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Contre l’accumulation compulsive, rendre le patient « expert de son trouble »

Anne Goepper, est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Spécialiste en thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles, elle détaille les mécanismes de l’accumulation compulsive et de son traitement.

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Contre l’accumulation compulsive, rendre le patient « expert de son trouble »

Diplômée d’un master « Psychologie clinique en thérapies comportementales et cognitives » de la faculté de psychologie de Strasbourg, Anne Goepper exerce en libéral à Marlenheim. Elle intervenait auparavant en psychiatrie adulte au Nouvel hôpital civil (NHC) de Strasbourg.

Anne Goepper, Psychologue spécialisée dans les TCCE (Document remis)
Anne Goepper, Psychologue spécialisée dans les TCCE Photo : Document remis

Rue89 Strasbourg: Qu’est ce que l’accumulation compulsive ?

Anne Goepper : En psychologie, la thésaurisation pathologique fait partie, selon le DSM-5 (manuel référence des troubles psychiques et mentaux), des troubles obsessionnels et compulsifs (TOC). Elle représente une difficulté persistante à jeter ou à se séparer de certains objets, indépendamment de leur valeur réelle et une souffrance au fait de les jeter. Cette difficulté aboutit à l’accumulation d’objets qui encombrent les lieux d’habitation et entraîne une détresse ou une altération du fonctionnement de la personne. Pour parler de ce trouble, différents termes synonymes existent en français : syllogomanie, collectionnisme pathologique, TOC d’accumulation ; résumés en anglais sous le terme « hoarding ».

Quelles sont les raisons et origines de ce trouble ?

L’accumulation pathologique est un symptôme qui se retrouve dans différents troubles, qui peuvent être les troubles obsessionnels compulsifs, les démences, chez des personnes ayant subi des traumatismes crâniens ou dans certaines formes de schizophrénie. Les facteurs pouvant expliquer l’origine de l’accumulation pathologique proviennent de troubles de la décision, du perfectionnisme, une tendance à la procrastination ou trouvent leur origine dans des évènements de vie stressants ou traumatisants. Ils peuvent aussi apparaître suite à des facteurs biologiques (problèmes du processus de l’information, troubles psychiatriques ou psychologiques), et des facteurs sociaux (facteurs de vulnérabilité familiaux).

Lorsque jeter provoque un ressenti désagréable

Pourquoi la personne ne parvient pas à jeter ?

Une situation, par exemple le tri de vêtements troués et usagés, active des pensées (« quelqu’un pourrait en
avoir besoin » ; « on verra après », « je les garde pour les raccommoder plus tard ») qui à leur tour activent des émotions et un ressenti désagréable (anxiété, doute, panique, peur). La personne qui présente un trouble d’accumulation met ainsi en place différents comportements : elle évite ces émotions désagréables en conservant les vêtements, ce qui renforce le mécanisme du trouble. Elle peut aussi par exemple accumuler davantage de vêtements pour obtenir du plaisir. Cela entraîne des difficultés à débarrasser, désencombrer ou à se séparer d’objets et entraîne la personne dans un cercle vicieux et d’aggravation de ce trouble.

Qu’est ce qu’une TCC / TCCE, et comment fonctionne cette thérapie?

Les Thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles (TCCE) sont des prises en charge brèves. Elles se basent sur des recherches scientifiques, dont l’efficacité est prouvée. Ce sont des thérapies actives : le patient est rendu expert de son trouble, soutenu par l’expertise de la thérapie que maîtrise le psychologue. La prise en charge s’articule notamment autour des pensées, émotions et comportements ressentis et vécus par la personne lorsqu’elle se trouve dans des situations déclenchant le trouble. Les principes actifs de la psychothérapie avec les TCCE sont entre autres l’exposition (face à des situations à risque où l’objectif est la non-acquisition des objets), la résolution de problèmes, la prise de décision (garder contre s’en séparer), la restructuration des pensées, la relaxation, ainsi que le rangement et tri au domicile avec le patient.


#santé mentale

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