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Des galères de la CFA 2 à la Ligue 1, souvenirs de supporters du Racing

Après neuf saisons d’absence, le Racing Club de Strasbourg Alsace retrouve la Ligue 1 ce samedi 5 août à Lyon. À l’occasion de la reprise du championnat, Rue89 Strasbourg est allé à la rencontre de supporters qui n’ont rien lâché, soutenant leur club jusqu’en cinquième division.

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Des galères de la CFA 2 à la Ligue 1, souvenirs de supporters du Racing

Le Racing Club de Strasbourg Alsace (RSCA) renoue avec l’élite du football français samedi 5 août face à l’Olympique Lyonnais. Que de chemin parcouru depuis cette année 2011, marquée par le dépôt de bilan et la rétrogradation en CFA 2. Pourtant, même en cinquième division, beaucoup ont décidé de suivre le club coûte que coûte. C’est le cas de Daniel, Greg, Guillaume, Kevin et Sébastien.

Pourquoi sont-ils restés? « Pour ne pas laisser mourir le club ». Tous invoquent le même « Amour avec un grand A », comme le dit si bien Kevin, un jeune agent en approvisionnement de 27 ans. « Le Racing avant d’être une équipe de foot, c’est un Club, une institution, un mode de vie en quelque sorte ». Pour Greg aussi, « un club de foot c’est pour la vie ». Le vice-président de la Fédération des supporters du Racing, l’association qui regroupe tous les kops créée en 2011, n’a loupé aucun déplacement du club depuis quatorze ans. Il a d’ailleurs publié « Neuf fois le tour de la Terre pour mon club » en septembre 2016, qui raconte toutes ces années. « Je me suis toujours défini comme un inconditionnel du Racing, peu importe les résultats et l’équipe. » Avis que partage Sébastien, supporter du club depuis son plus jeune âge : « Les seuls qui restent dans un club au fond c’est les supporters, les joueurs et dirigeants ne sont souvent que de passage. »

Il y a à peine six ans, le club a bien failli disparaître, compte tenu de ses gros problèmes financiers. Quatrième de National en 2011, le club atterri en CFA2 la saison suivante. Sébastien, 27 ans, se rappelle « l’ambiance d’enterrement » qui régnait à la fin de la saison 2010-2011:

« J’ai vraiment pensé que c’était la fin du Racing. Mais fallait voir le monde qui s’est déplacé à Forbach pour le premier match en CFA 2 en août. Et la semaine suivante, rebelote à la Meinau, on a fait 6 000 places. Plus que certains matchs de première division ! À partir de ce moment-là je me suis dit que plus rien ne pouvait nous arriver. »

Kevin supporter kop
Kevin, par amour du Racing, s’est investi très jeune dans l’association Kop Ciel. (Photo KCB)

Liberté, simplicité, convivialité

En amateur, ces passionnés découvrent une ambiance qui leur était jusqu’ici inconnue « On était l’attraction des 5e, 4e et 3e divisions » raconte Sébastien, pour qui le Racing « n’avait rien à faire là ». Guillaume, abonné depuis 2005, se souvient: « les déplacements ressemblaient à des excursions où on découvrait des petits villages d’Alsace. En fait, on avait l’impression de voir des matchs de préparation. »

Pourtant les meilleurs souvenirs de nombre de supporters remontent à cette période-là. « Il y avait un gros sentiment de liberté dans et autour des stades où le Racing jouait, » raconte Kevin, vice-président du kop « Ciel et Blanc ».

« On se rend compte que le football amateur, c’est des mecs qui gagnent autant que nous, qui jouent par amour du maillot et que le côté néfaste, bling-bling et starlette du foot business avait disparu. »

Greg confirme:

« On retrouvait le foot du dimanche, avec les bénévoles qui s’occupaient des grillades, de la buvette… le vrai foot quoi! On se retrouvait dans des stades où on pouvait jouer, nous en tant qu’amateur, le dimanche. La convivialité, la simplicité, l’absence de problèmes sécuritaires ou de dérives du foot business, c’était tout ça à la fois. J’ai vécu ces années en amateur comme une vraie bouffée d’air. »

« On n’était plus habitué aux victoires »

Et qu’importe si le spectacle n’était pas toujours au rendez-vous. « On s’ennuyait à certains matchs, mais heureusement qu’il y avait les copains en tribune, ça a pas mal aidé, » confie Kevin, qui s’est fait de nombreux amis lors de matchs. « Sur le terrain c’était laborieux oui », renchérit Guillaume, « mais au niveau humain c’était très fort. On était super bien accueilli, on discutait avec les présidents de clubs. C’était un peu comme une grande fête du village. Il m’est même arrivé de repartir avec des bouteilles de vins en cadeaux ».

