Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Moins de bouchons ? Une pub de la CCI pour le GCO annulée par France Bleu Alsace

La Chambre de commerce de Strasbourg est critiquée pour une campagne de publicité qui promet « un terme aux embouteillages » en 2020 avec le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Or ce n’est pas « l’objectif » de cette autoroute dans les documents officiels. Les opposants dénoncent une publicité « mensongère » tandis que les journalistes de France Bleu Alsace ont obtenu l’annulation du spot qui « portait atteinte à leur crédibilité. »

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Moins de bouchons ? Une pub de la CCI pour le GCO annulée par France Bleu Alsace

Les Strasbourgeois ont pu voir des panneaux publicitaires « Oui au GCO » fleurir dans les rues. Mercredi 16 novembre, les auditeurs de France Bleu Alsace ont aussi pu entendre un spot de 10 secondes sur ce sujet. Ces publicités sont financées par la Chambre de Commerce et de l’Industrie (CCI) de Strasbourg et du Bas-Rhin, un établissement public qui accompagne et défend les intérêts des entreprises.

Les affiches et le spot défendent la construction du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Le GCO est un projet d’autoroute payante de 24 kilomètres autour de Strasbourg. Le contrat signé entre l’État et Arcos (Vinci) prévoit une mise en service en 2020. La publicité, réalisée en partenariat avec 10 associations ou entités partenaires, promet que le GCO « mettra un terme aux embouteillages » une fois construit. Il s’agit de panneaux disposés sur l’espace public, en plus des surfaces habituelles gérées par JC Decaux.

Les journalistes de France Bleu interpellent leur direction et obtiennent gain de cause

À France Bleu Alsace, ce spot a été perçu comme une atteinte à l’indépendance de la rédaction. Le spot était diffusé cinq fois par jour, parfois au moment des journaux. Dans une courte lettre ouverte à leur direction (voir le texte complet en fin d’article), les journalistes alsaciens de la radio publique ont demandé à leur direction de retirer le message publicitaire :

« Le GCO est un sujet très polémique en Alsace que nous traitons régulièrement à l’antenne sous forme de reportages, d’invités et de places publiques, en respectant la parité entre les pro et les anti contournement. Nous estimons que la diffusion de ce spot porte atteinte à notre travail et à notre crédibilité. Nous craignons aussi d’en subir les conséquences sur le terrain. »

Le dossier est, il est vrai, complexe et depuis des décennies beaucoup de chiffres et d’études sont avancés par les partisans et les opposants au GCO (voir tous nos articles). « Un spot ne dure que 10 secondes » fait-on valoir à la CCI quand on la questionne sur la possibilité que son message soit réducteur. Dans l’après-midi, le service juridique de Radio France a entendu les craintes des journalistes et la publicité a été retirée.

Le spot radio (10 secondes)

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« Ni l’enjeu, ni l’objectif »

Depuis plusieurs jours, les opposants au GCO s’étaient manifestés contre une campagne jugée « mensongère ». Ils font valoir que le rapport de la commission d’enquête publique, qui a débouché sur une autorisation de travaux pour 10 ans en 2008, indique expressément : « le désengorgement de Strasbourg n’est pas l’enjeu, ni l’objectif du GCO. »

Dans l’annexe 14 du contrat signé en 2016, les objectifs cités sont :

  • Assurer la continuité de l’axe autoroutier Nord-Sud alsacien […] pour réorienter le trafic de transit qui circule aujourd’hui sur l’A35 et les trafics récemment exclus des vallées vosgiennes.
  • Améliorer les relations entre les villes moyennes alsaciennes où le transport ferroviaire n’est pas encore adapté (Haguenau et Saverne, Obernai, Molsheim et Sélestat), et offrir à l’ouest strasbourgeois un meilleur accès au système autoroutier pour les trajets à longue distance.
  • Réorganiser les accès à l’agglomération de Strasbourg, non pas tant pour les trajets domicile-travail que pour tous les trafics d’échanges à moyenne et longue distance, à destination des grands pôles tels que l’aéroport, la zone d’activités de la Bruche, voire le port de Strasbourg.
  • Soulager la rocade Ouest (A35) de ces trafics, pour ainsi redonner à cette infrastructure un caractère plus urbain et de lui conférer le rôle de poumon indispensable aux renforcements des systèmes de transports collectifs du centre-ville.

La future transformation de l’autoroute A35 en boulevard urbain doit contribuer à limiter l’étalement de Strasbourg. Elle figure également dans les objectifs de la commission d’enquête publique réalisée en 2007.

Une action prévue auprès de l’autorité de régulation

Il n’en fallait pas plus pour que les opposants envisagent de saisir l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP, ex-bureau de vérification de la publicité). En attendant, quelques « oui » ont été remplacés par des « non » sur les affiches. Le directeur d’Alsace Nature, Stéphane Giraud, s’étonne du message et interroge sa légitimité :

« Cette publicité va à l’encontre des objectifs annoncés par les porteurs du projet. Elle pose question car elle utilise de l’argent public pour relayer le site d’une association, celui de l’automobile club. »

Le site jeveuxmongco.alsace avance 946 soutiens deux mois après son lancement. Opposé au projet, le vice-président écologiste de l’Euromotropole en charge de l’urbanisme, Alain Jund, se dit « très surpris » :

« Il y a une question de transparence dans le débat. On peut se confronter sur un projet, avoir des arguments différents, mais une institution parapublique ne peut pas aller sur le terrain du mensonge. On en arrive à avancer un sans savoir pourquoi on le fait. Les mêmes pratiques ont été vues à Nantes avec l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. »

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Le « oui » de l »affiche avait été recouverte d’un « non », avant d’être enlevé (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

À la CCI, on tempère mais on maintient

Les opposants, dont Alain Jund, pointent que même le président de l’Eurométropole et défenseur du projet, Robert Herrmann (PS), avait affirmé que « personne de raisonnable [ne] dit qu’il n’y aura plus de bouchons sur l’A35 avec le GCO », lors de notre soirée-débat sur le GCO à l’Odyssée en septembre.

Du côté de la CCI, on ne partage pas tout à fait l’avis d’il y a presque 10 ans des commissaires-enquêteurs. Même si on tempère un peu le discours, on récuse l’idée que la pub soit « mensongère » :

« Le GCO n’est pas la seule solution et il faut des mesures complémentaires, mais il demeure néanmoins une condition indispensables à l’enlèvement des bouchons, qui ont des conséquences économiques. Le réseau ferroviaire arrive à saturation et les personnes avec des horaires décalées ne peuvent pas prendre les transports en commun. »

En tout cas ces « 12 à 15 affiches » ont peut-être eu plus d’effets qu’escompté. Elles ont réussi à susciter le débat, une situation qui atteste normalement d’une campagne réussie dans le monde de la pub.


#GCO

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