
Environ 45 000 personnes ont défilé dans les rues de Strasbourg dimanche en hommage aux 17 victimes tuées entre le 7 et le 9 janvier. Au delà de cette forte unité au rassemblement de dimanche, Rue89 Strasbourg a recueilli les sentiments de Strasbourgeois pour les suites de cette mobilisation exceptionnelle.
Les estimations finales parlent de plus de 3,7 millions de personnes voire d’un comptage « impossible » à Paris pour le ministère de l’Intérieur. En France, la journée du dimanche 11 janvier est le plus grand rassemblement jamais recensé. Et il n’y a pas eu un seul incident. Ailleurs dans le monde, à Berlin, à Athènes, à Jérusalem, à Bruxelles ou ailleurs, l’hommage était partagé.
Deuxième plus grand rassemblement depuis la Libération
À Strasbourg, la marche collective en hommage aux 17 victimes tombées entre le 7 et le 9 janvier et contre le terrorisme est le deuxième plus grand rassemblement depuis la Libération. En 1997, 50 000 personnes avaient battus le pavé dans les rues contre la tenue du congrès du Front national à dans la capitale alsacienne.
D’autres villes moins peuplées ont su davantage fédérer (Rennes, Brest, Grenoble, Saint-Etienne…). Il est vrai que d’autres rassemblements en Alsace, à Obernai, Colmar, Mulhouse ou même des plus petites communes ont aussi mobilisé.
Des citoyens se relayent en tête
Bien qu’il n’y avait pas de consigne officielle, beaucoup d’organisateurs comme de participants avaient émis le souhait que personne ne vienne avec des symboles d’organisations. Cette volonté est devenue quasi-unanime. Des citoyens se sont relayés en tête de cortège, sans récupération ostensible. Comme un symbole, la sociologue turque de l’Université de Strasbourg Pinar Selek a ouvert le cortège pendant une partie de la procession.
Rue89 Strasbourg s’est demandé avec les Strasbourgeois, comment cette impressionnante unité du jour peut perdurer et empêcher notre société de se diviser à l’avenir. Car c’est bien l’un des buts de ces attaques : que notre société, dont l’équilibre est déjà fragile, se déchire demain sur ces questions, une fois que l’émotion sera passée et que le nécessaire débat commencera.
Plus de dialogue, plus de tolérance, pas d’amalgame, telles sont quelques unes des pistes dressées. S’il y a bien un constat unanime, c’est que cela ne sera pas facile.
Thomas, qui a passé la journée avec le mégaphone sur la camionnette en tête de cortège
« Ca marque qu’il y ait tant de monde. Honnêtement on tablait plutôt sur 20 000 personnes et les organisateurs se félicitent du déroulement de cette journée, sans heurt, sans affichage et sans récupération. Demain comment aller plus loin ? Déjà parmi les associations organisatrices de ce rassemblement, il y avait des avis très divergents sur ce qu’il fallait faire. Je ne sais pas si aujourd’hui on portait tous le même message. Il faudra beaucoup de compromis pour arriver à quoi que ce soit. Quand on voit les réactions de soutien envers ces terroristes, quelque chose a échoué dans notre société. »
Christine Panzer, présidente de l’ASTU, l’une des associations organisatrices.
