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Cigarettes électroniques, Strasbourg surfe sur la « vape »

En six mois, le nombre de vendeurs de cigarettes électroniques s’est multiplié à Strasbourg et dans les environs. Si les premiers magasins ont ouvert il y a deux ans, ils sont aujourd’hui une dizaine. Jeunes autoentrepreneurs, les vendeurs qui officiaient sur la toile tiennent désormais leur boutique. La « vape » reste un marché très attractif, mais aussi très risqué.

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A Econocolope cigarette électronique strasbourg

A Econocolope cigarette électronique strasbourg
A Econocolope, le premier magasin de cigarettes électroniques ouvert à Strasbourg en 2012 (Photo BC / Rue89 Strasbourg)

« Avec ce que prépare Bruxelles, je peux vous dire qu’on dort mal ! » Bratislav Turudic a de quoi être inquiet : la Commission européenne envisage d’interdire l’utilisation des atomiseurs rechargeables, ou cigarettes électroniques. « Brat » a investi pas mal d’argent pour pénétrer ce nouveau marché, alors réservé à une poignée de passionnés avant la grande vague estivale de médiatisation de ces produits censés permettre d’arrêter de fumer en douceur.

En mai 2013, Bratislav Turudic a ouvert son premier magasin au Neudorf, sous la marque « Vap’n Co ». Un mois plus tard, il ouvrait une deuxième boutique à la Robertsau, puis une troisième à Erstein en septembre. En janvier, ce sera Schiltigheim. Son employé, Julien Puma, compte quant à lui ouvrir son propre commerce sous la même marque « d’ici six mois à un an ». Alors forcément une interdiction de Bruxelles serait un coup dur pour tous ceux qui investissent dans le marché de la « vape », qui double chaque année, le nombre de « vapoteurs » a dépassé les 1,5 millions en France en 2013.

Strasbourg n’est pas (encore) une jungle

Pour l’heure, le nombre de vendeurs spécialisés croît lui aussi : Econoclope est le premier magasin à avoir ouvert à Strasbourg en 2012. Aux deux échoppes strasbourgeoises, il faut désormais ajouter Haguenau, Metz et Sarreguemines. La marque affirme d’ailleurs sur son site vouloir « développer d’autres points de vente ». E-Garette, My Free Cig, Sweet & Vapes, Alsa Clope, Vap’n Co ou encore Pause Cig’arrete sont aussi venus s’ajouter points de vente.

Mais Strasbourg n’est pas encore une jungle pour les investisseurs, selon Amande Valladier. En 2010, l’étudiante de 24 ans enregistrait son SIRET d’autoentrepreneur avec son compagnon en créant My Free Cig, un site web de vente de MODs, des atomiseurs électriques évolués et réservés à une clientèle initiée. Depuis cet été, Amande et son compagnon se sont associés dans une SARL, une structure plus adaptée à leurs recettes :

« Même si on trouve à peu près partout les mêmes produits en boutique, chacun arrive à peu près à trouver sa clientèle. Et comme nous vendons très peu à Strasbourg, nous ne sommes pas vraiment concernés par la concurrence. Pour l’instant, je dirais que tout le monde trouve sa place. »

Un avis partagé par nos interlocuteurs, y compris quand un commerce a priori concurrent ouvre dans la même rue. Sur l’avenue Aristide Briand, Bratislav Turudic se prépare à voisiner avec Benoit Marc, un vapoteur passionné qui vendait lui aussi sa marchandise sur la toile, à côté de son métier de routier, avant de s’implanter pour de bon : le magasin Pause Cig’arrete devrait ouvrir début 2014. Premier installé sur les lieux, « Brat » n’est pas inquiet :

« Benoit est un ami. Nous serons complémentaires dans nos produits : lui vendra plutôt des MODs, alors que nous vendons à 80% de gens qui découvrent la vape ».

Unis contre l’ennemi commun

Si les petits nouveaux arrivent à s’intégrer sur la place, selon Aurélien Matter, c’est parce que « la plupart des entrepreneurs partagent la même vision de la vape et ont envie d’aller dans le même sens » — autrement dit, se défaire du tabac et se défendre contre l’ennemi commun : les lobbyistes du tabac. Son échoppe, c’est Sweet and Vapes, qui a ouvert dans la rue du Faubourg de Saverne, il y a quatre mois. Aurélien Matter a injecté 30 000 euros dans son stock et dans le local qu’il a rénové lui-même.

Les dix places de cet élégant salon de thé/magasin accueillent aujourd’hui environ 40 clients par jour, autant vapoteurs débutants qu’initiés. Dans les deux cas, la plupart de ses clients sont des « fidèles ». Cet ancien barman de 29 ans s’est lui aussi lancé dans la vente de cigarettes électroniques en autoentrepreneur et à côté de son activité professionnelle, avant de s’installer. Un pari payant : son chiffre d’affaire a explosé ses prévisions de 300%. Ce qui lui permet d’employer deux salariés depuis novembre. Pour Aurélien, le marché reste « sauvage mais pas agressif », et son encadrement encore flottant : « on ne sait pas vraiment ce qui nous attend avec les lobbies du tabac ».

Entre le café et la boutique de cigarettes électroniques, Sweet & Vapes tente de fidéliser une clientèle de plus en plus exigente. (Photo : BC)
Entre le café et la boutique de cigarettes électroniques, Sweet & Vapes tente de fidéliser une clientèle de plus en plus exigeante. (Photo BC / Rue89 Strasbourg)

A la recherche des meilleures recettes

Selon Aurélien Matter, la meilleure manière de résister à la concurrence qui risque de se faire de plus en plus féroce, c’est de trouver un concept, pour que les vapoteurs ne passent pas dans son échoppe par hasard. Sweet & Vapes a prévu de s’agrandir en avril 2014 pour devenir un « bar à vape » sur le modèle des « bars à chichas ». Aurélien Matter aimerait aussi ouvrir d’autres points de vente en Alsace et ailleurs, mais pas dans l’immédiat, il faut voir comment la réglementation des produits évolue… À Strasbourg, il ne souhaite d’ailleurs pas créer de franchise :

« Mes clients seront prêts à traverser la ville pour trouver ici ce qu’ils n’ont pas ailleurs. Ils ne chercheront pas simplement des produits très précis, mais des conseils et une atmosphère unique ».

Sur Internet, Amande Vallier partage la même prudence : le samedi, l’entrée de son appartement reçoit quelques clients strasbourgeois qui viennent retirer leur commande pour éviter de payer les frais de port des ventes en ligne. Pas question d’ouvrir son propre magasin :

« On ne pourrait plus proposer les mêmes tarifs, et le marché strasbourgeois ne suffirait pas à nos produits destinés à des clients très ciblés ».

Une manière de continuer le business en limitant les risques, en attendant que le spectre de Bruxelles s’éloigne.


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