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Actuelles XV : donner voix aux dramaturges d’aujourd’hui

Du 12 au 16 mars, retour aux Taps Gare des Actuelles XV: pour la huitième saison consécutive, le festival permet chaque soir au public de plonger dans l’univers d’un jeune auteur, autour d’un concept convivial. L’occasion de découvrir des plumes d’aujourd’hui et de s’interroger sur la posture de dramaturge en 2013.

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Actuelles XV : donner voix aux dramaturges d’aujourd’hui

Le concept: donner voix au texte d’un jeune auteur, qui entend ses mots dans la bouche d’un autre pour la première fois. (Photo Raoul Gilibert)

Depuis des années, le fer de lance des Taps est la découverte d’auteurs, de pièces et de projets contemporains, les « classiques » ne représentant qu’une infime partie de la programmation du Théâtre Actuel et Public de Strasbourg. Le festival Actuelles persiste et signe : depuis 2005, une soixantaine d’auteurs y sont passés, dressant le tableau hétéroclite de l’écriture dramatique d’aujourd’hui. Rebelote cette année.

Actuelles XV : mode d’emploi d’une lecture-dégustation

Pendant une semaine, le public est invité à découvrir 5 jeunes auteurs via la lecture de leur texte par des comédiens, le tout agrémenté de musique. L’auteur est là, quelque part dans la salle, il découvre d’ailleurs la mise en voix de son texte en même temps que le public. C’est là le plus intéressant, puisque l’après-lecture donne lieu à un échange d’avis et d’impressions entre l’auteur, les comédiens et les spectateurs, sous l’égide du journaliste Guy Wach. Cerise sur le gâteau : les saveurs du texte sont accompagnées d’autres, beaucoup moins abstraites, puisque le cuisinier Benoît Gonce concocte chaque soir des délices directement inspirés par le texte lu.

Public, auteur, comédiens, organisateurs… tout le monde se mélange et échange à l’issue de la lecture. (Photo Raoul Gilibert)

Les jeunes talents sont d’ailleurs à l’honneur sur toute la ligne, puisque les Actuelles XV ont établi un partenariat avec la section scénographie de la Haute Ecole des Arts du Rhin (HEAR), qui signe le dispositif scénographique, ainsi qu’avec les collèges Louise Weiss et Louis Pasteur. Les élèves auront ainsi la chance (très rare) de lire la pièce à son auteur et d’échanger avec lui.

Le calendrier

Mardi 12 mars, 20h30 : Transit(s), de Léonore Confino
Léonore Confino (photo Jérémie Prete)

Dans cette famille banlieusarde de consommateurs d’aujourd’hui, la communication n’existe plus vraiment. Le fils est vissé à ses écrans, la fille anorexique devient transparente et la mère s’évertue à préparer des repas que personne ne prend. Mais la mort du grand-père va bouleverser un peu ce terne quotidien et faire éclater enfin la parole.

 

 

Mercredi 13 mars, 20h30 : Le Projet Beat, de Laure Giappiconi
Laure Giappiconi (photo Céline Nieszawer)

Une jeune comédienne qui tente de passer son permis de conduire découvre un ouvrage traitant des femmes dans le très masculin mouvement de la Beat Generation. Touchée par le sujet, elle se met à faire des recherches sur leur histoire. Leurs voix, morcelées, vont alors se mêler à la sienne pour s’interroger sur ce qu’est être femme artiste et femme d’artiste, entre solitude, renoncement et amour.

 

 

Jeudi 14 mars, 20h30 : La Liberté, de Martin Bellemare
Martin Bellemare (photo Francis-William Rhéaume)

Ce texte, qui a reçu l’aide à la création du Centre National du Théâtre et a été retenu par le Bureau des Lecteurs de la Comédie-Française, nous raconte l’histoire d’un couple de quarantenaire. Lui travaille pour le gouvernement. Et voilà que le fils veut suivre la voie du père. Cette plongée dans la famille pose une question fondamentale : quelle est la mesure de notre liberté dans une société hyper organisée qui prend en charge une partie de nos propres responsabilités ?

Vendredi 15 mars, 20h30 : Spécimens humains avec monstres, d’Alice Zeniter
Alice Zeiniter (photo Clément Mercier)

Une armée, celle du général Pol, est là, prête au combat depuis un certain temps déjà, n’attendant plus que le conflit. Mais celui-ci ne se décide pas à éclater. Alors les soldats se mettent à réfléchir à leur condition, à regretter leur femme, à fantasmer sur les images que livrent les caméras. Leur pays peut-il les voir à la télévision?

