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Sur le fil – Reunalla : trois regards sur la Finlande à La Chambre

La galerie La Chambre expose trois jeunes photographes finlandais, qui emmènent le public dans ce pays nordique « sur le fil » des enjeux géopolitiques entre l’Europe et la Russie.

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Aino Väänänen et Kemijoen jäällä sur la rivière Kemijoki

La Chambre a réuni trois jeunes photographes finlandais pour la première exposition de la saison 2025 – 2026, intitulée Sur le fil – Reunalla, visible jusqu’au dimanche 16 novembre. Leurs images forment un récit personnel et singulier de leur pays avec des langages visuels différents. En partant des terres boisées, le public s’acclimate à l’austérité des lieux mais également à la communion de leurs histoires. Tour à tour, les artistes révèlent une Finlande différente, construite tel un puzzle dont les pièces sont assemblées les unes aux autres au moyen des photographies de Venla Kaasinen, Aino Väänänen et Henri Airo.

Venla Kaasinen – Récits enchantés

Le long d’un cours d’eau, à l’orée d’un bois, dans les herbes hautes d’une prairie – un à un, ces milieux deviennent les gardiens des récits intimes d’inconnus, dont Venla Kaasinen s’inspire. La série photo This place is many, murmure les souvenirs partagés de leurs hôtes. L’artiste ne les soustrait pas de ces précieux moments, elle redonne vie à leurs histoires en les ramenant dans l’environnement qui les a vu naître.

Dès l’entrée dans la première salle, la douceur des images ralentit les mouvements, entraînant dans une lente déambulation. Le rationnel se mêle au mystique dans une agitation sans pareille, transformant les espaces capturés par l’objectif en refuges d’instants secrets. Lors du tirage, les prises de vue sont altérées par l’usage d’éléments végétaux prélevés dans les zones photographiées. L’eau et la matière organique récoltées se changent en support d’impression faisant émaner des couleurs dissous, un nouvel écosystème. Ainsi, les œuvres de Venla Kaasinen deviennent les vestiges de poésies tant physiques que psychiques, et diffusent la présence de leurs orateurs au sein de la galerie.

Kätkössä, Tässä paikassa on monia, 2023.Photo : Venla Kaasinen, série This place is many

Aino Väänänen – Pour une double temporalité

L’île d’Hailuoto, située au nord de la Finlande, modèle les paysages d’enfance d’Aino Väänänen. In Shallow Waters I Walked est un retour à son histoire personnelle dans laquelle la décomposition des décors présentés fait frémir. Dans cette série photographique, l’artiste se confronte aux rapports de coexistence entre les habitants et la nature environnante. Scindés en deux formats de présentation, les tirages noir et blanc se dispersent sur les panoramas aux couleurs ternes, nous laissant seuls face à la rudesse de ces prises de vues.

Tantôt, à la verticale, tantôt à l’horizontale, les cadres s’intervertissent et créent un mouvement decrescendo de par ces orientations variées. L’angle adopté par la photographe procure un balancement entre les souvenirs féeriques qu’elle gardait et ce qu’elle tente de nous montrer maintenant : la persistance de relations ténues entre les insulaires et le caractère impétueux d’une nature aride. 

Sur les murs, se poursuit la seconde série intitulée Vanishing Point. Dans une exploration du grand Nord, Aino Vänäänen se rend au cercle polaire arctique afin de sauvegarder les changements drastiques d’un écosystème fragile. Baignés d’une lumière évanescente, les paysages s’harmonisent sous les tonalités d’une palette chromatique aux tons pastels. Derrière ce semblant de prospérité, se dissimule l’épuisement des trois aspects de la vie : humaine, industrielle et naturelle. Armée de son appareil comme unique compagnon de route, l’artiste tente de faire perdurer les instants éphémères d’une région en péril.

Photo : Aino Väänänen, Vanishing Point, 2020

Henri Airo – Archivage coloré

La traversée de la galerie s’achève auprès d’Henri Airo et de son ensemble War is a disaster. Par le médium photographique, l’artiste dresse des portraits, des paysages et des intérieurs qu’il accompagne de textes dans une composition murale diffractée. La mise en scène nous rappelle les installations sophistiquées des institutions culturelles, notamment par la présence de vitrines suspendues et d’écrits tapuscrits. De cela découle un accrochage aux allures d’inventaire au sein duquel l’artiste met en relation son expérience militaire personnelle avec les mémoires collectives finlandaises. 

Auparavant habitué à une sobriété des affichages, le public se retrouve face à une source d’informations dense tant par l’éclatement des tirages dans l’espace que par leurs encadrements colorés. L’artiste dévoile une Finlande attachée à la forte présence militaire sur son territoire, coutume partagée et transmise de génération en génération. Lui-même engagé dans un service obligatoire durant sa jeunesse, Henri Airo montre la persistance de ces images de guerre dans un environnement cérémonial et intime. Le jaune, le vert, le rouge, le bleu s’organisent dans un mélange ordonné, désorientant notre contemplation habituellement linéaire des photographies. Le travail de l’artiste permet au regard de serpenter entre les lignes écrites et les surfaces imprimées dans un geste frénétique auquel nous prenons goût.

Photo : Henri Airo, War is a Disaster

#culture

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