Accrochée aux murs de l’atelier d’illustratrices « Rez-de-chaussée », à Strasbourg, une affiche annonce les Fêtes interconnectées de la bande dessinée. Un évènement organisé dans l’urgence après l’annulation du festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Le programme de cette édition locale est en pleine construction. Elle se tiendra du 28 janvier au 1er février 2026 dans un lieu encore à préciser (cet article sera mis à jour).
Le festival sera l’occasion pour ses organisatrices de mettre à l’honneur les artistes de Strasbourg. La capitale alsacienne est « l’un des grands viviers de l’illustration en France », affirme Sarah Ménard, illustratrice et autrice de BD. Elle fait partie des coorganisatrices du festival.
Ce dernier est porté par le collectif Girlxcott Strasbourg, déclinaison strasbourgeoise du collectif national « Girlxcott » (féminisation du mot « boycott »). Ce mouvement est né du boycott du festival d’Angoulême après la reconduction de la société 9e Art+, qui a licencié une salariée qui avait porté plainte pour viol en 2024. Suite à cette mobilisation, l’édition 2026 du festival international a été annulée. Girlxcott Strasbourg rassemble une vingtaine de personnes, en majorité autrices de bande dessinée. À Strasbourg, « il y avait l’envie de se mobiliser depuis longtemps chez les auteurs et les autrices. Avec la crise à Angoulême, on s’est réunies dans un bar, on a rassemblé nos envies, et le festival est né », explique Charlotte André, autrice de BD et scénariste.
Combattre le manque de diversité et les VSS
« C’est le moment de faire un festival qui nous ressemble, ajoute la coorganisatrice du festival strasbourgeois, de prendre le pouvoir sur la programmation. » L’organisation de Fêtes interconnectées de la bande dessinée, dans de nombreuses villes de France, prend le contre-pied de « l’énorme centralité qu’est Angoulême pour la bande dessinée », précise Charlotte André.
Bien au-delà d’Angoulême, le mouvement de boycott a permis de mettre en avant les revendications de nombreuses artistes de la bande-dessinée, en grande majorité des jeunes illustratrices. Sarah Ménard et Charlotte André dénoncent un milieu de la bande dessinée qui « manque de diversité, ne protège pas des violences et du harcèlement sexiste et sexuel, et entretient des dynamiques de pouvoir qui renforcent la précarité des artistes ».
Au travers de sa programmation – encore en cours de construction – l’édition strasbourgeoise des Fêtes interconnectées de la BD entend « proposer des réponses » à ces revendications. Ainsi, les organisatrices prévoient par exemple des tables rondes sur le « male gaze » (regard masculin) dans la BD ou pour « combattre dans la fiction le regard colonial sur les corps racisés ». Elles planifient également un salon de la microédition locale ou encore une soirée de soutien à la revue féministe strasbourgeoise Comme des Garces – qui souhaite lever des fonds pour éditer son troisième numéro courant 2026.
« Aucune sécurité financière »
Ce festival auto-organisé est aussi l’occasion pour les illustratrices de court-circuiter « l’énorme pouvoir financier » qui sévit dans le milieu de la bande dessinée. En ligne de mire notamment : l’absence de droit au chômage, qui précarise des créatrices déjà « sous-payées ». « On cotise, mais sans aucune sécurité financière en retour. Les aides que l’on peut toucher ne sont pas du tout adaptées à notre pratique », souligne l’illustratrice Sarah Ménard.
Si cette grande fête de la bande dessinée est « une initiative éphémère pour inventer autre chose face à l’annulation d’Angoulême en 2026 », les deux illustratrices strasbourgeoises espèrent qu’elle permettra de « faire naître des alternatives dans la création et de tisser des liens qui perdurent entre les générations d’auteurs et d’autrices ».
Chargement des commentaires…