« Tout le monde s’est pris au jeu. » poursuit le trentenaire. « Le Racing gagnait souvent, les joueurs marquaient pas mal de buts, ça nous faisait du bien. On n’était plus habitué aux victoires. Et puis il y avait un nouvel élan, on avait l’impression de se retrouver en famille. Les 100 gugusses qui étaient présents chaque semaine, c’était des vrais passionnés. »

Daniel président du KCB. Le groupe compte cette année un peu plus de 200 abonnés, un record depuis sa création. (Photo: LG/ Rue89Strasbourg)

« Le public a aidé à renverser des montagnes »…

Et ces passionnés ont fait du bien au club. « Les joueurs sur le terrain ont tout donné pour les supporters, par exemple les jeunes du centre de formation qui se défonçaient sur le terrain en CFA2 et CFA, » raconte Kevin.

« Ça criait, ça poussait dans les tribunes et c’était clairement un plus, » ajoute Sébastien, qui ne s’imagine plus voir un match du Racing ailleurs qu’en tribune supporter. Pour Daniel, président du Kop Ciel et blanc depuis cinq ans, c’est une certitude: « le public a aidé à renverser des montagnes. »
En plus des matches, ses responsabilités de président lui prennent quelques heures le soir en semaine. Un peu de travail administratif, notamment pour l’organisation des déplacements. Cette année encore plus, vu que le nombre de membre a presque doublé par rapport à l’année dernière soir un peu plus de 200 membres.

… et à recruter

Guillaume, chauffagiste de métier, préfère nuancer:

« À certains moments oui, quelques tarés qui crient dans un coin ça a pu donner un coup de fouet aux joueurs. Mais là où ça a vraiment joué, c’est au niveau du recrutement. Voir que le public était derrière le club même dans les moments les plus difficiles, ça a permis au Racing de garder son image de marque et de rester médiatiquement vivant. On a pu recruter des joueurs qui n’auraient pas forcément considéré le Racing sinon. »

Pour certains, ce club leur permet de se rattacher à l’identité alsacienne. « Le Racing fait partie de l’ADN de tout Alsacien. Nous sommes très fiers de notre région et nous avons tendance à nous attacher à des symboles régionaux. Et parmi les plus importants, il y a le Racing, » explique Daniel. Originaire de Pffafenhofen il met trois quarts d’heure pour se rendre au stade. Certains font encore plus de route. « J’ai des amis qui viennent de Colmar et Wissembourg.  Les supporters viennent des quatre coins d’Alsace ».

Pour Greg, cela va plus loin:

« Il y a une part de fierté et d’identité alsacienne, parce que le Racing est un porte-drapeau de la région. Mais au delà de ça, je pense que c’est un club anti-dérive, loin du foot business. Un club populaire, proche de ses supporters avec des dirigeants accessibles. Au final, tout le monde se retrouve dans le club. »

Pour autant, tous continuent d’appeler le club, « Racing Club de Strasbourg », son nom historique, en laissant tomber le terme « Alsace » à la fin, rajouté en 2012 sur insistance du conseil régional. Début 2016, le logo a d’ailleurs été légèrement retouché, pour davantage coller à celui de 1976, remis au goût du jour en 2006. Le A du sigle RCSA s’est effacé.

 

Logo RCS
Logo du RCS 1976-1985 et 1988-87.
Logo RCS
Logo RCS de 1976 remis au goût du jour pour les saisons entre 2006 et 2012.

 

 

 

 

 

 

 

En 2012, la Région Alsace participe au financement du club. Le RCS devient RCSA et le A d’Alsace s’insère en bas de l’écusson et le mot « Alsace » remplace « Football ».
Depuis 2016, retour au RSC au centre du logo, où le « A » est supprimé.

Une proximité avec les supporters, même en Ligue 1?

Pour nos cinq supporters, ces années en amateur ont permis de créer des liens très forts, de nouer une certaine complicité entre les fans et les joueurs. « On espère que cette convivialité ne va pas disparaître maintenant que le club est de retour dans l’élite, » avoue Guillaume, qui se rappelle (presque avec nostalgie) de l’époque où les joueurs étaient parfois intimidés par la ferveur des supporters.

Les fans sont plutôt confiants. « Le club essaye de faire en sorte que ça continue. Notamment Marc Keller (l’actuel président du club). Il est à l’écoute des associations et c’est une personne de la région avant tout passionné par le Racing » explique Kevin, ravi de voir l’ancien joueur de Strasbourg à la tête du club depuis 2012. « C’est un président proche des supporters, » ajoute Guillaume. « Il savait que pour revenir au niveau professionnel, il  fallait s’appuyer sur le travail, la rigueur mais aussi les supporters. Keller a voulu revenir à l’ancrage local, qui avait été oublié pendant les années de flambe ».