Silvio, à l’origine du rassemblement de mercredi et l’un des organisateurs de celui de dimanche
« Aujourd’hui, nous sommes encore sur une réaction émotionnelle. Les personnes ne sont pas là seulement pour un hommage, mais aussi affirmer des valeurs auxquelles on tient. Mais pour des valeurs, il n’y a pas forcément de mesures concrètes et immédiates à prendre. Il faut réfléchir aux suite que l’on peut donner à cette mobilisation. En tant qu’organisateurs nous sommes vraiment heureux de voir que les organisations partisanes et les élus ont abandonné leurs étiquettes pour construire un véritable mouvement citoyen. »
Hélène
« Je vois les Musulmans différemment, car ce sont les premiers concernés par ce qui se passe et les amalgames. Maintenant, il faut encadrer les jeunes, notamment dans les écoles, les familles, les mosquées et les autres institutions religieuses. Cela passe par l’éducation et l’information. Faire parler les armes ne sert à rien, même si ça prend moins de temps. »
Véronique
« Les mouvements politiques comme le FN font en sorte qu’il y ait de la division et de la stigmatisation et pourtant aujourd’hui il y a beaucoup monde dans les rues car on a touché à la liberté d’expression et d’opinion. Je pense que c’est le début d’une réconciliation entre les Français autour de ces valeurs. »
Mickaël
« L’unité doit appeler à plus de réflexion. Il faut faire preuve de plus de tolérance suite à cette prise de conscience, qui doit durer. Ce sera difficile. »

Avenue de la Liberté pour rejoindre la place de la République. Comme un symbole (Photo Paul Voulleminot / Rue89 Strasbourg)
Senesie
« Il faut renouer avec le dialogue pour retrouver de l’harmonie. Organiser des débats, à petite échelle, dans chaque quartier et les petites communes. »
Dominique
« Une fois les pancartes reposées, il faut que tout le monde garde cet état d’esprit. Tant que les religions ne manifesteront pas contre ce qui est fait en leur nom les amalgames risquent de continuer. Pourquoi le font-elles pas plus ? Par peur ? »
Thomas
« Il faut un Patriot Act à la française, c’est à dire sans les dérives que l’on a connu avec la NSA aux Étas-Unis. La gauche veut moins de prison, mais la contrainte pénale ne concerne que les condamnations de moins de 5 ans, ce qui ne concerne pas les terroristes et la droite veut plus de prison pour tout le monde, alors que en fait c’est notre modèle carcéral qui ne fonctionne pas. Et pourtant, je travaille pour l’un de ces deux partis. Il faudrait se tourner vers un modèle à la Scandinave, des prisons semi-ouvertes à la campagne et qui mènent à moins de récidive. »
Mégane
« Il faut continuer à nous rassembler régulièrement, pas seulement lors d’événements tragiques. La société doit continuer à s’exprimer et à réfléchir. »
Sylviane
« Je crains que tout cela soit éphémère. L’humain ne réfléchit pas assez sur l’ensemble de la société. Il faudrait se mobiliser pareillement sur d’autres sujets comme la pauvreté. On en est arrivé là, car même en travaillant certains ne s’en sortent pas. Ma génération s’en sortait mieux, alors qu’il y a de plus de richesses aujourd’hui. L’union aiderait le monde.
Gilbert
« Le monde politique aura un rôle important à jouer. Continuer à avoir de l’unité et ne pas défaire ce que les prédécesseurs ont fait à chaque mandat. Dans l’association dont je suis membre nous allons continuer à évoquer le sujet. Il n’y aura pas de lendemain si ces journées ne sont pas suivies par des actes d’unité. Il faut continuer à défendre la laïcité, particulièrement ici en Alsace. »
Sabine et sa fille Cécile
Sabine : « Emmener ma fille était un déjà un geste important à ce niveau et elle était demandeuse pour venir. Je suis venu de loin, d’un village près de Marlenheim. C’est la première fois de ma vie que je manifeste. Il ne faut pas que cet élan retombe. »
Cécile : « Comme je suis dans une école de dessin, je me sens particulièrement touchée. Le dessin c’est l’expression. Avec notre classe nous avons fait beaucoup de travaux sur ce thème depuis mercredi. »
David et Sébastien
« Il ne faut pas se tromper d’ennemi désormais. On a senti un élan national et même international sur ce sujet. Il faut arrêter de culpabiliser les gens dès qu’ils s’expriment et de les mettre dans des cases dès que l’on est pas d’accord avec eux. Il faut apprendre à faire preuve de plus de discernement. »
Jeudi 8 janvier, le maire de Strasbourg, Roland Ries, a proposé que des représentants de l’ensemble des religions et des athées se rendent dans les écoles strasbourgeoises pour dialogue. Il est vrai que les enseignants, non préparés à ces situations, se sont trouvés désarçonnés.
