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À Schiltigheim, l’opposition accuse le maire d’avoir bradé l’ancienne mairie

En novembre, après un appel d’offres, la municipalité de Schiltigheim a choisi de vendre les bâtiments de l’ancienne mairie, ainsi qu’une maison avoisinante avec un jardin attenant, rue Principale en plein centre de Schiltigheim. Le promoteur, G.E. Lux Immobilier, qui a remporté le concours, a ensuite fait appel au cabinet d’architectes ODM, où le fils de Jean-Marie Kutner, maire de Schiltigheim, est salarié.

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À Schiltigheim, l’opposition accuse le maire d’avoir bradé l’ancienne mairie

Début avril, Raphaël Rodrigues, clerc de notaire habitant Schiltigheim, regrettait dans une publication sur Facebook la vente de deux lots du centre de la commune à un promoteur immobilier : celui de l’ancienne mairie et d’une maison avoisinante avec un jardin de 11 ares, rue Principale. Vente trop discrète et prix trop bas, l’opposition municipale s’est emparée du dossier dans sa guérilla contre le maire, Jean-Marie Kutner (UDI).

En juillet 2016, à l’issue d’un concours entre plusieurs projets, c’est le promoteur immobilier de G.E. Lux qui a remporté ces deux lots. Pour Andrée Muchenbach, conseillère municipale d’opposition (Unser Land), les négociations se sont faites en catimini :

« Le projet de vente n’a pas été discuté en commission. Et surtout le montant de la vente, 500 000 euros pour l’ancienne mairie et 300 000 euros pour la maison avec le jardin de 11 ares, est largement en dessous du potentiel des bâtiments, situés en centre-ville. Les deux autres projets proposaient un prix d’achat à 505 000 et 600 000 euros pour la mairie. Pourquoi a-t-on sélectionné l’offre la plus basse ? »

De son côté, Jean-Marie Kutner réfute avoir caché des éléments à son opposition:

« Le passage en commission municipale n’est pas obligatoire. De plus, tous les éléments sont à la disposition des élus. Ils peuvent venir les consulter quand ils le souhaitent. »

L’ancienne mairie, nouvel objet de tensions à Schiltigheim (capture d’écran Google Maps)

Selon les réfractaires au projet, le bien a été sous-estimé

Ce bâtiment historique du XIXe siècle, qui a hébergé la mairie de 1870 à 1970 puis l’école municipale de musique jusqu’en 2004, dispose d’une surface de 960 m2. Il a été vendu environ 500 euros le mètre-carré, alors que le prix aux alentours est au dessus de 2 000 euros le mètre-carré.

Un prix jugé beaucoup trop faible compte tenu de l’emplacement et de l’aspect historique de l’ancienne mairie. Raphaël Rodrigues estime mauvaise l’estimation sur laquelle repose la vente :

« Je ne comprends pas le montant de l’estimation de France Domaine. Rien que la maison distante, avec le jardin valait au moins 600 000 euros, et non 300 000. »

Nathalie Jampoc-Bertrand, conseillère municipal d’opposition (PS), a également été étonnée par le montant de l’estimation :

« C’est vrai que ça m’a paru un peu bas, par rapport aux autres prix du marché. Mais on ne peut pas aller contre l’estimation de France Domaine. »

Pour Jean-Marie Kutner, maire de Schiltigheim, il n’y a pas eu d’erreur d’estimation :

« Il était hors de question de laisser dépérir ce bâtiment, qui est inoccupé depuis 14 ans. L’estimation par France Domaine est obligatoire, le bâtiment est en mauvais état, d’où cette estimation de 388 200 euros. Nous l’avons vendu à 500 000 euros, soit 30% de plus. Nous avions en effet d’autres propositions plus élevées, mais elles ne respectaient pas autant l’intégrité du bâtiment. Un des projets par exemple ne conservait pas le magnifique hall d’entrée. »

Pour l’opposition, le bâtiment historique méritait mieux

En outre, les opposants contestent la destination du projet : la construction de 17 de logements. Pour Andrée Muchenbach, le bâtiment historique méritait mieux :

« Ils vont y faire des logements, mais on aurait pu y voir une médiathèque ou un centre de création. Et le jardin va être transformé en parking, alors que les écoles avoisinantes ont la plus haute concentration d’enfants dans le coin. »

Même constat pour Nathalie Jampoc-Bertrand, qui a voté contre aux deux projets :

« Le fait que le bâtiment de l’ancienne mairie soit restauré est une bonne nouvelle, mais c’est un énième projet pour les promoteurs à Schiltigheim. Sur chaque espace vert, la municipalité bâtit. Il n’y a plus d’endroits où les habitants peuvent se retrouver, d’espaces verts ou de lieux pour les associations. On accueille des habitants sans avoir les services publics ou les transports qui suivent. C’est dommage. »

Andrée Muchenbach avait déposé un recours gracieux contre la vente auprès de la mairie. Ce recours a été refusé. Elle s’est alors dirigée vers le tribunal administratif pour faire annuler la vente en plaidant une « erreur manifeste d’estimation ». La date du rendu de la décision n’est pas encore connue.

Dans le cabinet d’architectes en charge de la rénovation, un certain Jean-Philippe Kutner

C’est encore Raphaël Rodrigues, qui, sur un autre post Facebook datant du 7 avril, a pointé que dans le cabinet d’architectes chargé de la restauration, Atelier Oziol – De Micheli (ODM), travaille un certain… Jean-Philippe Kutner, fils de Jean-Marie Kutner :

« Jean-Philippe Kutner a réagi de façon assez virulente à une de mes publications, j’ai fait le lien et j’ai vu qu’il travaillait pour ce cabinet d’architectes. Je trouve presque naturel qu’un père fasse travailler son fils, le problème c’est le prix de vente. Donc les deux ensemble, ça fait beaucoup. »

Pour Nathalie Jampoc-Bertrand, ce lien de parenté pose question :

« Evidemment, on se pose la question du conflit d’intérêts. Mais je ne veux pas polémiquer, ça ne sert à rien. »

De son côté, Jean-Marie Kutner se dit indigné par les sous-entendus de conflit d’intérêts :

« Mon fils est salarié d’ODM, il n’a pas de pouvoir de décision. De plus, il ne travaille même pas sur le dossier de l’ancienne mairie. Ce cabinet est un spécialiste reconnu dans tout l’Est de la France pour la restauration des bâtiments anciens, G.E. Lux Immobilier avait déjà l’intention de travailler avec eux avant de remporter le concours. J’ai porté plainte pour diffamation contre ces propos, qui contiennent des sous-entendus honteux. »

Les travaux de restauration ont débuté en février et devraient s’achever en fin d’année.


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