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À Sciences Po Strasbourg, étudiants et direction cherchent à dépasser le blocage

Après trois jours de blocage et sept mois de crise avec une partie de ses étudiants, la direction de Sciences Po Strasbourg cherche une voie de sortie, sans discuter du partenariat noué avec l’université Reichman, en Israël. Pour les étudiants mobilisés en soutien à la Palestine, la lutte continue.

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Mercredi 26 février était une journée dédiée aux assemblées générales à Sciences Po Strasbourg. À midi, la direction avait convié l’ensemble du personnel travaillant au sein du Cardo. Le bâtiment en travaux perpétuels au sein de l’hôpital civil est à nouveau bloqué depuis lundi par des étudiants et des étudiantes. En soutien aux Palestiniens, ils protestent depuis octobre contre le rétablissement d’un partenariat de Sciences Po avec l’université Reichman en Israël, qu’ils accusent d’être trop liée à l’armée.

Jean-Philippe Heurtin, directeur de l’institut d’études politiques (IEP) de l’Université de Strasbourg, cherche à éviter de faire à nouveau appel à la police pour évacuer le blocage. Ce coup de force fin janvier, qui a fait au moins un blessé parmi les étudiants, a été très mal accueilli par le personnel de l’IEP et n’a en outre rien réglé. Mi-février, le directeur a bien tenté de transmettre la question du partenariat aux conseils centraux de l’université mais mardi 25 février, le conseil des formations et de la vie universitaire de l’Unistra lui a signifié que c’était à Sciences Po de dénouer la situation.

Une médiation de la dernière chance

Mercredi, le directeur de Sciences Po Strasbourg a proposé trois pistes au personnel du Cardo, qui comprend d’autres institutions universitaires : la création d’un comité d’éthique des partenariats, un troisième vote au conseil d’administration de l’IEP et une médiation de quelques enseignants. Les deux premières options n’ont guère provoqué d’optimisme parmi les participants. Les étudiants du Comité Palestine veulent la fin immédiate du partenariat avec l’université Reichman, pas à son échéance prévue en juin 2026 et les personnes opposées au partenariat ont démissionné du conseil d’administration de l’IEP.

Vincent Dubois regrette que la question du partenariat ne soit pas discutée. Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc

Parmi les démissionnaires, le sociologue Vincent Dubois détaille :

« Ce qui est dérangeant dans cette histoire, c’est qu’à aucun moment on a pu discuter sérieusement de ce qu’est l’Université Reichman, qu’un journaliste du Haaretz décrit comme plus proche d’une académie militaire que d’une université. C’est un centre de formation pour les élites de l’armée et du renseignement israélien, qui organise des cours de propagande progouvernementale, entretient des liens avec le Likoud, etc… Au lieu de prendre en considération ces faits, on nous oppose toujours de grands principes comme les « libertés académiques » ou des accusations existentielles sur Israël si nous devions prendre nos distances avec cette université, c’est tout à fait hors de propos. »

La journée portes ouvertes en suspens

L’équipe de médiation a donc beaucoup de pression sur ses épaules, d’autant qu’une échéance s’est ajoutée : celle de la journée portes ouvertes de l’Université de Strasbourg, samedi 1er mars. Les barrières et les poubelles déposées par les étudiants du Comité Palestine devant l’entrée du Cardo ne constituant pas l’image que souhaite donner Sciences Po aux parents des futurs étudiants, la direction a proposé au Comité Palestine de lever son blocage, en échange un stand pour porter leurs revendications pendant cette journée.

Une quarantaine d’étudiantes et d’étudiants ont participé à l’assemblée générale du Comité Palestine mercredi 27 février. Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc

La proposition a animé les débats de l’autre assemblée générale du jour, celle des étudiants et des étudiantes du Comité Palestine, tenue deux heures plus tard sous le patronage du chirurgien du XIXe siècle d’Eugène Boeckel.

Après quelques règlements de comptes à propos de stories Instagram mal reçues, une quarantaine d’étudiants se sont demandés s’ils devaient « être sympathiques ». « On a été assez arrangeants, estime une étudiante avec une capuche verte sur son bonnet. On n’en à rien à foutre de leur journée portes ouvertes. On proteste contre un génocide en cours, bordel ! » Une position vivement reprise par Victor, l’un des piliers du Comité Palestine qui rappelle :

« C’est une guerre de tranchées. Seul le blocage a permis d’obtenir des avancées. Il faut montrer à la direction qu’on ira jusqu’au bout, qu’on est des tarés. »

Keffieh autour du cou et cheveux longs attachés, Eliam, autre pilier du Comité, estime de son côté « que le mouvement n’a pas intérêt à se mettre trop de gens à dos. Certains personnels sont sympathisants de notre action, mais tiennent aussi à ce que l’institution puisse se présenter au public. Ce serait aussi une opportunité de rendre notre action plus visible alors que si la journée est annulée, rien ne bouge. » Charlie, en bonnet rouge et dockers blanches, est de tous les blocages depuis les débuts du mouvement. Il rappelle qu’il sera présent aux prochains mais que « plus le temps passe, plus les partiels approchent et plus nous sommes fatigués ».

Après deux bonnes heures, l’assemblée générale du Comité Palestine a voté la poursuite du blocage jeudi 27 février tout en se donnant une nuit de réflexion sur le sort de la journée portes ouvertes.


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