« Vivre dans un dépotoir, ça me déprime », souffle Amal (le prénom a été modifié). Depuis un mois, la résidente de la Cité des peupliers cherche à joindre Neolia, le bailleur social de son immeuble. « Pour qu’on vide les poubelles, qu’on s’occupe des herbes foisonnantes et qu’on remette un peu d’ordre ici », explique-t-elle. En vain. Les parties communes du 314 avenue de Colmar tombent en décrépitude. Exaspérés, plusieurs locataires songent à déménager.
Poubelles abandonnées et invasion de mouches
La mère nous fait visiter son cocon de 80 m², décoré avec goût et d’une propreté irréprochable. Dans la cuisine, sa fille prépare un brunch à base d’omelette et d’avocat. Un réveil en douceur, mises à part… les mouches qui envahissent la pièce. « La poubelle vient d’être changée, mais c’est toujours infesté. On ne peut même plus déjeuner tranquillement », fulmine -t-elle. Du haut de son balcon, elle aperçoit le capharnaüm qui sert de coin poubelle :
« Les odeurs nauséabondes sont si fortes qu’elles remontent jusqu’au 4ème étage. Impossible d’ouvrir la fenêtre sans être envahies par des bêtes. Alors que ma cuisine est impeccable ! C’est invivable. »
Ce matin-là, deux agents taillent les haies et tondent la pelouse. « Mon pire chantier », estime l’un deux :
« Quand on est venu ici pour la première fois, on a mis deux jours à tout déblayer. Ça devait faire un an que personne n’avait tondu. Parmi toutes nos interventions, les plus gros problèmes viennent de Neolia, qui ne commande qu’une taille en hiver contre les deux préconisées à l’année. Je pense qu’ils tirent les sous partout et préfèrent laisser les gens râler. »
Incivilités entre voisins
« Maintenant, même les personnes respectueuses se laissent aller, déplore une autre habitante. Si tout le monde jette ses poubelles n’importe où, ça devient l’anarchie » :
« Il ne s’agit pas d’incriminer tel ou tel voisin, chacun fait ce qu’il veut chez soi. Au lieu de laisser s’installer cette ambiance néfaste, il faudrait à l’ordre ceux qui fument des joints dans la cage d’escalier, mettent leur sono à fond à 4h du matin ou laissent traîner leurs paquets de chips et canettes. Sinon, il n’y a plus aucun respect. »
7 mois sans eau chaude
À la Cité des peupliers, les désagréments pullulent. De novembre à mai, Amal et ses deux enfants ont souffert d’une chaufferie défaillante. Vidéos à l’appui, elle se remémore cette période pénible, en attendant d’être remboursée par Neolia :
« Pour se laver, on devait chauffer l’eau à la bouilloire et la verser dans un saladier. En plus, un technicien a constaté que la température de mon logement était de 17 degrés, contre les 20 degrés contractuels à respecter. Je ne peux plus vivre ici. Je paie 53 euros de charges par mois, je n’ai ni cave ni grenier. Au bout d’un moment, stop. J’ai grandi au Neuhof, j’étais venue ici pour élever mes enfants dans un environnement sain. Je n’arrive pas à croire que je subis ça depuis 20 ans. »
« On a besoin d’un concierge, et vite ! »
Dans le bâtiment d’en face, Saïda et son mari Saïd Toutouh respirent la bonne humeur. Pourtant, le délabrement des lieux pèsent sur leur quotidien. « Pour inviter des amis à déjeuner, j’y réfléchis à deux fois, reconnaît Saïda. C’est la honte, regardez l’état des parties communes. »
Pour Saïda, la Cité des peupliers est une histoire de famille. Les Chemlali ont grandi ici. Son frère Ahmed, sa belle-sœur ainsi que son père Chaid, 72 ans, sont devenus ses voisins. Habitant au dernier étage sans ascenseur, Chaid Chemlali a dû se passer de lumière dans les couloirs pendant plusieurs semaines. Saïda souligne l’importance d’Ali, qui a été le concierge de l’immeuble jusqu’en mars :
« J’ai signalé la coupure de courant à Neolia. Rien n’a été fait. Les jeunes peuvent mettre le flash sur leur téléphone pour s’éclairer, mais pas mon papa de 72 ans. Il est tombé, il a eu plein d’hématomes. Quand Ali est arrivé, ça a été réglé en une journée. On le considérait comme un membre de la famille tant il était bienveillant, souriant. Mais il est parti après six mois. Apparemment, on lui aurait refusé une augmentation. Même si on ne retrouvera jamais une perle comme lui, on a besoin d’un concierge, et vite ! »
Les promesses de Neolia
« Neolia n’entretient pas l’immeuble régulièrement. Ça bouge seulement quand on pousse un coup de gueule. Mais on est fatigué de les appeler sans cesse, on n’a pas que ça à faire ! »
Une locatrice de la Cité des peupliers
Contacté, le bailleur social se dit « parfaitement conscient des dysfonctionnements sur cet immeuble ». Neolia promet d’organiser à l’automne une rencontre avec les habitants pour recueillir leurs doléances. En 2021, la Cité des peupliers devrait être réhabilitée pour « améliorer la performance énergétique des bâtiments et le bien-être des résidents. » L’organisme assure également qu’Alexandre, un nouveau concierge, a pris ses fonctions le 1er juillet. Au milieu de l’été, les résidents interrogés par Rue89 Strasbourg ne l’avaient encore jamais rencontré. « Il rentrera de congés début août », explique le bailleur.
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