« Nous allons déménager, souffle une mère de famille. Nos enfants sont malades, on ne peut pas prendre le risque d’attendre que ça aille mieux. » Elle habite à 500 mètres de l’entreprise Cyclamen, dans le petit village d’Éguelshardt, près de Bitche. Cette infirmière installée dans le parc naturel régional des Vosges du nord ne pensait pas subir un jour une pollution industrielle. Mais c’est là qu’Adrien Antenen, un homme d’affaires suisse, a choisi d’implanter en 2019 son entreprise de recyclage de métaux issus des mâchefers. Ces résidus d’incinération des ordures se présentent sous forme de poussières et de fragments solides. Cyclamen parvient à en extraire de l’aluminium, un élément habituellement recherché dans des mines.
« Le procédé laisse s’échapper énormément de poussières, observe Delphine, une autre habitante d’Éguelshardt. Ce sont des particules blanches ou grises qui se déposent partout. On est très inquiets parce qu’on ne sait pas quelle est leur composition ni leur toxicité. Nous n’avons aucune information là-dessus. »
Les poussières de mâchefers peuvent contenir du mercure, du plomb, du cadmium ou de l’arsenic. Ce dernier composé est particulièrement cancérogène. Et les métaux lourds sont, de manière générale, un enjeu de santé publique à cause de leurs impacts sur le système nerveux ou le développement fœtal.
Poussières partout
Rue89 Strasbourg a pu visionner 91 photos et vidéos prises par des habitants du village entre septembre 2024 et octobre 2025. Elles présentent des poussières venant, sans aucun doute pour les riverains, de Cyclamen. Les particules s’accumulent sur les voitures, les mobiliers d’extérieur, les arbres ou la surface de l’eau. « Je dois même les nettoyer dans ma maison », affirme Carole, voisine directe de l’usine. On peut aussi voir des nuages de cette poudre blanchâtre s’échappant lors de transferts vers des camions ou émanant de sacs entreposés dehors. Un big-bag apparait troué sur des photos.
Soutenez un média qui enquête sur les atteintes à l’environnement
Pour accéder à la suite de cet article, il faut être abonné. Pourquoi ?
Engagée contre les atteintes à l’environnement, la rédaction suit de près les enjeux écologiques et travaille sur les alertes qui lui sont transmises. Sans Rue89 Strasbourg, la pollution de l’eau potable par les pesticides et des projets comme un stade de biathlon dans les Vosges, ou une route sur la colline de Lorentzen seraient bien moins connus des Alsaciens.

Thibault Vetter suit les collectifs militants et les associations qui se mobilisent partout dans la région face aux projets écocides, comme de nouvelles zones d’activités sur des terres cultivables. Il enquête sur diverses sources de pollution, les pesticides, les usines, et leurs impacts sur la santé publique. Un travail de l’ombre, qui nécessite beaucoup de contacts et le décorticage de nombreuses alertes.
Pour poursuivre ce travail, unique en Alsace, nous avons besoin d’une petite contribution de votre part. Chaque abonnement compte. Toutes les recettes servent directement à financer un journalisme engagé et documenté sur l’environnement à Strasbourg et en Alsace.
Déjà abonné⋅e ?
Connectez-vous



Chargement des commentaires…