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Avant la collecte, la banque alimentaire grille ses dernières palettes

La grande collecte nationale a lieu les 23 et 24 novembre mais la banque alimentaire du Bas-Rhin, basée à Strasbourg, commence à tirer la langue. Si les produits frais rentrent encore, certaines denrées manquent en cette période de « soudure ». Et la banque, qui livre 2 000 tonnes de denrées par an à 83 associations du département, n’est pas au bout de ses peines : l’Union européenne devrait couper une partie de ses vivres dans un an, alors que les supermarchés réduisent aussi le volume des dons.

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Avant la collecte, la banque alimentaire grille ses dernières palettes

Les fournisseurs de la BA : particuliers, producteurs et industriels locaux, grandes surfaces, fonds national et européen d'aide alimentaire (Photo Alain Curie)

L’équation est à plusieurs entrées : d’un côté le budget de la banque alimentaire du Bas-Rhin, indépendante mais membre de la fédération des banques alimentaires de France, soit 750 000€, qui proviennent de l’Etat, du Fonds social européen, du conseil général, de la ville de Strasbourg et des 83 associations bénéficiaires. Ces dernières versent 3% de la valeur de l’aide alimentaire qu’elles reçoivent. Ce budget permet d’employer 15 personnes en insertion (parmi lesquelles Georges Cipriani, ancien d’Action Directe) et cinq personnels encadrants, de payer le loyer des locaux du 98 rue de la Plaine des Bouchers à Strasbourg, les charges, etc.

Si ce budget est à peu près sécurisé, la seconde entrée de l’équation l’est beaucoup moins : chaque année, la banque alimentaire du Bas-Rhin collecte 2 000 tonnes de denrées (soit, en valeur monétaire, 7 millions d’euros de marchandises) auprès de différentes sources. Le découpage se fait ainsi : 30% des denrées proviennent du programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD), 5% du programme national d’aide alimentaire (PNAA), 15% de la collecte nationale du mois de novembre (cette année, les 23 et 24 de ce mois), le reste émanant des industriels du secteur (Kraft Food, Alsace Lait…) et des invendus des grandes et moyennes surfaces (GMS).

L’aide européenne menacée

Plusieurs problèmes se glissent à ce niveau de l’équation. D’abord, emmenés par l’Allemagne, certains pays de l’Union européenne souhaitent mettre fin au PEAD en 2013, au motif qu’il n’y aurait plus de surplus agricoles en Europe, dans lesquels piochait auparavant l’Union pour arroser à bas coûts les bénéficiaires de l’aide alimentaire. Les banques alimentaires, mais aussi les Restos du cœur ou le Secours populaire se mobilisent pour que cette menace soit écartée. Sur le site national des banques alimentaires, on peut lire :

« La Commission européenne, a proposé le 24 octobre 2012 un nouveau règlement créant un Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis qui prendrait effet en 2014 et se substituerait à l’actuel PEAD.

Ce nouveau dispositif européen, pourtant essentiel pour nos associations, est largement en-dessous de nos espérances. La Commission propose une enveloppe de 2,5 milliards d’euros sur 7 ans, loin du montant de l’enveloppe existante qui est de 3,5 milliards d’euros sur la base du PEAD actuel.

Pourtant, les chiffres montrent que le nombre d’européens vivant en dessous du seuil de pauvreté et bénéficiant de l’aide alimentaire ne cesse de croître. De plus, la perspective légitime de l’ouverture de ce programme à tous les Etats [aujourd’hui, seuls 20 états sur 27 bénéficient du PEAD], induit de nouveaux besoins que l’Europe ne saurait ignorer.

Les associations alertent les décideurs Européens sur la nécessité de couvrir les besoins mesurés par la Commission elle-même, a minima 4,75 milliards d’euros. Il faut répondre réellement et durablement aux objectifs que l’Europe s’est fixés à l’horizon de 2020 en matière de lutte contre la pauvreté et permettre sans attendre, de nourrir 18 millions d’Européens. »

Concurrence de la SPA sur les invendus

A cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des banques alimentaires s’ajoute la baisse des denrées collectées dans les grandes et moyennes surfaces. Une baisse certes compensée par un élargissement de la zone de collecte, mais ennuyeuse tout de même. Coralie Tijou, directrice de la banque alimentaire du Bas-Rhin, regrette :

« Quand je suis arrivée en 2005 à la BA, les grandes surfaces nous donnaient des tonnes de viande, des camionnettes en étaient pleines ! Aujourd’hui, elles rechignent de plus en plus à nous en donner pour des questions d’hygiène. Par sécurité, elles préfèrent apporter leurs invendus à la SPA, alors que les dates de péremption ne sont pas dépassées et que leurs produits sont encore consommables par l’homme… »

Parallèlement à ces problèmes d’approvisionnement, les demandes des associations bénéficiaires (Plateforme solidarité Neudorf, les Jardins de la Montagne verte, Accueil Kœnigshoffen, Caritas, Emmaüs…), elles, ne cessent d’augmenter. Cette distorsion n’inquiète pas vraiment Freddy Sarg, président de la BA du Bas-Rhin et pasteur à Wolfisheim. Bien introduit dans les milieux politico-économiques, il est en lien notamment avec Joseph Daul, chef du groupe conservateur au Parlement européen. Il s’explique :

« D’autres sont très alarmés, moi je suis persuadé que cet arrêt du PEAD ne se fera pas brutalement. On trouvera des solutions, les états compenseront la perte. Et puis, nous bénéficions de nombreux dons de particuliers, notre équipe fait du très bon travail, des discussions sont en cours au niveau national… Tout va s’arranger ! »

Méthode Coué ? Une décision à l’échelle européenne devrait être prise le 23 novembre… jour de la grande collecte nationale des banques alimentaires justement.

Le café, une denrée rare et chère qui commence à manquer

Par ailleurs, l’équipe de la BA 67 attend beaucoup de cette grande collecte, qui aura lieu dans moins de trois semaines partout en France. Elle représente depuis quelques années 300 tonnes de marchandises collectées dans le Bas-Rhin, une manne qui mobilise toute l’équipe de la banque, des bataillons de bénévoles, et notamment ceux du Rotary club.

En attendant, les allées de l’entrepôt se vident et certains colis manquent parfois de café, de confiture ou de sucre, des denrées « rares et chères », nécessaires pourtant au fonctionnement des associations d’accueil de SDF par exemple. « Sans café le matin, témoigne une responsable de structure bénéficiaire de l’aide alimentaire, c’est très difficile de dialoguer avec nos résidents. On attend le mois de décembre avec impatience… »

Lors de la collecte, qui aura lieu dans tous les points de vente alimentaire du département, certains produits seront ciblés : le café donc, mais aussi le cacao, la confiture et les céréales du petit-déjeuner, les conserves de légumes, fruits, poissons et plats cuisinés, les légumes secs, le sucre et la sauce tomate. A noter que la banque alimentaire accepte les dons en nature ou en argent tout au long de l’année.

Y aller

Banque alimentaire du Bas-Rhin, 98 rue de la Plaine des Bouchers à Strasbourg. Contact : 03 88 40 30 40 ou ba670@banquealimentaire.org. Grande collecte, les 23 et 24 novembre 2012 dans toutes les grandes surfaces du Bas-Rhin.


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