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27 élus de l’Université démissionnent pour dénoncer une gestion opaque du budget pour la recherche

Des enseignants-chercheurs de la liste Alternative déplorent un manque de transparence budgétaire et une prise de décision non démocratique. Ils démissionnent du Conseil d’administration, de la Commission de la recherche et de la Commission de la formation et de la vie universitaire.

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27 élus de l’Université démissionnent pour dénoncer une gestion opaque du budget pour la recherche

Le 24 juin, 23 enseignants-chercheurs élus sur la liste “Alternative 2017” ont démissionné des principaux conseils de l’université de Strasbourg. Ils étaient membres du Conseil d’administration (CA), de la Commission de la recherche (CR) et de la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) du Conseil académique. Ces trois conseils regroupaient 116 élus.

« Ce n’est pas dans les Conseils d’administration que les décisions se prennent », explique Julien Gossa, démissionnaire du Conseil d’administration de l’Université de Strasbourg. Il dénonce des décisions prises par « quelques personnes autour du président » Michel Deneken. Le maître de conférence en informatique ajoute : 

“Tous les élus démissionnaires sont face à un processus de décision qui se passe ailleurs. À partir de là, on ne sert à rien. Sinon à donner une caution démocratique à une décision qui a déjà été prise dans d’autres réunions. Or, tous les élus membres du CA n’y ont pas été invités”.

Julien Gossa, maître de conférence à l’Université de Strasbourg

Un manque de transparence financière

Julien Gossa et d’autres démissionnaires ont adressé une lettre à la Cour des comptes. Ils décrivent une « absence de transmission des informations budgétaires essentielles concernant les structures ». Les signataires font référence aux fondations de l’Université et aux filiales financées par le Programme Investissement et Avenir (PIA). Mis en place par l’État en 2009, le PIA et ses 57 milliards d’euros d’investissement doit permettre de faire « émerger des pôles universitaires d’excellence reconnus au niveau international », peut-on lire sur le site de l’unistra.

Ce programme a permis de financer des filiales comme l’IdEx, “initiatives d’excellences”. Entre 2012 et 2016, l’Université de Strasbourg a versé 25.6 millions d’euros par an à cette structure. Depuis, l’IdEx a été reconduite. La filiale a permis, entre autres, de recruter 58 doctorants étrangers et de soutenir 275 projets de recherche pendant ces 4 ans. Mais le démissionnaire dénonce que les fonds soient utilisés de manière opaque :

« La Commission de la formation et de la vie universitaire est chargée de distribuer 6 millions d’euros sous forme d’appels à projets pédagogiques ou de recherche. Mais ce n’est qu’une sous-partie de l’IdEx. On ne sait pas où le reste de l’argent est dépensé (20 millions d’euros par an, ndlr) »

Julien Gossa

« Les sommes n’existent pas pour tout ce qui est IdEx »

Ainsi, dans le procès-verbal du Conseil d’administration du 17 décembre 2019, Pierre Gilliot enseignant-chercheur et démissionnaire du CA indique : « Les sommes exactes (…) n’existent pas pour tout ce qui est IdEx (…) alors que les montants sont conséquents. » Le président de l’Université Michel Deneken répond : « Ces entités présentent régulièrement leurs activités, d’ailleurs à la demande de certains administrateurs ». Mais Pierre Gilliot constate : « M. Ebbesen (professeur à lUniversité de Strasbourg, ndlr) a refusé de donner les sommes de projets scientifiques ».

L'Université de Strasbourg appliquera-t-elle la hausse des frais de scolarité pour les non-étudiants ? (photo Pascal Bastien)
Le 24 juin, 23 enseignants-chercheurs élus sur la liste “Alternative 2017” ont démissionné des principaux conseils de l’université de Strasbourg. (Photo Pierre Bn / FlickR / cc)

“L’université de Strasbourg ne va pas bien”

Les démissionnaires pointent aussi la détérioration de la qualité de l’enseignement à l’Université. Julien Gossa explique que « le président a décidé de donner moins de moyens aux composantes et universités ». Ainsi, selon l’élu d’opposition, en 2010, la dotation des composantes s’élevait à 11 millions d’euros. En 2020, la dotation atteignait 7 millions d’euros. L’enseignant-chercheur ajoute : « L’université de Strasbourg ne va pas bien. On dépense pour recruter des prix Nobel. En même temps, on augmente les heures des enseignants pour faire tourner les licences. » Les élus Alternative 2017 ont mené une enquête auprès du personnel enseignant de l’université. Sur 1025 répondants, 61% des membres considèrent que leurs conditions d’exercice se sont dégradées en 10 ans.

La réponse de Michel Deneken confirme l’opacité de la répartition du budget de l’IdEx

« Le budget complet de l’université, recherche, formation, services, est d’environ 530 millions d’euros », rappelle le président de l’université dans un communiqué en réaction aux démissions. Michel Deneken ajoute que ce budget a été présenté au conseil d’administration et approuvé par certains élus démissionnaires.

Michel Deneken indique également que la Commission de la Recherche (CR) ou la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) discutent du budget de l’IdEx. C’est le Comité de pilotage, avec à sa tête le président de l’Université, qui décide finalement de sa distribution :

« Le budget de l’IdEx (…) est géré en partenariat avec le CNRS et l’INSERM, contrôlé par l’ANR (Agence nationale de la recherche, ndlr) lors de la phase probatoire, et le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), qui dépend du premier ministre. Son usage fait l’objet de nombreuses discussions en Commission de la Recherche ou en CFVU. Il est décidé par un comité de pilotage, où sont représentés le CNRS, l’INSERM et l’université »

Michel Deneken, Président de l’Université de Strasbourg, dans un communiqué de presse.

Mais pour Julien Gossa, la direction se retranche derrière des règles qui ne sont pas appliquées. Selon le démissionnaire, « le CA n’a aucune prise sur l’IdEx (…) Quand nous arrivons au CA, tout a déjà été vu. »


#enseignement supérieur

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