Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Des billets TER à 5€ pour aller manifester, la Région Alsace se risque à l’illégalité

Anticipant une « forte mobilisation », la Région Alsace a mis en place un tarif avantageux de 5€ pour aller manifester contre la fusion de l’Alsace avec les régions Lorraine et Champagne-Ardenne samedi 11 octobre. Une décision étonnante de la part d’une collectivité territoriale, dont les fonds ne peuvent être engagés pour soutenir une cause politique. Le préfet appliquera le contrôle de légalité.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Des billets TER à 5€ pour aller manifester, la Région Alsace se risque à l’illégalité

Tarif spéciaux dans les TER Alsace pour se rendre à la manifestation contre la réforme territoriale. (Photo Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / cc)
Tarif spéciaux dans les TER Alsace pour se rendre à la manifestation contre la réforme territoriale. (Photo Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / cc)

La Région Alsace a annoncé vendredi que « face à l’affluence attendue » à la manifestation contre la réforme territoriale du samedi 11 octobre, un tarif avantageux sur les trains TER « pour permettre à tous les Alsaciens qui le souhaitent de se joindre à ce mouvement de protestation ».

Ce jour-là, l’aller-retour en direction de Strasbourg coûtera 5€, quelle que soit la gare d’origine. À titre de comparaison un aller/retour entre Mulhouse et Strasbourg peut atteindre 36€40 sans carte de réduction ou abonnement (tarif indicatif indiqué par le simulateur de la SNCF). Des trains supplémentaires seront également mis en service, assure la Région.

Les collectivités territoriales ayant un devoir de neutralité politique, la décision soulève des interrogations. Pour Me Pierre-Étienne Rosenstiehl, avocat spécialisé en droit public, la légalité de l’opération est très fragile :

« La jurisprudence envers les collectivités territoriales est assez pauvre, mais constante. Elles n’ont pas vocation à subventionner le débat politique. Sachant qu’il s’agit d’une réforme nationale, actuellement débattue au Parlement, il est compliqué de faire valoir que ce n’est pas une manifestation à caractère politique. »

« C’est comme pour le Mörgenstreich »

En 2007, la cour administrative d’appel de Bordeaux et le Conseil d’État avaient par exemple condamné la commune d’Espelette pour avoir versé une subvention à une association qui militait pour la création d’un département basque. De son côté, Christophe Kieffer, directeur de cabinet de Philippe Richert, président de la Région Alsace, se défend de subventionner une manifestation politique :

« Il s’agit d’une opération commerciale comme nous en faisons beaucoup pendant l’année, lorsqu’il y a une forte demande. En ce moment, il y en a pour voir le Rallye d’Alsace, en hiver pour le marché de Noël ou la semaine dernière pour le carnaval de Bâle, le Mörgenstreich. Basé sur les retours d’élus locaux, nous anticipons une forte mobilisation ce jour là. Cela fait naturellement réagir, car le sujet est sensible. Une polémique similaire avait eu lieu lorsque la SNCF avait affrêté des rames de TGV pour la Manif pour Tous. »

Différence de taille : la Manif Pour Tous est un mouvement politique et avait payé pour ses trains. Quant au Mörgenstreich, même si la contestation des édiles est un thème récurrent des bonhommes à gros nez, il ne s’agit pas d’une manifestation contre un projet de loi du gouvernement.

La Région Alsace n’a pas précisé quelle est l’ampleur attendue des déplacements en train ce jour-là, ni de coût prévisionnel de l’opération. Cependant, outre la minoration du prix des billets, la Région Alsace a demandé à la SNCF d’affréter des trains supplémentaire. Selon un document interne de la SNCF (voir ci-dessous), ce sont pas moins de 17 trains spéciaux qui seront mis en place le samedi 11 octobre !

Liste et horaires des trains spéciaux

Interrogé, le Préfet de la Région Alsace, Stéphane Bouillon, a également émis des réserves sur cette opération :

« J’appliquerai le contrôle de légalité sur cette décision. Pour qu’elle soit valide, il faudrait une nouvelle convention avec la SNCF et que le Conseil régional ait voté une délibération en ce sens. Hors, en l’état, nos services n’ont pas eu connaissance de tout cela. »

Le numéro de septembre du magazine de la Région avait déjà fait preuve d’une neutralité toute relative sur la réforme en cours.

(Photo JFG/Rue89 Strasbourg)
Un parti-pris assez rare pour une publication institutionnelle. (Photo JFG/Rue89 Strasbourg)

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur la réforme territoriale


#conseil régional

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options