Un exemple du « tout pour le supporter », le Fan’s day mis en place par Marc Keller en 2003. Importé d’Allemagne, notamment de Karlsruhe où le président strasbourgeois a joué dans les années 1990, l’événement annuel a pour objectif de créer du lien entre les joueurs et les fans, de « rapprocher les membres de la famille » comme dit Greg, qui aurait rêvé que cet événement existe quand il était enfant.

« On retrouve l’ambiance bon enfant des années en amateur, avec la buvette, les saucisses et les tartes flambées, » raconte Guillaume, pour qui le Fan’s Day est un incontournable de l’année. « C’est important de voir les joueurs, de se retrouver entre supporters, de se réapproprier le stade. C’est un peu comme retourner à la maison avant la reprise du championnat ». « Ça permet d’entretenir une certaine convivialité et une ambiance foot populaire qu’on aime tant » ajoute Kevin, qui a plusieurs fois tenu le stand du KCB à l’occasion du Fan’s Day. L’événement attire chaque année plus de monde à la Meinau et serait révélateur des valeurs du club pour Greg. « Cette proximité, ces liens forts de créés font maintenant partie de l’histoire et de l’identité du club. Seul un changement de direction peut vraiment casser cette relation » pour ce supporter de 35 ans.

Cependant, tous ne considèrent pas l’actuel président comme le sauveur du Racing. C’est le cas de Paolo, un supporter de 32 ans qui a pris ses distances quand Marc Keller et son groupe d’investisseurs ont repris les rennes du club. Selon lui, le bilan de du dirigeant est « très limite »:

« Il faut juger ce que Marc Keller fait depuis cinq ans, pas seulement sur les deux montées successives. Tout le monde a tendance a oublié qu’on a quand même fini 16e en 3e division avec Keller à la tête du club (le Racing avait été repêché in-extremis en 2014 NDLR). On a passé trois saisons ennuyeuses en National, alors qu’on avait un des meilleurs budgets, un fort engouement et pas grand monde en face. »

Il s’étonne de la « Kellermania », mais continue de suivre et supporter (d’un peu plus loin) le Racing. Il aimerait que l’engouement populaire autour du RCS permette aux fans de s’associer financièrement au club, comme cela se fait dans certains clubs d’Allemagne, d’Italie voire le modèle des « socios » du FC Barcelone. Même si pour ce dernier club, il voit une dérive « foot-buisness » peu souhaitable à la Meinau.

Des chiffres qui parlent d’eux mêmes

« Les gens ont soif du Racing » comme le dit Paolo. Et cette « soif » transparaît dans les chiffres: Le club pourra compter plus de 15 000 abonnés pour la saison, un record. Il y a quelques années, avec la déception des performances sportives et les problèmes financiers, personne ne voyait venir ce scénario, comme l’explique Guillaume: « Quand on a été rétrogradé en CFA2, beaucoup sont partis parce qu’ils en avaient marre des défaites et qu’il n’y avait plus tellement de spectacle sur le terrain. Et le spectacle, ça fait entièrement partie du foot. » Heureux de voir l’emballement autour du club, Greg se souvient: « Il n’y a pas si longtemps, on était seulement 50 à déplier les sièges en CFA2 pour le confort des spectateurs. Les chiffres aujourd’hui, c’est génial. Il n’y a qu’à voir la ferveur pour le match contre Lyon samedi. On a jamais été plus de 150 à se déplacer à Lyon et là en deux heures on apprend que les 2000 places attribuées ne sont pas suffisantes. Il faut savourer ça. »

C’est avec une certaine fierté que Sébastien donne lui aussi des chiffres: « Avec 15 000 abonnés sur un peu moins de 30 000 places à la Meinau, on atteindrait le troisième taux de remplissage après Marseille et Lille ». Pour l’assistant social strasbourgeois, cet engouement s’explique notamment par l’arrivée d’une nouvelle génération de fans, des jeunes qui n’ont pas forcément connu la Ligue 1, et qui veulent faire partie de l’aventure.

Place à l’avenir

Tous s’accordent sur l’objectif de la saison: le maintien. « Les matchs s’annoncent compliqués, le niveau est particulièrement élevé. Il faudra être tout aussi soudé que les dernières années, si ce n’est plus. Pour l’instant on vise le maintien. Mais dans quelques temps on pourra rêver plus grand », affirme Daniel avec prudence. Quant à Sébastien, il ne veut pas s’enflammer :

« On a tendance à mettre la charrue avec les bœufs au RSC. C’est le revers de la médaille de ce club de passionnés. Il y beaucoup de ferveur, d’engouement populaire mais beaucoup d’attente aussi. Le public est exigeant, il va falloir faire preuve de tolérance cette année. »

Premier test de tolérance, ce samedi 5 août, où plus de 2000 supporters chanteront « Allez les Bleus et Blancs » au parc OL de Lyon.


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