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Après le bidonville de la petite forêt : des Roms relogés, d’autres en errance

Lundi 1er juin, le plus ancien et le plus grand bidonville de Strasbourg, où vivaient une cinquantaine de Roms, a été fermé par la municipalité. Mais si des familles identifiées par la mairie ont été relogées, d’autres arrivées plus récemment, ont vu leurs abris détruits sans solution.

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La durée de la présence de certains occupants sur le bidonville est remise en question par la mission rom de la Ville. (Photo Gaspard Glanz/Rue89 Strasbourg)

La durée de la présence de certains occupants sur le bidonville est remise en question par la mission rom de la Ville. (Photo Gaspard Glanz/Rue89 Strasbourg)
La durée de la présence de certains occupants sur le bidonville est remise en question par la mission rom de la Ville. (Photo Gaspard Glanz/Rue89 Strasbourg)

Lundi 1er juin, la Ville de Strasbourg entreprend la fermeture du campement de la « petite forêt » près de la Porte Blanche à Koenigshoffen, où vivent une cinquantaine de Roms. Ce bidonville est l’un des plus anciens de Strasbourg. Fermé une première fois en 2008, la présence de quelques familles (une trentaine de personnes) y avait été à nouveau tolérée. Depuis, la présence sur le site est fluctuante, oscillant entre 50 et 90 personnes lors des pics comme en décembre 2014.

Un travail de la mission roms avec neuf familles identifiées

Dans le calme, les habitants font des allers et retours avec des brouettes chargées d’affaires, de vieux vêtements et de débris de baraques qu’ils vont déposer dans une benne située à l’entrée du terrain. Jean-Claude Bournez, en charge de la mission roms pour la Ville de Strasbourg, supervise les opérations :

« Nous déménageons les habitants du site pour le fermer en raison de son insécurité. Il y a eu un incendie le 17 avril dû à un accident domestique, cinq baraques ont brûlé. Sur les cinq familles touchées par l’incendie, trois ont été relogées à l’espace 16 (espace temporaire d’insertion situé rue des remparts, ndlr), une famille est partie à Metz, l’autre en Roumanie. Depuis l’incendie, la sécurité des habitants n’est plus assurée car une trentaine de nouveaux arrivants est arrivée sur le terrain avec un comportement très agressif : ils étaient prêts à déloger les habitants actuels pour s’installer. Nous allons fermer le terrain et reloger les neuf familles identifiées sur l’espace 16. »

Marie-Dominique Dreyssé, adjointe au maire (EELV) en charge de l’action sociale, explique comment le processus de fermeture a pu se mettre en place :

« C’est un site très mal placé, à l’entrée de la ville, coincé entre un stade et une autoroute. Suite à l’incendie et aux troubles ont suivi les arrivées récentes, on a procédé au déménagement car une possibilité s’offrait pour reloger une dizaine de familles à l’Espace 16. On a identifié les gens qui étaient là pour ne pas se retrouver avec de nouvelles revendications. Mais entre temps, ce ne sont plus dix familles qui étaient à la petite forêt mais quinze dont certaines de Nantes, de Clermont-Ferrand… À un moment, on arrête la situation et on travaille avec les familles identifiées. »

Marie-Dominique Dreyssé : « ce ne sont pas des camps, ce sont des bidonvilles »

Un jeune rom d’une quinzaine d’années qui habitait sur le site confirme la venue de nouvelles personnes sur le site. Mais selon d’autres Roms :

« On est tous une famille, nous sommes tous parents, nous sommes maris et femmes, des frères, sœurs, neveux… S’il faut, on partage le terrain, moitié-moitié on fait une place pour tous. »

Sur le camp évacué, des hommes s’affairent à démonter les baraques pendant que les femmes préparent à manger et que d’autres s’occupent des enfants en bas-âge. Une femme accompagnée de deux enfants nous sollicite en roumain. Selon elle, c’est la Ville qui a détruit sa baraque, alors qu’elle s’était absentée.

Tensions entre nouveaux et anciens arrivants, et Jean-Claude Bournez, de la mission Roms de la ville

Jean-Claude Bournez réfute :

« Cette dame n’a jamais habité sur le site, cette famille n’habitait pas là. Il y avait d’autres familles qui sont reparties en Roumanie. Deux ou trois jours après l’incendie, des personnes sont venues sur le site et se sont revendiquées victimes de l’incendie alors que l’enquête de police avaient répertoriées les familles victimes. À l’évidence, ces familles ne disaient pas la vérité. Nous avons ce type de revendications à chaque fermeture de site. »

La femme reprend :

« Notre cabane était toute petite. Pourquoi on m’a cassé la baraque ? Pourquoi on ne me laisse pas faire de l’argent pour rentrer si je n’ai pas le choix ? Je veux mettre mes enfants à l’école. Je n’ai rien en Roumanie, c’est pour ça que je suis là. »

Cette femme ne sait pas où ni comment elle va dormir ce soir avec son mari et ses deux enfants âgés de deux et cinq ans.

« On est des gens à éliminer, ni plus ni moins »

Le soir même, sur le parking qui jouxte l’annexe de l’espace 16. Deux familles dorment dans des voitures dont celle d’Adrian qui abrite sa femme et ses deux enfants. Il raconte :

« On utilise une voiture qui a été prêtée par un ami avec lequel je bosse. Sur le terrain (de la petite forêt), il y a des rats, c’est sale. C’est très dur pour les enfants. Cette vie est très difficile. Il vaut mieux être mort que de vivre ça. On est des gens à éliminer, ni plus ni moins. »

À quelques mètres de là, deux tentes sont dressées. Les familles roms qui les occupent sont arrivées récemment et ne sont pas prises en compte dans l’opération de relogement. L’une des familles a deux enfants qui ont environ six et huit ans. Le plus jeune, handicapé à 40%, a subi une trépanation en Roumanie. Les séquelles de son opération nécessitent des soins quotidiens. Il n’a pas vu le médecin depuis dix-huit mois alors qu’il a des maux de tête fréquents.

Le vendredi suivant, six nouvelles caravanes ont bien été rajoutées à l’espace 16. Tous les nouveaux habitants ont signé une convention pour une durée d’un mois. Adrian a obtenu sa caravane mais il a dû renvoyer sa femme et ses deux enfants en Roumanie car il n’y avait pas de place pour eux. La femme avec son mari et ses deux enfants, dont la présence à la petite forêt avait été remise en question le lundi par le responsable de la mission roms, à elle aussi obtenu une caravane pour sa famille.

Dans la soirée, derrière la rue de l’annexe, la famille de l’enfant handicapé dort toujours sous une tente en compagnie d’autres nouveaux arrivants. L’enfant, accompagné par sa mère, a toutefois pu être observé par l’équipe de Médecins du Monde. Quant à la deuxième famille qui s’abritait dans une voiture, présente à Strasbourg depuis août 2014, elle dort désormais avec ses deux enfants derrière des buissons quelque part dans l’agglomération strasbourgeoise.

Vidéos : Gaspard Glanz
Traductions : Gabriela Munteanu

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