentiel, elle ne fait que renforcer la défiance là où nous devrions reconstruire un lien de confiance. Je suis de ceux qui sont convaincus que l’agriculture et l’environnement sont compatibles. Je n’ai pas voté ce texte de circonstance, qui passe à côté des urgences du monde agricole. Il n’y a pas un mot sur les revenus. »
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