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« Je t’aime camarade », contre les violences vécues au sein de groupes militants

La militante féministe Florence Poznanski désire rompre le silence face à la violence vécue dans les milieux militants. Elle présentera sa conférence gesticulée « Je t’aime camarade », mercredi 28 mai à la Maison citoyenne et jeudi 29 mai à L’Orée 85.

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« Je t’aime camarade », contre les violences vécues au sein de groupes militants
Florence Poznanski a trop souffert de la violence en milieu militant pour ne pas tenter de modifier les rapports.

« Il y a une citation de Sara Ahmed que j’aime beaucoup : rien ne garantit qu’en luttant pour la justice, nous serons justes », déclare Florence Poznanski, quarantenaire et militante féministe. L’activiste propose depuis 2023 une conférence gesticulée, un monologue mis en scène de manière théâtrale, intitulée « Je t’aime camarade, manifeste pour des organisations militantes plus joyeuses ». Elle sera en représentation mercredi 28 mai à la Maison citoyenne au Neudorf et jeudi 29 mai à l’Orée 85 à la Meinau.

Militante dans différents collectifs et engagée au Parti de gauche pendant 12 ans, Florence Poznanski souhaite par son expérience « apporter des éléments pour comprendre les mécanismes de violence au sein des groupes militants. »

En 2023, elle est en charge de la mise en place de la cellule contre les violences sexistes et sexuelles au Parti de gauche. Elle raconte :

« Il y avait des tensions très fortes entre les membres du parti et qui m’ont impactées directement. Je me suis sentie anesthésiée, j’avais l’impression de devenir une bureaucrate. Je n’avais plus envie d’agir. J’avais des tremblements liés à mes angoisses. Je n’avais pas d’espace pour en discuter et savoir que je n’étais pas seule à vivre cette expérience. »

Pour Florence Poznanski, « les oppressions systémiques de genre, de classe… influencent aussi les comportements des militants » :

« Ces mécanismes d’oppression rigidifient et infectent les luttes. Par exemple, lorsque l’on est confronté à des luttes qui épuisent, qui ne sont jamais gagnées, il y a une forme de tristesse profonde qui s’installe et qui réduit notre sensibilité jusqu’à notre volonté d’agir. »

Visibiliser les oppressions et en parler

L’activiste « ne pense pas qu’il soit possible d’abolir les oppressions. » mais elle souhaite « les visibiliser et les prévenir. » C’est lors de son expatriation au Brésil entre 2011 et 2020, qu’elle découvre le philosophe Paulo Freire et ses idées pour améliorer la cohésion au sein des groupes militants :

« Pour Freire, toutes les personnes sont dotées d’un savoir né de leur vécu. Rassembler les expériences permet de construire un « commun politique » et mener des actions collectives. Ce partage des récits de vie crée des liens entre les militants. »

La conférencière mène depuis lors des ateliers auprès de collectif et d’associations afin de libérer la parole au sein des milieux militants sur les tensions internes et les difficultés rencontrées dans les luttes. « Je suis intervenue dans un tiers-lieu associatif en 2024 dans le centre de la France », cite-t-elle en exemple :

« Les nouveaux bénévoles du tiers-lieu se sentaient peu valorisés alors qu’ils s’investissaient beaucoup. Ils essuyaient les critiques des anciens, déçus de voir que la fréquentation du lieu ne s’améliorait pas. Lors de l’atelier, on a crée un temps pour raconter les histoires personnelles et les griefs de chacun. Finalement, le conflit et les reproches se sont apaisés »

Une parole libérée mène à une lutte joyeuse

Cette parole libérée doit mener à une lutte plus joyeuse et créative selon Florence Poznanski :

« Comme l’ont théorisé Carla bergman et Nick Montgomery, deux militants canadiens, la joie militante s’installe quand la cohésion est importante entre les personnes. Elle crée une forme de spontanéité, la joie n’est pas que le bonheur, elle est aussi le fruit de souffrance. Mais la joie va permettre une forme de créativité. »

Pour illustrer son propos, elle s’appuie sur sa propre expérience au sein du Mouvement des sans-terre, une organisation brésilienne qui milite pour que les paysans sans patrimoine foncier puissent cultiver des terrains inutilisés. « Les conditions de cette lutte paysanne sont difficiles » raconte Florence Poznanski :

« La répression de la police est très forte, les militants s’installent sous des toiles de tente dans des conditions précaires… Pour réussir, la cohésion entre les membres doit être puissante. Alors pour célébrer leurs liens et sensibiliser, ils convoquent la poésie et le théâtre. »

Est-ce que militer dans la joie revient à produire une forme d’art ? Florence Poznanski admet qu’il « y a peut-être cette recherche créative dans ma conférence gesticulée. »


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