Samedi 16 mars, 20h30 : SStockholm, de Solenn Denis
Solenn Denis (DR)

Un homme, une femme, une fillette… Bref, la normalité familiale. Mais quelque chose, comme un grain de sable dans les rouages, vient insinuer le doute, la répétition, la tension, la violence. Autant d’ingrédients bien présents dans la réalité de nos faits-divers.
Pièce primée par le CNT en 2011 et le Prix Godot en 2012.

 

Ces 5 textes ont été sélectionnés par un comité de lecture. Xavier Boulanger, comédien et l’un des coordinateurs du festival, détaille le mode de sélection :

« Nous réceptionnons environ 150 textes de théâtre par an, que les auteurs nous envoient directement. Notre comité de lecture, constitué d’une douzaine de personnes de tous bords et répertorié au CNT, se réunit tous les 3 mois. Les textes qui retiennent notre attention passent en relecture avant d’être sélectionnés pour de bon. Il faut ensuite trouver une date, des comédiens, un musicien… et fournir le texte au cuisinier pour qu’il s’en inspire ! »

Blanche Giraud-Beauregardt, comédienne et autre coordinatrice du festival, précise :

« Il n’y a pas de fil d’Ariane entre les textes, même s’ils mettent en avant la sensibilité, la famille, l’enfermement aussi. La sélection répond à une subjectivité évidente. Ce qui amène parfois des conflits entre les membres du comité! Il faut savoir reconnaître la valeur d’un texte, même quand il ne nous plaît pas. Les textes ont toujours besoin d’être soutenus. »

 Moi, auteur de théâtre en 2013…

La question du soutien est effectivemment fondamentale et le profil des 5 auteurs sélectionnés en est la preuve: tous comédiens parallèlement, ils ne sauraient vivre exclusivement de leur plume, même si la législation du droit d’auteur n’a cessé de progresser au fil du temps (voir encadré). Laure Giappiconi livre :

« J’ai toujours écrit, mais je ne me définirais pas comme dramaturge. Je vis de mon travail de comédienne. C’est très difficile de monter ses spectacles, le contexte n’est pas fait pour ça. Il faut passer beaucoup de temps au relationnel, à la communication, à se vendre…et avoir un réseau évidemment ».

Et Léonore Confino de renchérir :

« Je travaille avec la Cie du Sillon. Lorsque j’écris une pièce, je sais donc qu’elle pourra se monter et c’est déjà une énorme chance de ne pas être un auteur isolé. Mais le devenir d’une pièce est totalement imprévisible. C’est un défi de tenter de faire vivre cette étrange chose qui sort de nos têtes : le théâtre contemporain. D’autant plus qu’une pièce qui marche comporte un gros risque: vouloir en faire une seconde qui marche aussi, tomber dans le calcul… La grosse difficulté est d’être dans une économie complexe, et d’y garder liberté et fraîcheur. »

Les Actuelles représentent ainsi un tremplin non négligeable, une première existence scénique pour des textes qui mettront parfois des années avant d’être montés. Un réel moment d’échange aussi, qui casse ce fameux 4ème mur, rejettant le public dans une obscurité silencieuse. Il n’est donc pas insignifiant que la scénographie imaginée chaque soir par les étudiants de la HEAR englobe la scène et la salle dans un même espace.

Le concept, qui commence a vraiment s’installer dans le paysage culturel strasbourgeois, est un vrai choix de la part des Taps, préférant mettre en voix – et non mettre en scène, toujours pour des raisons budgétaires – des textes inédits plutôt que de programmer un spectacle de plus. Reste à convaincre toujours plus largement le public, à qui le théâtre contemporain peut faire peur et qui cherche souvent à être rassuré par une énième mise en scène d’un texte bien connu.  Qui sait, parmi ces jeunes talents se cachent peut-être les classiques de demain ?

Pas de 4ème mur pour découvrir l’écriture contemporaine. (Photo Raoul Gilibert)

Y aller

Actuelles XV, du 12 au 16 mars, Taps Gare (Laiterie), 10 rue du Hohwald. Tarif unique: 6€, pass 5 soirées: 15€. Réservation au 03 88 34 10 36, par mail: resataps@strasbourg.eu ou sur www.taps.strasbourg.eu.


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