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RSA contre bénévolat : le rapporteur public demande l’annulation

L’audience du recours de la préfecture du Haut-Rhin contre le projet de conditionner le Revenu de solidarité active (RSA) à sept heures de bénévolat devant le tribunal administratif de Strasbourg a été rapide mercredi. Le rapporteur public a demandé l’annulation de la délibération du Conseil départemental du Haut-Rhin. Son président, Éric Straumann (LR), s’est dit déterminé à mettre en place la disposition, quitte à être plus souple sur les modalités. La décision est attendue le 5 octobre.

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RSA contre bénévolat : le rapporteur public demande l’annulation

Le président du Département du Haut-Rhin, Éric Straumann (LR), a fait le déplacement jusqu’au tribunal administratif de Strasbourg. Au cours d’une audience de 30 minutes où les principaux arguments ont été exposés, le rapporteur public, chargé de proposer une solution au tribunal, a demandé l’annulation de la mesure votée par le Département du Haut-Rhin en février. Elle prévoit que le Revenu de solidarité active (RSA) soit conditionné à 7 heures de bénévolat par semaine.

Pour le rapporteur public, la délibération est incompatible avec la loi française, qui fixe déjà des conditions d’attribution à cette prestation sociale. Son avis est souvent suivi par les juges administratifs, même si cela n’est pas obligatoire. Le délibéré de la décision a été programmé au 5 octobre.

Échanges sur la Constitution…

Avant d’étudier le fond de l’affaire, le Département du Haut-Rhin a demandé à ce que la question soit examinée par le Conseil Constitutionnel, au nom du principe de la « libre administration des collectivités territoriales ». Mais selon le rapporteur public, l’institution s’est déjà prononcée sur la question en juin 2011 et il n’est pas nécessaire de la solliciter à nouveau. Les sages avaient estimé, à la demande de la Seine-Saint-Denis et de l’Hérault, que l’augmentation de dépenses non-compensées par l’État ne constituent pas « un changement des circonstances » suffisant pour modifier la loi.

Pour l’avocat du Département du Haut-Rhin, Me Marc Levis, la situation a évolué depuis 2011. Il a notamment insisté sur les aspects financiers :

« [Ce litige] pose une question de constitutionnalité sur un dispositif qui porte en lui le germe d’un effondrement des collectivités territoriales de notre pays. »

… et les finances

Après l’exposé, le président du tribunal Pascal Devillers a demandé dans quelle mesure la situation du Haut-Rhin avait changée depuis 2011. Éric Straumann n’a pas vraiment répondu, puisqu’il s’est référé à 2004 :

« Lorsque la compétence a été transférée de l’État vers les Départements, cela représentait 50 millions d’euros par an [pour le Haut-Rhin]. Aujourd’hui, c’est 100 millions d’euros. Pour compenser ce reste à charge, il aurait fallu augmenter les impôts de 50%. »

Une réponse qui ne permet pas d’appréhender l’évolution depuis 2011. Il a aussi indiqué que le budget (d’environ 870 millions d’euros) de son département n’avait « presque » plus d’excédent, ce qui est un peu moins alarmant que les propos de son avocat.

Financièrement, l’État a pourtant laissé des marges de manœuvres aux Départements depuis la réforme territoriale en ne les obligeant plus à s’occuper du développement économique (une compétence renforcée pour les Régions) tout en leur laissant les moyens financiers correspondant. Un domaine dans lequel le Haut-Rhin comme le Bas-Rhin continuent de s’investir.

Forte exposition médiatique pour le colmarien Éric Straumann au sujet du RSA et du bénévolat (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Forte exposition médiatique pour le colmarien Éric Straumann au sujet du RSA et du bénévolat (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Le débat sur deux terrains

Ces échanges sont d’ailleurs emblématiques du différend. L’État place le débat sur le terrain du droit. Éric Straumann, par ailleurs député, le place le débat sur celui de la dépense publique et de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA vers un retour à l’emploi. Selon lui, le bénévolat serait un moyen de nouer des liens dans le monde associatif et de retrouver une activité. Il veut que les Départements français puissent organiser cette politique « et ne pas être qu’un guichet. Sinon, il n’y a plus besoin d’élus. »

Le rapporteur public a davantage suivi l’État, en rappelant que la justice administrative n’a pas à se prononcer sur la « pertinence » de la mesure, mais sur sa légalité. Or, selon le rapporteur public, le RSA est déjà un contrat, avec des critères et des obligations, comme celle de chercher un emploi. La loi française ne prévoit pas que les Départements puissent changer ces conditions, quand bien même ils doivent déterminer s’il y a une rupture de ce contrat, lorsque l’allocataire ne remplit pas ses devoirs.

Éric Straumann prêt à lâcher du lest

Après l’audience, Éric Straumann a déclaré à la presse être déterminé à faire voter un texte avant la fin de l’année qui précisera les modalités du bénévolat contre le RSA, quitte à l’adapter « selon le contexte juridique » :

« Souvent, les bénéficiaires du RSA sont des gens qui sont isolées professionnellement et socialement. […] On ne cherche pas du tout à les stigmatiser, simplement à réduire le nombre de bénéficiaires par tous les moyens possibles, parce que tout le monde reconnait que cette politique, au niveau national, est un échec. […] La disposition concernera je pense 80% des bénéficiaires. Certaines portions ne pourront pas s’engager, pour des raisons familiales par exemple. D’ailleurs, on ne va pas suspendre automatiquement  [les droits], on va examiner en commission chaque situation individuelle. C’est aussi l’occasion d’instaurer un dialogue. »

Une forme d’assouplissement nouvelle qui figurait dans les éléments écrits transmis aux juges administratifs, qui a surpris la représentante de la préfecture :

« Le sens du texte est « donnant-donnant » de manière systématique. Le président du Conseil départemental n’a pas fait savoir, dans la presse ou par courrier, que l’interprétation du préfet est erronée. »

Autre piste évoquée, le bénévolat volontaire comme dans la Drôme peut constituer « une « étape » selon Éric Straumann. L’entrée en vigueur du dispositif dans le Haut-Rhin est en tout cas prévu pour le 1er janvier 2017.

Un écho national

Grâce à la forte exposition médiatique du sujet, le débat est porté au niveau national. Pas anodin, en pleine primaire de la droite, qui a de manière générale salué la disposition. Si la délibération devait être retoquée, le président haut-rhinois peut espérer un changement de la loi si son camp remporte la présidentielle et les législatives en 2017. Voire de prendre des responsabilités nationales sur ce sujet. C’est peut-être là aussi le but de la délibération.


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