Alors que le mouvement étudiant contre la loi Orientation et réussite étudiante (ORE) tient régulièrement une assemblée générale réunissant entre 500 et 800 étudiants sur le campus, le personnel au sein du personnel de l’Université de Strasbourg commence à s’organiser.
Lors d’une assemblée générale tenue jeudi matin à initiative de 8 syndicats de salariés, entre 100 et 150 professeurs de différents grades et agents administratifs (sur près de 10 000 personnes) ont réitéré leur opposition à la loi ORE à cause de la sélection qu’elle induit en adressant à la direction de l’Université et au gouvernement une série de motions, à retrouver au bas de cet article.
Chacun ses non-dits
Parmi ces motions, les employés demandent « le retrait de la loi ORE et du plan étudiant ». Ils s’inquiètent de « la suppression programmée des Centres d’Information et d’Orientation, à la réforme du lycée qui va accentuer le tri social des élèves et à la réforme du baccalauréat ».
Les personnels ne marquent pas noir sur blanc s’ils soutiennent ou non les blocages physiques des bâtiments. Néanmoins, l’Assemblée « apporte son soutien aux étudiants » de manière générale et « ne donne aucun crédit au sondage électronique » qui a dégagé une majorité en faveur des déblocages, ce qui fait office de réponse à demi-mot. Le vote en ligne est invérifiable d’un point de vue technique et la direction était juge et partie.
Le même jour, 29 directeurs sur les 35 composantes que compte l’Université de Strasbourg ont également acté une prise de position commune. De leur côté, c’est l’inverse. Ils « refusent » les blocages qui ne sont « pas légitimes ». En revanche, il n’y a pas de prise de position formelle pour ou contre la loi ORE (« nous avons des appréciations variées »).
Dialogue difficile
Dans leur texte, ces responsables indiquent aussi « tenir compte de la diversité des étudiants, […] afin d’offrir à chacun une formation adaptée » et avoir travaillé dans le cadre du nouveau site Parcoursup, qui remplace Admission Post-Bac (APB) à « l’offre de formation pour les prochaines années ».
Ce dialogue de sourd résume la complexité du débat actuel. Beaucoup d’opposants font le constat que le blocage est le meilleur (le seul ?) moyen de se faire entendre, même s’il n’y a pas eu de concession à ce jour. Pour d’autres étudiants et personnels, y compris chez certains opposants à la loi, limiter les blocages ainsi que les reports de cours et d’examens qu’ils entraînent prime sur l’avis de fond que l’on peut avoir pour ou contre la loi ORE.
Les motions de l’AG des personnels
L’Assemblée Générale des personnels de l’éducation et de la recherche réunis ce jeudi 19 avril 2018 à l’Université de Strasbourg :
● Soutient les collègues du lycée Jean Geiler de Strasbourg et dénonce la suppression d’un poste de CPE et de deux postes administratifs dans ce lycée, alors que l’accompagnement et l’orientation réelle dans les lycées est un enjeu majeur. Elle dénonce plus généralement le manque de postes administratifs pour le bon fonctionnement des lycées et de l’Université ;
● S’oppose à la suppression programmée des Centres d’Information et d’Orientation, à la réforme du lycée qui va accentuer le tri social des élèves et à la réforme du baccalauréat. Elle demande que les établissements d’éducation prioritaire soient dotés de réels moyens ;
● Dénonce l’écart colossal existant entre le financement par élève des classes préparatoires aux grandes écoles et par étudiant à l’Université et demande l’alignement par le haut de ce financement.
● Demande le retrait de la loi ORE et du plan étudiant, ainsi que la mise en place des moyens nécessaires et pérennes à l’accueil et à la formation de tous les bacheliers. Elle demande que la réflexion sur la transformation de l’ESR soit menée sur le long terme et sur des bases scientifiques sérieuses ;
● Demande que l’équipe présidentielle de l’Université de Strasbourg propose une mesure de validation de toutes les demandes d’inscription des lycéens bacheliers.
● Soutient les collègues qui ne souhaitent pas participer à la commission des vœux et qui considèrent ce travail comme inutile et contre-productif. Elle encourage l’ensemble des collègues à ne pas participer à ce mécanisme d’ordonnancement des dossiers des lycéens qui conduira inévitablement à un tri social des néo-bacheliers
● Appelle les collègues à débattre des réels enjeux de l’ensemble des réformes actuelles du gouvernement par le biais d’AG dans les composantes ;
● Dénonce les violences policières et la présence de l’extrême-droite sur le campus universitaire, demande la fermeture du “bastion social” et que le Conseil d’Administration de l’université de Strasbourg se prononce pour cette fermeture, à l’instar du conseil municipal de la Ville de Strasbourg ;
● Appelle les collègues de l’Université de Strasbourg à se mobiliser par la grève et les manifestations aux dates qui seront communiquées par l’intersyndicale afin de faire reculer le gouvernement sur l’ensemble des réformes qui ont pour but de désengager l’État de la plupart des services publics pour les faire entrer dans le marché privé ;
● Ne donne aucun crédit au sondage électronique organisé par l’équipe présidentielle ; elle apporte son soutien aux étudiants, appelle les personnels à mettre en œuvre tous les moyens pour ne pas pénaliser les étudiants, mobilisés ou non ;
● Appelle les collègues de l’université à se mettre en grève massive à la prochaine rentrée universitaire du 30 avril, pour défendre la Fonction Publique, nos statuts et le libre accès des bacheliers à l’Université dans la filière de leurs choix.
