Plus de deux ans après la grave explosion qui avait blessé six salariés sur le site de Butachimie à Chalampé, le tribunal judiciaire de Strasbourg a tranché. La société Butachimie a été reconnue coupable de plusieurs infractions au code de l’environnement, dont le délit d’exploitation non conforme d’une installation avec atteinte grave à la santé ou la sécurité des personnes. Elle est condamnée à une amende de 300 000 euros et au paiement de quatre contraventions de 7 500 euros. « Ce n’est pas une grosse surprise », décrypte Raphaël, élu CGT au sein du comité social et économique (CSE) de l’entreprise classée Seveso seuil haut, c’est-à-dire représentant un risque industriel élevé.
Une erreur humaine
Le montant de l’amende est conforme aux réquisitions du parquet, prononcées à l’audience du 11 septembre 2025. En complément, la société Butachimie sera inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire des personnes morales, qui enregistre les condamnations pénales des entreprises. Située au bord du Rhin, l’usine Butachimie est la seule productrice d’adiponitrile (ADN) en Europe, une substance toxique utilisée dans la production du nylon.
Lors d’une opération de nettoyage des drains, des conduits destinés à évacuer les résidus de gaz dangereux présents dans les installations, une entreprise extérieure commet l’erreur de nettoyer deux fois le même drain. Dans le conduit oublié, un gaz hautement inflammable, le cyclohexane, continue de s’échapper. Il s’accumule au niveau d’une fosse, provoquant la violente déflagration du 14 juin 2023. En cause, « une erreur humaine » tranche la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du Logement (DREAL).
« Il va en pâtir toute sa vie »
Pensant la zone sécurisée, les salariés ne prennent pas de précautions particulières. Au total, six personnes, trois jeunes salariés de Butachimie et trois salariés extérieurs sont blessés. « Cinq personnes ont été blessées en urgence relative et prises en charge par les services de secours », indique la préfecture du Haut-Rhin dans un communiqué.
Les brûlures de Rémi, l’une des victimes, lui valent deux mois d’incapacité totale de travail (ITT). « Il va en pâtir toute sa vie », lâche Raphaël dans un haussement d’épaule. Kévin, un autre salarié de l’usine reçoit lui aussi une incapacité totale de travail. En raison de séquelles psychologiques, il sera changé de poste. Les autres se voient prescrire des ITT entre 15 jours et un mois.
Protection élargie pour les travailleurs
Dans sa défense, Butachimie avançait que l’atteinte environnementale ne pouvait être retenue au motif que l’accident s’était déroulé dans l’enceinte de l’usine. Mais la nouvelle directive européenne relative à la protection de l’environnement par le droit pénal ne fait plus distinction entre l’intérieur et l’extérieur de l’établissement. Les salariés bénéficient dès lors de la même protection que les personnes extérieures à l’entreprise. « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et ce, « sans qu’il ne soit question de catégoriser la population », martèle la présidente entre deux lectures de la Charte de l’environnement.
« Les dégâts psychologiques ça ne se calcule pas »
Cédric, salarié de Butachimie syndiqué à la CGT
En sortant du tribunal, les deux salariés de Butachimie regrettent « l’absence de prise en compte du côté humain ». « On ne mesure pas l’aspect psychologique de l’accident”, regrette à son tour Cédric, secrétaire de la section CGT du site industriel. Et d’appuyer : « Les dégâts psychologiques ça ne se calcule pas ».
Si aucun des salariés n’a fait le choix d’attaquer leur employeur, Raphaël rappelle que les ouvriers ont jusqu’à dix ans après leur accident pour agir en justice contre leur entreprise. De son côté, Butachimie a 10 jours pour interjeter appel de la décision.
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