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« Cold Blood » de Kiss & Cry au Maillon : comme au cinéma, mais en mieux

Après le succès international de sa première création en 2011, le collectif belge Kiss & Cry reprend les ingrédients principaux, – le tournage d’un film en direct et la chorégraphie de mains-, pour un spectacle magnifique : Cold Blood. Ce ballet pour doigts tourné-monté traverse 7 histoires pour nous emmener, ébahis, dans la vie juste avant la mort. Au Maillon jusqu’au jeudi 26 janvier.

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Dans le salon de "Cold Blood" (Photo Julien Lambert)

Le Collectif Kiss & Cry fonctionne autour de deux éléments essentiels, très spécifiques, qui donnent accès à un univers totalement magique et singulier. Tout d’abord, il y a deux spectacles en un : celui qui se déroule sur le plateau, les scènes qui sont jouées et tournées, et le film qui est en train de se faire et d’être projeté tout à la fois. Puis il y a les doigts : ceux qui jouent les personnages, qui dansent, qui s’agitent et qui, dans Cold Blood, meurent.

Ces deux aspects permettent au spectateur d’embarquer dans un univers à part : un monde où l’infiniment petit côtoie l’écran de cinéma, un rêve où le présent est déjà au passé, en train de se construire. Un art d’artisans virtuoses, de trucs à vue et de machineries ingénieuses : un spectacle où la magie naît de ce que l’on voit presque plus que de ce que l’on imagine.

Promenade en ville pour "Cold Blood" (Photo Julien Lambert)
Promenade en ville pour « Cold Blood » (Photo Julien Lambert)

7 morts remplies de vie

C’est bien de la mort qu’il s’agit dans Cold Blood. 7 fois en plus, pour les superstitieux et autres amateurs d’ésotérisme. Mais Cold Blood ne se situe pas dans la délectation de la mort sanguinolente. Il s’agirait plutôt ici d’évoquer cet instant fugace d’avant la mort, celui qui permet de se souvenir de ce qui a constitué sa vie. La surprise naissant du fait qu’on ne sait jamais de quel souvenir il s’agira, bon ou mauvais, nostalgique ou ridicule ! Tout comme les morts peuvent être, elles aussi, « stupides » ou « érotiques », tour à tour.

D’une certaine façon, Cold Blood apparaît comme une fenêtre possible de familiarisation avec la mort, par un univers puissamment cinématographique, enfantin et technicolor. Mourir avec les doigts, alors, ce n’est peut-être pas si grave, surtout si c’est au cinéma et dans des situations rocambolesques.

Expérimenter la mort, tranquillement

La voix du narrateur, chaude et enveloppante, est comme un corps de plus dans le spectacle. Entre tendresse et humour, la voix et le texte de Thomas Gunzig nous vouvoie et nous invite à partager, tranquillement, l’expérience de ces morts successives.

La mort, finalement, c’est assez bien pensé. […] Mais vous vous dites : « C’est un peu froid, j’aurais du prendre un pull. »

La narration nous emmène d’histoire en histoire, selon un rythme qui paraît tantôt resserré, tantôt dilaté, comme s’il était son propre maître. Cette voix si présente se fait parfois presque oublier tant les scènes touchent au virtuose très référencé magie du grand écran… Puis elle revient se poser à nouveau dans le creux de l’oreille du spectateur, bienfaisante, comme un guide que l’on suivrait au bout du monde.

Dans le salon de "Cold Blood" (Photo Julien Lambert)
Dans le salon de « Cold Blood » (Photo Julien Lambert)

Une danse [pas du tout] macabre

Tout est fait dans Cold Blood pour transporter le spectateur dans un ailleurs magique, avec brio. La nano-chorégraphie de doigts prends de l’amplitude par rapport au premier opus de Kiss & Cry en s’accaparant ça et là la diversité offerte par d’autres parties des corps. On y explore des bras, des muscles d’épaules, des cheveux et des yeux comme au microscope.

La façon dont la chorégraphie de Michèle Anne De May rencontre le cinéma de Jaco Van Dormael est tout simplement bluffante. Les lumières viennent épouser les courbes des mains et des parties de corps pour en révéler des fragments délicats, un rythme, une intensité. Que de vie dans ces corps-là ! Au plateau tout grouille, les gens parlent, se déplacent vite d’un endroit à l’autre, c’est un plateau de cinéma. A l’écran, c’est la résultat magique de l’agitation : la poésie en plein phares.

On en dira pas plus, mais, de forêts en villes, de cabarets en paysages, on touche parfois à des instants de pure beauté, irréelle et stupéfiante, comme cette scène aperçue à travers les carreaux d’une fenêtre… Il faut voir ce spectacle, ne serait-ce que pour ce moment.

Comme au cinéma

La bande son joue sans aucun doute un rôle essentiel dans cette affaire d’émotion, comme au cinéma. Elle puise pêle-mêle dans le chant baroque et David Bowie, de Perfect Day à On Moonlight Bay… Un réservoir musical hétéroclite et pop qui marche à tous les coups.

Alors, vous aviez prévu d’aller voir un film ? Allez voir Cold Blood, vous verrez en plus une pièce de théâtre, une scène de tournage, un spectacle de danse et l’envers du décor. Cette multiplicité des scènes offertes au regard en même temps est en soi une invitation au voyage. Chacun peut s’y créer son chemin, s’attarder ici ou là, déceler telle ou telle astuce cinématographique, et pourtant se faire totalement embarquer. Blockbuster et art et essai à la fois.


#Danse

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