Et vous quelles sont vos idées pour faire perdurer cette unité fragile ? Laissez-les en commentaire.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : [Diaporama] 45 000 personnes ont participé au cortège « Strasbourg est Charlie »
Sur Rue89 : Et demain, on fait quoi ?
Sur Rue89 : Charlie Hebdo : des millions de gens dans les rues
Sur Rue89 Strasbourg : Les réactions émues des Strasbourgeois mercredi soir
Que faire à l'école? Certains ont beau avoir essayé d'engager le dialogue, ils se sont heurtés aux positions radicales de certains élèves musulmans. "Après ces réactions nauséabondes, outrancières, j'ai grave les boules..., confie Olivier, prof d'histoire-géographie depuis 15 ans, à Slate.fr. Et tous ces élèves qui disent, 'oui mais ils ont quand même insulté le prophète'. Hier une mère a appelé sa fille au collège pour lui dire de ne pas respecter la minute de silence!"
On a manifesté hier ?
Même pas peur ? Des lendemains qui déchantent...
" Un adolescent de quinze ans est tombé dans un guet-apens après avoir défendu la tolérance et la laïcité sur Facebook. Les élèves mis en cause «se sont sentis attaqués dans leur religion», précise le proviseur.
Huit jours d'incapacité totale de travail (ITT) et le visage tuméfié. Un élève du lycée technique et professionnel Blaise-Pascal de Châteauroux (Indre) se souviendra longtemps de sa prise de position. Touché par l'attaque qui a visé Charlie Hebdo mercredi, l'adolescent de 15 ans a pris l'initiative d'écrire sur son compte Facebook des messages louant la tolérance et la laïcité. Mal lui en a pris, vendredi une dizaine d'élèves de son lycée l'attendaient dans le local à vélo, car ils se sont sentis attaqués dans leur religion, rapporte La Nouvelle République. «Ils lui sont tombés dessus», explique son père «en colère» qui «exige des sanctions». "
Sans commentaires. Notre avenir.
au momernt de marcher,beaucoup ne savent pas qu à leur tête marche l ennemi.
La voix qui les commande est la voix de leur ennemi;
celui qui parle de l ennemi est lui--même l ennemi.
Encore heureux que les vidéos de Paris, Marseille ou Lyon du rassemblement sont visibles parce qu'à Strasbourg, ces questions ne trouvent pas de réponse... tout du moins qui aillent dans le sens de la cohésion nationale...
Véronique
« Les mouvements politiques comme le FN font en sorte qu’il y ait de la division et de la stigmatisation et pourtant aujourd’hui il y a beaucoup monde dans les rues car on a touché à la liberté d’expression et d’opinion. Je pense que c’est le début d’une réconciliation entre les Français autour de ces valeurs. »
« Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les juifs, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas juif.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas catholique.
Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester. »
Martin niemöller, dachau
ARRÊTÉ en 1937 et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen.
Il fut ensuite transféré en 1941 au camp de concentration de Dachau.
Libéré du camp par la chute du régime nazi, en 1945.
L'Alsace s'est bel et bien mobilisé massivement.
Il faudrait se tourner vers un modèle à la Scandinave, des prisons semi-ouvertes à la campagne et qui mènent à moins de récidive (là les islamistes en prison vont apprécier) .
La dernière réflexion est la seule à comprendre ce qui se passe dans notre société laïque:
Quand on voit les réactions de soutien envers ces terroristes, quelque chose a échoué dans notre société. (cf Twitter...)
Quant à Luz, dessinateur rescapé de chez Charlie Hebdo, il se confiait hier au magazine les Inrocks: "ce sont des gens qui ont été assassinés, pas la liberté d’expression !”
Tant de manifestants pour la défense de la liberté d'expression, c'est bien mais il y a eu 17 morts et de nombreux blessés. La liberté d'expression perdure malgré cela, mais les victimes ne reviendront plus.
Demain, un millier de terroristes vont rentrer de Syrie. Les idées ne suffiront plus. Espérons que nos ministres donneront cette fois les moyens d'y faire face aux services du ministère de l'intérieur, pas comme l'été dernier ou ils ont abandonné la surveillance de ce groupe pour des raisons financières.