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Au centre de rétention administrative, le spectre d’une fin de la « vigie citoyenne »

Le Sénat a voté lundi 12 mai une proposition de loi visant à évincer les associations des centres de rétention administrative. En Alsace, l’association SOS Solidarités-Assfam pourrait ne plus intervenir dans le centre de Geispolsheim.

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Au centre de rétention administrative, le spectre d’une fin de la « vigie citoyenne »
Le projet de loi vise à substituer les missions des associations dans les CRA au profit de l’OFII et des avocats.

Derrière les grilles du centre de rétention administrative (CRA) de Geispolsheim, 353 hommes ont été retenus en 2024, principalement des étrangers en attente de leur renvoi du territoire français. Pour le centre alsacien, c’est le Groupe SOS Solidarités-Assfam qui intervient pour permettre aux retenus l’accès à leurs droits. Une action qui a permis à 155 étrangers retenus d’être libérés.

Mais depuis le lundi 12 mai, l’association est inquiète. Le Sénat a voté une proposition de loi portée par Les Républicains visant à exclure toutes les associations des CRA. Cette loi confierait à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), un organisme de l’État, ces missions d’aide et d’accompagnement juridique aux personnes retenues.

Une connaissance essentielle du parcours des retenus

« Avec deux juristes et une coordinatrice, nous assurons une présence 6 jours sur 7 au CRA de Geispolsheim », présente Mathilde Buffière, responsable de la rétention pour le Groupe SOS Solidarités. Les juristes permettent de détecter les démarches qui peuvent être entreprises par les étrangers retenus, afin que des recours puissent être plaidés devant le tribunal administratif par des avocats.

Ces juristes ont une « très bonne connaissance de la situation des personnes retenues » selon Mathilde Buffière qui l’illustre d’un exemple :

« Il est arrivé que l’administration organise des retours au pays d’origine pour des personnes retenues alors que leurs recours n’ont pas encore été épuisés. Pour être au fait de ces situations, nous devons être au plus proche des personnes retenues. »

L’Ofii en conflit d’intérêts

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) intervient déjà dans les centres de rétention mais seulement pour des missions de préparation aux départs. En se basant sur les premiers éléments de la proposition de loi, Mathilde Buffière s’interroge :

« En se contentant uniquement d’un travail d’information des étrangers sur leurs droits tel que semble le prévoir la proposition de loi, on ne sait pas si l’Ofii pourra avoir un regard critique sur la situation des personnes retenues. »

Elle ajoute aussi :

« Un conflit d’intérêts pourrait advenir pour l’Ofii, puisque l’organisme serait une porte d’entrée vers l’exercice des droits individuels tout en étant directement sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, à l’origine des décisions que ces personnes voudraient contester. »

Les associations, des vigies citoyennes

Mais surtout, Mathilde Buffière rappelle que « les associations intervenant dans les centres de rétention ont un rôle d’alerte » :

« Nous sommes la seule source d’informations indépendante sur ce qu’il se passe dans ces centres de rétention où personne ne peut rentrer. Si on enlève ce rôle de vigie aux associations, on supprime le droit de regard de la société civile dans ces lieux de privation de liberté. »

Les associations qui interviennent en CRA publient chaque année un rapport qui chiffre, décrit et fait le bilan de la situation et des dysfonctionnements constatés dans tous les centres. On y apprend par exemple qu’une personne paraplégique avait été privée de son fauteuil roulant pendant sa rétention à Geispolsheim.


#Centre de rétention administrative

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