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Pourquoi Strasbourg est toujours exclue des offres de la SNCF

TGVpop, Ouigo, IDBus, IDTGVmax… Face à la concurrence du covoiturage, des bus et des avions low-cost, la SNCF multiplie les offres et concepts commerciaux. Mais pas à Strasbourg. Une histoire de gros sous.

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Pourquoi Strasbourg est toujours exclue des offres de la SNCF

Les trains Ouigo, une espèce inconnue en gare de Strasbourg (photo Flickr / jean-louis Zimmermann/ cc )
Les trains Ouigo, une espèce inconnue en gare de Strasbourg (photo Flickr / jean-louis Zimmermann/ cc )

À chaque nouvelle offre commerciale, le client SNCF a le droit à un email pour l’inviter à découvrir les nouvelles promotions. Mais à chaque email, le Strasbourgeois soupire en regardant la carte des destinations concernées. La capitale alsacienne est toujours exclue des dispositifs.

Dernier en date, le service TGVpop, qui fonctionne du 5 juillet au 30 août. Les réservations ne sont ouvertes que trois jours à l’avance et les prix entre 25 et 35 euros . Pour que la rame parte, il faut « voter », c’est-à-dire créer du buzz, de la publicité gratuite même de la part de ceux qui ne montent pas à bord. Le slogan, à destination des jeunes est d’ailleurs très clair : « le train qui part grâce à vos potes ».

Mais sur la carte deux grandes villes françaises sont exclues. Strasbourg et… Lille. La ligne Paris-Lille est connue pour être la ligne la plus chère au kilomètre et très utilisée par les hommes d’affaires. Voilà qui met la puce à l’oreille. La SNCF répond qu’il s’agit d’une expérimentation et que « si elle répond à une vraie demande » elle pourrait être étendue ailleurs.

Les destinations de TGV pop. (document SNCF)
Les destinations de TGV pop. (document SNCF)

TGV Est : deux fois plus de passagers que prévu

Lors du lancement de la ligne de TGV Strasbourg-Paris en 2007, les études d’impact tablaient sur 6 à 7 millions de passagers par an. Huit ans plus tard, la SNCF indique que 10,6 millions de voyageurs ont utilisé un TGV Est en 2014 (toutes origines et destinations confondues, y compris en Lorraine). D’autres sources évoquent 12 à 13 millions d’usagers. Une fréquentation dopée par les passagers allemands, plus habitués à voyager sur de longues durées.

Aucune association de consommateurs n’a tenu de comptabilité de la hausse des prix depuis 2007. La SNCF répond que sur la ligne vers Paris, les prix ont augmenté de 2% par an, et 2,6% le 31 décembre 2014 avec accord de l’État. La société propose d’ailleurs un décryptage sur ses prix. En revanche, le TGV Rhin-Rhône a plus de mal à se remplir.

De plus, Paris-Strasbourg est l’une des rares lignes sur laquelle le nombre de passagers est assez stable (-1,1% en 2014). Sur les autres lignes, les petits prix du covoiturage ont réussi à rogner des parts de marché à la rapidité et au confort du TGV. L’arrivée de lignes de car modernes, facilitée par la loi Macron devrait renforcer la concurrence. Les trajets Strasbourg Paris  (environ 33€ et même 15€ sans l’autoroute en 7h) et Strasbourg-Lyon (30€) sont respectivement en première et cinquième position des trajets les plus sollicités en covoiturage.

Plus d’iDTGV, Strasbourg exclue de ses déclinaisons

De 2007 à décembre 2012, il y avait iDTGV et ses allers-simples à 19€ pour les plus prévoyants, à raison d’un train par jour. Mais malgré un bénéfice de 6 millions d’euros, cette filiale de la SNCF a décidé se replier sur les trajets de plus de 3h. Aujourd’hui, 59 villes en France, dont 12 destinations de sports d’hiver profitent encore d’iDTGV.

Du coup, quand iDTGV a lancé iDTGVmax en janvier 2015, une formule pour voyager en illimité pour 59,90 euros par mois (10 000 abonnements mis en vente), Strasbourg reste de nouveau à quai. Peut-être une bonne chose tant cette offre est en fait très limitée, comme l’explique à Rue89, un “maxtrotter” qui n’a pas pu prendre un seul train en 3 mois. Entre les surréservations, le manque de train et les horaires peu arrangeants, les critiques sont vives. Et l’engagement est d’un an minimum.

Les destination ID TGV (document SNCF)
Les destinations ID TGV ressemblent à celles de TGV pop (document SNCF)

Les Ouigo vont vers le Sud

Autre offre avantageuse récente, les Ouigo, c’est-à-dire les trains low-cost et la promesse de parfois voyager à partir de 10 euros, 5 euros pour les enfants. Lancés en avril 2013, ils circulent seulement sur l’axe Paris – Sud. Comme les avions à bas prix, ils arrivent parfois dans des gares excentrées des villes. À Paris, il faut passer par Marne-La-Vallée, où se trouve Disneyland Paris.

