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Européennes : comment contrer l’abstention ?

Les élections européennes de mai s’annoncent à haut risque, notamment à cause d’une probable très forte abstention. Aucune stratégie n’a été mise en place du côté de l’Union européenne pour la contrer, qui compte sur les partis pour mobiliser. Mais en France, ceux-ci auront tout donné pour les municipales… Voici comment on n’a pas voté dans l’Est en 2009.

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Européennes : comment contrer l’abstention ?

Les élections européennes se dérouleront le 25 mai 2014. En 2009, le scrutin avait été boudé par 59,5% des électeurs français, un record. Et cette année, la lassitude des citoyens risque de s’ajouter aux causes habituelles de l’abstention aux européennes, puisque la consultation aura lieu deux mois après les élections municipales, traditionnellement plus mobilisantes. Il y aura donc très peu de temps pour intéresser l’électorat, d’autant que les enjeux européens sont complexes et apparaissent lointains.

Cette carte interactive montre l’abstention aux élections européennes de 2009 :

Les seuls pays où l’abstention était en-dessous des 10% sont la Belgique et le Luxembourg, où le vote est obligatoire. Pays d’à peine plus de 500 000 âmes, l’essentiel de la vie politique luxembourgeoise est réglée à l’heure européenne tandis que l’abstention en Belgique peut être punie par des amendes, voire une radiation des listes électorales pendant 10 ans.

L’Union européenne passive

Pour le reste de l’Union européenne, à part quelques exceptions comme l’Italie, on dépasse allègrement les 50% d’abstention à chaque consultation. Interrogée à ce sujet, la Commission européenne insiste avant tout sur les manifestations organisées par les Centres d’information Europe Direct (CIED), notamment des débats contradictoires ou des campagnes d’information envers les primo votants. Une initiative qu’Éric Schultz, délégué régional aux élections pour EELV (et conseiller municipal à Strasbourg), ne trouve pas suffisante :

« Faire campagne chez les jeunes électeurs, c’est bien, mais les institutions ont peut-être sous-estimé les campagnes d’inscription sur les listes complémentaires. Les municipales et les européennes sont les seules élections qui autorisent les ressortissants européens à voter dans leur pays de résidence. Cela n’aurait pas forcément joué sur les masses, mais il aurait tout de même été important de faire campagne là-dessus, au moins pour le symbole. »

Éric Schultz évoque également un éventuel couplage des européennes aux municipales comme autre moyen de contenir l’abstention en mai. Puisque vous vous êtes déplacé pour élire votre maire, votez donc pour vos députés européens… C’est l’idée.

Le FN ne capitalise pas sur l’éloignement du scrutin

L’application suivante permet de comparer l’abstention aux européennes de 2009 et de 2004, par commune de la circonscription Grand-Est. Elle utilise les mêmes échelles de couleurs que la carte précédente et il suffit de survoler une commune pour connaître ses chiffres précis :

Hormis une progression généralisée de l’abstention entre 2004 et 2009, on observe également des taux systématiquement élevés en Moselle-Est. C’est précisément à Forbach, l’une des plus grandes villes de cette zone (environ 21 000 habitants), que Florian Philippot, tête de liste FN sur le Grand Est pour ces élections européennes, espère s’implanter dès les municipales de mars.

Contacté à plusieurs reprises, il n’a pas souhaité répondre à nos questions sur sa stratégie face à l’abstention. Car dans ce scrutin apparaissant comme lointain, le vote contestataire est plus volontiers utilisé. Le Front National peut légitimement espérer en tirer parti. Mais la carte suivante montre que le FN n’est pas parvenu à sortir de ses scores habituels en 2009, malgré un électorat pourtant plus prompt à venir aux urnes même en cas de forte abstention :

En 2009, la moitié des 9 000 communes du Grand-Est comptabilisait moins de 8% de voix FN, et ce score a été beaucoup plus bas dans les plus grandes villes. Ainsi le Front National comptabilisait en 2009 environ 3 000 voix à Strasbourg (5,06%), 1 400 voix à Dijon (4,26%), 1 100 voix à Besançon (4,32%), ou encore 780 voix à Nancy (3,77%). Et les communes rurales étaient loin d’inverser cette tendance, même si l’on observe quelques foyers d’électeurs FN en Champagne-Ardenne et au nord de la Lorraine.

En 2014, tout le pari du FN va donc reposer sur la transformation en voix du sentiment de défiance contre l’Europe, très présent après des années de crise où de nombreux problèmes ont été mis sur le dos de l’Union européenne. Sans que l’on sache vraiment quelle sera la méthode employée… Dans ces conditions, l’élément de langage du FN pour 2014 est tout trouvé : avec un score d’environ 8% dans le Grand-Est il y a cinq ans, il ne pourra que mieux faire en mai, et ne manquera pas de se féliciter de sa progression, quelle qu’elle soit.

Un terrain minutieusement quadrillé chez EELV

Du côté des écologistes, on compte avant tout sur le travail abattu par l’eurodéputée Sandrine Bélier durant cinq ans pour réitérer le bon score de 2009 (14,28%). Éric Schultz ajoute :

« Sandrine Bélier a pu pendant son mandat européen travailler sa notoriété sur le territoire, et la campagne de terrain se fera également avec des relais locaux reconnus sur toute la circonscription. Cette répartition du territoire permet de jouer sur le score, et donc sur l’abstention, les deux étant liés. »

En clair, l’objectif est de réitérer la stratégie d’union et d’engagement de personnalités de terrain qui avait presque permis aux écologistes d’envoyer deux députés de l’Est à Strasbourg. Un quadrillage minutieux de la circonscription que l’on peut également traduire avec la cartographie du vote EELV :

La moitié des communes de la circonscription Grand-Est a au moins accordé 12,5% des suffrages aux Verts. Et contrairement au FN, EELV est parvenu à convaincre beaucoup d’électeurs des grandes villes. Cela se traduit en chiffres par une fourchette oscillant entre 15% et 20%, avec une pointe à 21% à Strasbourg, soit le triple de leur score aux municipales de 2008 !

Éric Schultz insiste sur la confiance particulière accordée aux Verts dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle, qu’il aimerait voir dans la composition de la liste :

« Le scénario idéal, ce serait un prorata. Concrètement, sur les 18 membres de la liste, il y aurait quatre Alsaciens et quatre Lorrains. Mais on ne s’interdit rien, et si d’ici fin février on trouve quatre Bourguignons très bons, on les prendra sans aucune hésitation ! »

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