L’Assemblée générale était organisée à l’initiative des syndicats suivant : CNT67, SES-CGT, SNTRS-CGT, SNASUB-FSU, SNCS-FSU, SNESUP-FSU, SNPREES-FO, SUD Éducation Alsace
Le texte complet des directeurs de composantes et les 29 signataires
Nous avons des opinions diverses sur la politique suivie par le gouvernement en matière d’enseignement et de recherche ; nous avons des appréciations variées sur la loi orientation et réussite des étudiants (ORE) promulguée au début de cette année.
Nous dirigeons des structures universitaires (facultés, unités de formation et de recherche, instituts, écoles, centres universitaires) et avons pris ces responsabilités au sein de l’Université de Strasbourg parce que nous avons la conviction que l’enseignement supérieur et la recherche sont des vecteurs d’émancipation individuelle et collective.
Ce qui nous conduit à partager les objectifs suivants:
– Assurer à nos étudiants des formations de qualité leur apportant des connaissances et des compétences de haut niveau
– Le faire dans le cadre d’un service public dont l’honneur est d’être largement accessible, sans barrière liée au milieu social, au sexe ou à la nationalité des étudiants
– Tenir compte de la diversité des étudiants, tout particulièrement de ceux inscrits en première année, afin d’offrir à chacun une formation adaptée.
Ces objectifs valent pour les étudiants qui ont exprimé le souhait de s’inscrire dans l’une des formations de l’Université de Strasbourg par le biais de la plateforme Parcoursup et c’est dans ce cadre que les équipes universitaires ont travaillé à l’offre de formation pour les années prochaines.
Ils valent aussi pour les étudiants déjà inscrits qui sont en train de terminer leur année universitaire. C’est pourquoi nous refusons le blocage des bâtiments universitaires : il est important que ces étudiants puissent terminer normalement ce semestre et passer les examens.
Nous savons que la loi ORE, et d’autres projets, entraînent des oppositions et des contestations. C’est légitime dans une démocratie. Mais il n’est pas légitime que ces oppositions se traduisent par une volonté de blocage généralisé de l’activité universitaire, gênant sérieusement la poursuite d’études et l’activité professionnelle des personnels de l’université.
Sylvie Bégin, Directrice de l’Ecole européenne de chimie, polymères et matériaux (ECPM)
Vincent Blanloeil, Directeur de l’UFR de mathématique et informatique
Anne Bandry Scubbi, Doyenne de la Faculté des langues
Jean- Daniel Boyer, Doyen de la Faculté des sciences sociales
Herbert Castéran, Directeur général de l’EM Strasbourg
Frédéric Chapot, Doyen de la Faculté des lettres
Philippe Clermont, Directeur de l’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE)
Christophe Collet, Directeur de Télécom physique Strasbourg
Pierre- Alain Duc, Directeur de l’Observatoire astronomique de Strasbourg
Gabriel Eckert, Directeur de Sciences Po Strasbourg
Denis Fricker, Doyen de la Faculté de théologie catholique
Nicole Gauthier, Directrice du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ)
Christophe Geiger, Directeur général du Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI)
Jean- Pierre Gies, Doyen de la Faculté de pharmacie
Rémi Gounelle, Doyen de la Faculté de théologie protestante
Claude Guittard, Doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion
Alexandra Knaebel, Directrice de l’IUT Louis-Pasteur
Bernard Lickel, Directeur de l’IUT Robert-Schuman
Pierre Litzler, Directeur de la Faculté des arts
Eva Louvet, Doyen de la Faculté de psychologie
Jean- Yves Marc, Doyen de la Faculté des sciences historiques
Frédéric Masson, Directeur de l’Ecole et Observatoire des sciences de la terre (EOST)
Jean- Yves Mérindol, Administrateur provisoire de la Faculté des sciences du sport
Jacky de Montigny, Doyen de la Faculté des sciences de la vie
Abdel- Mjid Nourreddine, Directeur de la Faculté de physique et d’ingénierie
Georges Orfanoudakis, Directeur de l’Ecole supérieure de biotechnologie de Strasbourg -(ESBS)
Jean- Marc Planeix, Directeur de la Faculté de chimie
Jean Sibilia, Doyen de la Faculté de médecine
Jean- Materne Staub, Directeur de l’Institut de préparation à l’administration générale (IPAG)
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