Aux alentours de Strasbourg, aucune gare ne semble taillée pour accueillir des TGV Ouigo. L’entreprise évoque de nouvelles destinations à partir de 2016, mais il devrait s’agir d’une conquête… de l’ouest. L’objectif est de desservir Bordeaux en 2017.

Les destinations Ouigo en France.
Les destinations Ouigo en France.

Quand la SNCF est sur route, elle évite aussi l’Alsace

Avec la loi Macron, de nouvelles offres de voyages, lentes mais peu chères se développent en car au départ de Strasbourg. Mais la filiale de la SNCF destinée à partir à l’assaut de ce marché, ID Bus, a pour le moment soigneusement évité l’Alsace. Étonnant quand on voit que Paris, Londres, Bruxelles, Amsterdam côtoient des villes de province comme Lille, Cologne, Montpellier ou Nice.

Les villes desservies par IDBus, de la SNCF.
Les villes desservies par IDBus, de la SNCF.

Un représentant syndical justifie la position de la SNCF, en expliquant que « Strasbourg n’est pas une destination touristique. Il n’y a ni la mer, ni le soleil ». Sauf que les Strasbourgeois aimeraient peut-être de leur côté pouvoir partir en vacances en train pour pas trop cher.

Une déclaration qui, au passage, est un camouflet pour les opérations « Strasbourg mon amour » ou les illuminations de la cathédrale, qui tentent de changer cette image. Le marché de Noël ne dure que cinq semaines et ce n’est pas à ce moment là que les prix baissent.

Mieux doté en Prem’s

Autre explication, le droit de passage facturé par réseau ferré de France (RFF) est fixe. Il ne dépend pas du nombre de passagers comme dans d’autres pays européens. Résultat, la SNCF ne se lance pas dans des opérations à la rentabilité hasardeuse. Cela explique aussi le nombre grandissant de trains doubles, pour lesquels le prix de passage est facturée 1,5 fois le prix simple. Selon l’UFC-Que choisir dans une enquête du Nouvel Observateur en 2011, le prix du péage représente 30 à 40% du prix d’un billet de train, tandis que RFF rétorquait que la SNCF réalise une marge de 25% sur le TGV.

Maigre lot de consolation, Strasbourg serait en revanche mieux dotée en billet Prem’s vers Paris, c’est-à-dire des billets non échangeables et remboursables autour de 30€, qu’il faut réserver trois mois à l’avance. En 2014, 14% des passagers ont voyagé avec ces billets. Mais pour ceux qui ne peuvent planifier leurs trajets, il faut payer plein pot.

Le maire au conseil d’administration de la SNCF

Plus inexplicable dans cet oubli permanent, le maire de Strasbourg Roland Ries (PS), siège au conseil d’administration de la SNCF depuis 2013. L’ancien sénateur est reconnu pour son expertise dans les transports. Le conseiller régional et conseiller municipal d’opposition Pascal Mangin (Rép.) estime que Roland Ries pourrait mieux défendre les voyageurs strasbourgeois :

« Le maire a une position privilégiée. Il pourrait faire remonter des infos pour que Strasbourg puisse préparer ses arguments et recevoir certaines de ces offres. Il ne s’est pas privé d’annoncer l’unification des abonnements TER et CTS alors que tout n’était pas finalisé à la Région. Mais pour la SNCF, il ne bronche pas. Si Strasbourg délivre une rentabilité pendant l’année à la SNCF, elle pourrait avoir quelques promotions en retour pendant l’été. Il faudrait que les offres de la SNCF vers Strasbourg soient plus diversifiées et pas seulement concentrées sur les Prem’s. L’offre crée la demande, ce qui pousserait certains français à visiter notre ville. »

Une nouvelle ligne lente et moins chère entre Strasbourg et Paris ?

Avec la nouvelle ligne Strasbourg-Paris, que le TGV empruntera à partir d’avril 2016 pour passer de 2h20 à 1h50 de trajet, Le Figaro évoque la renaissance d’une ligne multi-arrêts et « 100% éco« . Elle désservirait Saverne, Nancy, Bar-le-Duc et Châlons-en-Champagne. Plus lente, cette offre correspond à une demande des voyageurs peu pressés qui regrettent d’être contraints de payer les tarifs TGV depuis son arrivée en Alsace. La SNCF ne confirme pas l’existence de cette ligne, mais envisage en effet d’en ouvrir de nouvelles.

Quant à une augmentation redoutée des prix TGV après la mise en service de la nouvelle ligne Paris-Strasbourg, « l’’objectif de SNCF est de trouver le prix le plus juste, celui que les clients sont prêts à payer en regard du gain de temps obtenu (- 30 minutes), afin de pouvoir remplir ses TGV ». Résultat début 2016.


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