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À Stimultania, Yana Kononova interroge la mémoire de la terre d’Ukraine

À Stimultania, l’exposition The Basilisk de l’artiste ukrainienne Yana Kononova transforme les paysages ravagés en lieux de mémoire. Une traversée sensorielle entre deuil, foi et résistance.

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À Stimultania, Yana Kononova interroge la mémoire de la terre d’Ukraine
Photo d’entrée de l’exposition

Dès l’entrée dans la salle d’exposition de Stimultania, située dans le quartier Gare de Strasbourg, une atmosphère dense et silencieuse s’impose. Dans la pénombre, les photographies en noir et blanc de Yana Kononova semblent émettre leur propre lueur. The Basilisk n’est pas qu’une exposition : c’est une expérience immersive où la guerre devient matière, et la matière, mémoire. 

Co-produite avec le Centre du patrimoine arménien à Valence, qui a pour objectif de  sensibiliser les gens au « monde conflictuel », l’exposition s’inscrit dans le sillage d’un travail photographique et expérimental que l’artiste développe depuis plusieurs années en Ukraine. Le titre The Basilisk fait référence au serpent qui se faufile et s’entrelace, symbole des sensations de l’artiste face à la guerre et à son identité ukrainienne, un va-et-vient constant entre passé et présent. Kononova s’intéresse aux traces invisibles de la guerre, à ces « radiations » qui imprègnent sols, corps et objets bien au-delà des zones de combat.

Photo de Izyum Forest (2022), Yana Kononova, The Basilisk à StimultaniaPhoto : Talia Mikaelian

Au cœur du parcours, la série Izyum Forest (2022) donne le ton. Face à une fresque panoramique retraçant l’exhumation de fosses communes à Izyum la même année que la réalisation de l’œuvre, les visiteurs deviennent témoins d’une scène à la fois documentaire et sacrée. Les secouristes, revêtus de combinaisons blanches, apparaissent comme des figures liturgiques, officiant un rituel de réparation silencieuse. La forêt, quant à elle, semble absorber la douleur du lieu : ses arbres deviennent les gardiens d’une mémoire impossible à effacer.

L’exposition se clôt sur Thresholds (2024), une installation inspirée de l’iconostase orthodoxe. Trois panneaux verticaux fragmentent l’espace et exposent des photographies mêlant paysages et traces de guerres. Au centre, une fente laisse passer le regard sur la seule image apaisée de tout le parcours : un champ ouvert, un arbre solitaire, et une vache. Après les visions de destruction et de douleur qui jalonnent l’exposition, cette scène suspendue agit comme un souffle, une respiration, un instant de calme inattendu. On perçoit à travers cette fente une réalité parallèle, où le temps semble suspendu et où la vie ordinaire reprend ses droits. L’œuvre traduit le sentiment de l’artiste : la guerre crée un décalage, une limite invisible qui sépare le quotidien de l’absurde et de la violence.


#Art contemporain

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