Malaises d’ouvriers du bâtiment, sportifs en hyperthermie, personnes âgées en décompensation respiratoire… Avec le dérèglement climatique, les services d’urgence alsaciens sont désormais habitués aux pathologies spécifiques des canicules. « Il y aura forcément, en 2025, une surmortalité liée à la chaleur », prédit Éric Thibaud, responsable des urgences aux Hôpitaux civils de Colmar.
Parmi les patients qu’il attend, il évoque d’abord, le « cas caricatural du coup de chaleur » d’un « jeune qui a fait du sport ou d’un travailleur en plein air ». Le deuxième type de patients est constitué de « personnes âgées qui ont un logement avec une température trop élevée, ou des malades présentant des insuffisances cardiaques et respiratoires qui décompensent ».
Toutes ces personnes présentent en général « une hyperthermie : leur organisme n’arrive plus à réguler la chaleur. Or une température du corps de 42 degrés n’est pas compatible avec la vie ». Les victimes peuvent avoir chuté, perdu connaissance, et certains malaises peuvent aller « jusqu’aux convulsions ou au coma ».
Surmortalité statistiquement liée à la température
« Face à ça, on essaye de baisser mécaniquement la fièvre des patients, relate Éric Thibaud. On les installe dans une pièce climatisée, avec de la glace par exemple. » Les canicules augmentent l’activité des services d’urgence et de SOS médecins. Dans le Grand Est, Santé publique France a relevé « 1 152 passages aux urgences (dont 747 suivis d’une hospitalisation) et 246 actes SOS Médecins » pour des problèmes liés à la chaleur, du 1er juin au 15 septembre 2024.
Les morts brutales arrivent mais elles sont rares. « On a peu de personnes qui décèdent directement aux urgences en raison de la chaleur », précise Éric Thibaut :
« C’est plus insidieux. Nous voyons notamment une surmortalité dans les services de gériatrie. Les effets sur les personnes peuvent se déclarer plus tard, parfois des semaines après les fortes températures. »
La chaleur intervient comme un facteur aggravant, qui participe à provoquer les décès. Les études statistiques montrent une nette augmentation de la mortalité, liée aux températures. Santé publique France a développé des modèles pour estimer le nombre de morts causés par la chaleur (voir les détails du calcul). Les scientifiques ont observé les chiffres des décès en fonction de la température sur plusieurs années et comparent le nombre de morts attendu sans chaleur particulière avec le nombre de décès déclarés lors de périodes de fortes chaleurs.
5 000 décès imputables à la chaleur en France en 2023
Résultat, Santé publique France attribue 389 décès à la chaleur dans le Grand Est, lors de l’été 2024, alors même qu’aucune canicule n’avait été constatée. Pendant l’été 2023, les habitants de la région ont vécu deux canicules et l’organisme public impute 486 morts aux hautes températures selon son bilan : « Sur l’ensemble des 2 périodes de canicule, il est estimé que 12,8% de tous les décès observés étaient attribuables à la chaleur, dont deux tiers de personnes de plus de 75 ans. » Enfin, en 2022, 546 personnes seraient mortes à cause des hautes températures dans le Grand Est. Cela fait un total de 1 421 décès liés à la chaleur pendant les étés 2022, 2023 et 2024.
Les chiffres de 2025 risquent de ne pas être plus réjouissants au vu des températures observées fin juin et début juillet. Ce phénomène ne concerne évidemment pas que le Grand Est. En France, environ 5 000 personnes sont décédées à cause de la chaleur pendant l’été 2023, dont 25% de personnes ayant moins de 75 ans, toujours d’après Santé publique France. Malgré le risque que la situation ne s’aggrave, la droite au gouvernement enchaine les renoncements aux politiques environnementales.
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